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Professeur Nature.com

Publié le 28 juin 2008
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Pour Jean-Marc Moingeon, titulaire à Goux-les-Usiers, dans le Doubs, les connaissances en mycologie et en botanique acquises durant les études sont restées très vivaces. Au point d’y consacrer un site Internet et d’endosser à son tour la tenue d’enseignant pour transmettre son savoir.

Ce sont les études de pharmacie qui lui en ont donné le goût. « Nous étudiions la botanique, surtout en première année, puis à nouveau en pharmacognosie lors de cours sur les plantes toxiques », se rappelle Jean-Marc Moingeon. La mycologie, il la découvre, comme ses futurs confrères, en quatrième année et s’y immerge pour sa thèse de doctorat. « Avec ma future épouse, j’ai réalisé, sur deux ans, une thèse de terrain sur la flore fongique dans la forêt de Dainville. Nous devions répertorier localement les champignons, de façon la plus exhaustive possible. » Une thèse que le pharmacien illustra déjà avec des photos prises lors de ses prospections.

Un site Internet à but pédagogique

Ces photos, Jean-Marc Moingeon aura l’occasion de les réexploiter lorsqu’il crée, en 2002, le site Internet http://www.pharmanatur.com. « Initialement, l’idée était d’utiliser ce nouveau moyen de communication pour présenter l’officine et quelques articles sur la santé », précise le pharmacien, qui y ajoutera progressivement des rubriques sur la mycologie, la botanique puis les orchidées européennes. Rubriques qui prendront vite le dessus chez ce botaniste passionné qui noue depuis des années des liens avec la Société d’histoire naturelle du Doubs, la Société française d’orchidophilie, l’Association lyonnaise sur les plantes insectivores ou encore la Fédération mycologique Dauphiné-Savoie.

Pharmanatur.com se nourrit des découvertes du titulaire, de ses échanges avec d’autres amateurs et, surtout, de nombreuses photos. « Il existe un certain nombre de sites web consacrés aux champignons notamment, mais les photos n’y abondent pas. » Il faut dire que les espèces sont pléthore dans la région : « J’en ai recensé 700 en choisissant parmi les plus courantes, mais aussi les plus rares. Il en existe 4 000 à 5 000 en France », indique Jean-Marc Moingeon, cotitulaire depuis 1992, avec sa femme, de l’officine de Goux-les-Usiers, un village de 650 habitants du Doubs. « Une centaine de mètres plus haut, sur le secteur de Pontarlier, se trouve une zone naturelle d’intérêt économique, faunistique et floristique qui compte beaucoup de marais et de tourbières, détaille-t-il. C’est un lieu assez exceptionnel. Il rassemble un grand nombre de plantes protégées aux niveaux national et régional. »

Son site Internet, Jean-Marc Moingeon l’a conçu dans un esprit pédagogique. Il le veut accessible aux connaisseurs comme aux débutants, pour lesquels il a construit une page spéciale sur les champignons. Morilles, chanterelles, bolets, cèpes…, on y retrouve les exemplaires les plus répandus, accompagnés d’un descriptif de leurs particularités, en particulier leur degré de cosmétibilité. « C’est la question principale que les gens se posent. Ils viennent à l’officine ou m’interrogent par e-mail lorsqu’ils ont un doute sur une espèce qu’ils ont ramassée », constate le pharmacien. Dans la partie botanique de Pharmanatur.com, il consacre également toute une rubrique aux plantes toxiques et à la conduite à tenir en cas d’intoxication. « Connaître les végétaux et les plantes, répondre aux questions fait partie des compétences du pharmacien. Et ce n’est pas seulement le cas des pharmacies rurales : il existe aussi de nombreuses baies dans les jardins ou les parcs publics. Toutes les officines ont d’ailleurs au moins une ou plusieurs fois par an un client qui leur apporte une plante car un enfant l’a touchée, mangée ou portée à sa bouche… »

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Organiser des TP pour les étudiants

