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Le réseau, ses atouts et ses contraintes
Participer à un réseau de soins permet au pharmacien de valoriser son rôle de professionnel de santé. Mais cette implication n’est pas sans conséquences. Au quotidien, l’emploi du temps et le management s’en trouveront bouleversés. Témoignages.
1 Un emploi du temps souple
S’il est une crainte que l’on peut avoir avant de s’engager dans un réseau, c’est d’abord quant au temps que cela requiert. Quand le planning officinal est déjà bien chargé, il est a priori difficile de courir deux lièvres à la fois. Pourtant, selon les dires des pharmaciens qui se sont lancés dans l’aventure, les réseaux ne sont pas si chronophages. Car l’investissement en temps du pharmacien dépendra du degré d’implication dans le réseau ainsi que de son mode de fonctionnement. Stéphanie Satger, cotitulaire à Loriol-du-Comtat (Vaucluse), peut en témoigner. En plus de son travail à l’officine, cette pharmacienne est membre de la commission scientifique de l’APSP-84 (Association pour les soins palliatifs de Vaucluse). « Nous sommes conviés à quatre réunions annuelles au moment de mettre en place les protocoles, explique-t-elle. Je prépare ces sessions en me documentant mais, sur l’ensemble de l’année, la participation à ce réseau ne représente pas un investissement en temps très important. »
En revanche, quand il s’agit de visiter les malades, le temps à y consacrer peut être plus important. C’est le cas de Patrick Fontaine-Berger, membre du réseau Resic 38 (réseau ville-hôpital d’insuffisants cardiaques de l’Isère). « La gestion au quotidien peut être difficile si le nombre de patients du réseau pris en charge par l’officine est trop important », prévient le titulaire grenoblois. Dans ce cas, mieux vaut anticiper. « Les déplacements au domicile supposent de bien organiser son temps, surtout pour une officine à équipe restreinte car la prise en charge des patients du réseau doit être assurée uniquement par un pharmacien, en général le titulaire », poursuit l’officinal.
Le temps est donc le premier critère à prendre en compte avant de se lancer. L’idéal ? « Entrer progressivement dans un réseau, en participant d’abord aux réunions d’information, avant d’y consacrer plus de temps », suggère Robert Gabriel, titulaire à Marseille et coordinateur du réseau Addiction Sud.
2 Une organisation adaptée
La participation du titulaire à un réseau de soins ne peut se faire sans certaines répercussions sur l’équipe de la pharmacie. Le premier effet, plutôt positif, est d’apporter une motivation supplémentaire, dans la mesure où l’étiquette « réseau de soins » valorise l’officine aux yeux des clients et des professionnels de santé. Robert Cousin, titulaire à Marseille, participe au réseau Le Cabanon spécialisé dans l’accompagnement des toxicomanes. « La cohésion au sein de l’équipe est importante pour que chacun se sente motivé et porté par la même dynamique. Le titulaire doit aussi être très présent afin de rassurer ses collaborateurs », conseille-t-il.
