Santé naturelle Réservé aux abonnés

L’ayurveda réincarné

Publié le 21 juin 2008
Mettre en favori

Le yoga ou les massages à base d’huile ne sont que la partie émergée d’une médecine née en Inde il y a plusieurs milliers d’années… et promise à un bel avenir. Plus préventive que curative, insistant sur l’importance de l’alimentation pour notre santé et vantant les mérites des plantes, elle a tout pour séduire des occidentaux en panne d’harmonie et d’équilibre !

A l’origine, l’ayurveda, du sanscrit « âyur » (« vie » et « santé »), et « veda » (« connaissances »), consistait principalement à réciter des formules magiques pour implorer le pardon des dieux, expulser les démons ou briser les enchantements des sorciers. La plupart des plantes jouaient plus souvent le rôle d’ingrédients magiques que celui de drogues véritables. Aujourd’hui, les plantes sont utilisées à des fins thérapeutiques mais les malades continuent de vénérer Dhanvantari, incarnation de Vishnu et dieu de la médecine ayurvédique.

Les plantes sont très utilisées en médecine ayurvédique. Plus de 3 000 espèces ont été recensées dans les traités médicaux dont un bon millier entre encore dans la composition des remèdes prescrits de nos jours. Des substances d’origine minérale (bitume, réalgar, sulfate de cuivre, or, argent, plomb, fer…) ou animale font également partie de la pharmacopée ayurvédique. Les bienfaits de l’urine sont aussi vantés ! Celle de chèvre est recommandée en cas de toux, d’essoufflement, d’ictère, d’anémie ou d’hémorroïdes. Quant à l’urine humaine, on l’a utilisée en onguent contre certaines affections oculaires.

Les différentes colonisations de l’Inde, et en particulier britannique, ont longtemps relégué la médecine ayurvédique au rang de pratiques magiques. Il a fallu attendre l’indépendance, en 1947, pour qu’elle retrouve ses lettres de noblesse. Des chercheurs veillent donc sur ce patrimoine, à l’image de l’Herbal Folklore Research Center, en Inde du Sud, où on cultive et étudie les plantes médicinales.

Les médecins védiques ont à leur disposition cinq modes de traitement pour pallier l’éventuel déséquilibre d’un des trois principes vitaux : le vent, la bile ou le phlegme (selon cette médecine, l’homme est constitué des mêmes éléments que l’univers, à savoir le vent, l’eau, le feu). Ces traitements sont la vomification, la purgation, les lavements, les errhines (ou élimination des toxines par le nez) et les saignées. Leur durée peut varier de sept à quinze jours. L’ayurveda recommande la prise de préparations médicamenteuses par le nez pour débarrasser la tête et le cou des affections qui y siègent (céphalées, douleurs articulaires du cou, affections buccodentaires et maladies ORL). Quant aux saignées, elles ont pour but de débarrasser l’organisme du sang « vicié » et de combattre ainsi divers maux dont le sang est considéré comme le siège ou la source, en particulier les maladies de peau.

Les préparations médicamenteuses sont donc variées : poudres, infusions, décoctions, macérations, électuaires, pilules, liniments, onguents… En dehors des préparations aqueuses, l’excipient habituel est l’huile ou le beurre clarifié (« ghrta »), mais on utilise aussi le lait et le miel. Les préparations peuvent être administrées par voie orale, nasale, rectale (lavements ou suppositoires) ou externe (liniments, pommades, collyres, pulvérisations).

Publicité

La classification des plantes médicinales diffère selon les textes anciens. Dans la « Carakasamhitâ » par exemple, elles sont réparties d’après leurs effets sur l’organisme en cinquante catégories : on trouve les plantes qui « prolongent la vie », celles qui font grossir ou maigrir, les plantes laxatives, apéritives, analeptiques, stimulantes, diurétiques, antipyrétiques, antalgiques, anthelminthiques, antidotes, galactogènes, émollientes, diaphorétiques (qui facilitent la transpiration), émétiques, purgatives, contre la soif, contre le hoquet, contre la toux… On en retrouve un bel échantillonnage dans cette pharmacie de Tirupati, dans l’Andhra Pradesh.

Avec l’engouement des Occidentaux pour tout ce qui est « naturel », le marché mondial des plantes médicinales ne connaît pas la crise. Il serait estimé à 60 milliards de dollars. De quoi faire le bonheur de ce négociant installé à Madras.

Même si l’Inde est devenue aujourd’hui un gros producteur de génériques, beaucoup d’Indiens restent convaincus de la supériorité de « leur » médecine sur la médecine occidentale. Et, en plus, elle est beaucoup moins chère…

Pour poser le diagnostic, le praticien ayurvédique se livre à un examen minutieux portant non seulement sur le corps mais également sur l’état psychique. Il inspecte l’aspect de la peau, de la langue, des excréments… Il écoute le bruit de la respiration, les borborygmes, les craquements des articulations et les éventuelles altérations de la voix. Il sent également les odeurs émanant du malade, de ses plaies ou de ses sécrétions. L’examen du pouls, courant aujourd’hui dans la médecine ayurvédique, n’est apparu que plus récemment, c’est-à-dire au… VIIIe siècle.

Officiellement, la médecine ayurvédique n’est ni enseignée ni pratiquée en France. Certains « thérapeutes », généralement mal formés, la pratiquent semi-clandestinement. La Société des études ayurvédiques et l’équipe de recherche « Âyurveda », du groupe de recherche « Ethnomédecine » (université Marc-Bloch, Strasbourg), ont donc décidé d’unir leurs efforts pour jeter les bases d’une organisation professionnelle des praticiens de l’ayurveda en France. D’autant que la pharmacopée ayurvédique intéresse la recherche scientifique…

Pour que cette médecine venue du fond des âges perdure, l’usage des plantes médicinales est enseigné aux enfants de certains villages.

Source : http://ayurveda.france.free.fr, un site conçu et réalisé par Guy Mazars et Sylvain Mazars, responsable du groupe de recherche d’ethnomédecine à l’université Marc-Bloch de Strasbourg.