Parfois, la participation à un réseau nécessite une véritable réorganisation des tâches. C’est le cas de la Pharmacie des Pyrénées à Muret (Haute-Garonne). En participant à Pharmasoins 31, une association d’officinaux qui facilite la mise en réseau avec les autres professionnels de santé, et à Relience (soins palliatifs), la pharmacie s’est spécialisée dans le maintien à domicile « Cela a eu une incidence sur notre organisation, explique Jean-Michel Pomiès, cotitulaire. Une préparatrice s’occupe des tâches administratives concernant le matériel médical. Je réserve mes matinées au déplacement au domicile des patients, mais je peux partir à tout moment pour un dépannage à l’officine. Pour cela, nous nous organisons pour qu’il y ait toujours deux pharmaciens à l’officine. »
3 Un savoir-faire plus spécialisé
Le réseau de soins apporte une spécialisation au pharmacien, et donc, par ricochet, à toute l’équipe. Car une formation est toujours prévue afin d’assurer la qualité d’intervention des différents professionnels de santé. « Les prises en charge sont de plus en plus techniques, note Robert Gabriel. Nous devons connaître ce qui se passe en amont et en aval de la délivrance pour de nombreuses pathologies. Le réseau nous permet donc d’acquérir des connaissances pointues et une vision globale de la prise en charge. » Un point de vue que partage Stéphanie Satger : « Le réseau me permet d’avoir une connaissance très précise des protocoles et de pouvoir répondre au plus près aux demandes des médecins hospitaliers. Nous comprenons mieux les prescriptions, d’autant que, dans le domaine des soins palliatifs, beaucoup d’entre elles sont hors AMM. Le réseau est ainsi un moyen indirect de me former. »
Or, selon le réseau que vous choisirez, les connaissances que vous acquerrez peuvent être très différentes. « Il existe peu de formations sur la prise en charge des toxicomanes, note Robert Gabriel. Le réseau permet donc aussi de se former pour répondre à une demande qui existe en dehors du travail en réseau. » Ainsi, dans les réunions d’échanges entre professionnels de santé ou lors de soirées de formations thématiques, les réseaux s’efforcent de mettre à niveau les connaissances de leurs membres, contribuant à la formation continue de l’officinal qui s’y implique. Souvent proposées en soirée, ces formations sont le plus souvent suivies par les titulaires eux-mêmes. Reste ensuite à répercuter les informations à l’équipe.
4 Une nouvelle image de l’officine
L’appartenance à un réseau aura une influence directe sur l’image de l’officine auprès de ses clients. « Je m’étonne de voir à quel point mes clients étaient enthousiastes par le réseau. Cela leur permet de se sentir acteurs de leur prise en charge », déclare Patrick Fontaine-Berger.
Bien sûr, en participant à un réseau, le pharmacien montre son investissement comme acteur de santé. « La valorisation de notre conseil par le travail en réseau contribue à changer l’image de l’officine, ce qui permet aussi la fidélisation », souligne Robert Gabriel. Autre effet positif : une collaboration plus étroite avec les autres professionnels de santé. « Mon intégration m’a permis de mieux connaître les professionnels de santé de proximité et d’être perçu comme un véritable partenaire. Nos relations se sont largement renforcées en quantité comme en qualité », poursuit Patrick Fontaine-Berger. De là à obtenir une reconnaissance du rôle du pharmacien de la part des autres professionnels de santé ? Pas encore. « Il y a une grande méconnaissance de notre métier, notamment de la part des hospitaliers, avoue Stéphanie Satger. Nous sommes d’abord perçus comme des commerçants et il est très difficile de faire valoir nos compétences et nos connaissances auprès des médecins. Pour s’imposer, il faut vraiment pousser les portes et nous faire connaître car peu de réseaux pensent d’emblée à intégrer les officinaux. »
Ainsi, si la participation à un réseau entraîne des conséquences en termes de gestion du temps et d’organisation, les pharmaciens qui se sont lancés dans l’aventure ne regrettent rien. Outre les conséquences économiques directement liées à l’image positive véhiculée par le réseau, le travail en réseau est particulièrement enrichissant, de par les relations nouées avec les patients et la collaboration avec les différents professionnels de santé. « Le réseau représente une ouverture pour le pharmacien. L’officine a tout à y gagner », conclut Robert Gabriel. A bon entendeur…
Comment adhérer à un réseau
Nombreux d’entre vous sont directement sollicités par les réseaux. Mais un autre moyen de connaître les réseaux existants de votre région est de contacter les URCAM qui, dans chaque région, tiennent une cartographie des réseaux financés. Avant d’intégrer un réseau, pensez également à :
– Réfléchir sur les spécialités que vous souhaitez mettre en avant dans votre officine.
-Vous renseigner sur la nécessité de sortir de votre officine aux heures ouvrables, ce qui peut vous obliger à revoir l’organisation de l’équipe afin d’assurer la présence d’un pharmacien.
-Pousser la porte de l’hôpital. Beaucoup de réseaux sont à son initiative.
-Participer à une première réunion. Cela ne vous engage pas et vous permet de jauger l’intérêt du réseau pour vous.
-Evaluer si la formation nécessaire pour intégrer un réseau est compatible avec votre planning de formation
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