Les connaissances en mycologie évoluent régulièrement. « On découvre de nouvelles espèces de plantes ou on en redécouvre. Leurs noms changent à la suite de la relecture de textes anciens. Les études sur la génétique y ont aussi contribué ces dernières années », relate le spécialiste. Il en fait donc un suivi régulier. Outre la lecture des bulletins des associations auxquelles il est adhérent, Jean-Marc participe aux stages que celles-ci organisent. « Avec la Fédération mycologique Dauphiné-Savoie, nous sommes par exemple allés dans les Alpes une semaine pour étudier la flore fongique locale. »

Le site Pharmanatur.com est aussi utilisé par ses étudiants de 4e et 5e année de la faculté de Besançon. « La rubrique « Travaux pratiques » a été faite pour eux. Elle les aide à mémoriser les espèces qu’ils ont trouvées. Comme Besançon est une petite ville, il est facile de se donner rendez-vous sur un terrain propice le matin à 8 h 30, de faire une heure de prospection et ensuite d’exposer les découvertes en salle et de donner un cours sur le sujet. Les étudiants peuvent ensuite retrouver sur la page « Travaux pratiques » des photos des cueillettes. Comme je fais également du comptoir, j’essaie de donner un sens pratique à l’enseignement, en parlant des espèces que les gens nous apportent le plus souvent, comme la famille des chanterelles qui compte plusieurs espèces ou les bolets qui, eux, comprennent des espèces cosmétiques mais d’autres toxiques. »

Jean-Marc Moingeon enseigne la mycologie sous forme de travaux pratiques depuis quatre ans. La proposition lui a été faite par d’anciens enseignants qui partaient à la retraite. « J’ai dit oui car cela m’intéressait de partager mes connaissances. » Depuis, ses interventions se sont étendues à des cours théoriques sur la classification des plantes, les espèces toxiques et les intoxications pour les cinquième année. Il s’occupe également d’un cours sur la botanique systémique destiné aux première année.

Jean-Marc Moingeon ne s’en tient pas qu’aux plantes et aux végétaux : son site Internet s’est aussi ouvert à l’herpétologie, l’étude des reptiles et des amphibiens. « Nous abordons aussi cette discipline pendant les études de pharmacie, rappelle-t-il. Là encore, le pharmacien est traditionnellement amené à identifier les espèces qu’on lui apporte au comptoir. Nous sommes censés posséder le bagage et les connaissances nécessaires pour distinguer les espèces. Un jour, une personne est venue à l’officine avec un seau qui contenait un serpent vivant. Il s’agissait d’une couleuvre à collier, totalement inoffensive. Comme la personne qui nous l’avait apportée ne voulait pas s’en occuper, je suis allé moi-même la relâcher dans la nature. »

Qui a dit que le pharmacien naturaliste était une espèce en voie disparition ?

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Les avantages

– Développer un site Internet est un moyen simple de rappeler ses différents rôles d’acteur de santé et de prévention. De plus, chaque pharmacie ou pharmacien possède souvent une spécificité qu’il peut être intéressant de développer par le biais du Net.

– La rubrique Contact du site est importante. Cette boîte aux lettres sur laquelle les Internautes peuvent déposer des messages permet de montrer que le pharmacien est un professionnel de santé accessible. Des demandes parviennent même de l’étranger à Jean-Marc Moingeon.

– Le coût de création d’un site web n’est pas élevé. L’hébergement coûte 15 euros par mois, auxquels s’ajoute le prix de l’adresse qui se paie tous les deux ans.

Les difficultés

– Il faut du temps. Un site Internet doit bouger et proposer des informations nouvelles régulièrement.

– Ne vous attendez pas à des retombées commerciales, sauf s’il s’agit d’un site marchand. C’est davantage en termes d’image qu’une pharmacie a intérêt à être présente sur le Net.

Les conseils de Jean-Marc Moingeon

– « Pour réaliser mon site, j’ai suivi une formation de quatre heures avec mon prestataire de services informatiques sur le logiciel de création de site. »

– « Dans la mesure du possible, il vaut mieux s’occuper soi-même de son site plutôt que de déléguer. C’est plus intéressant et cela lui donne une touche plus personnelle. »

– « Pensez à bien vous faire référencer sur les moteurs de recherche. Je fais aussi connaître localement mon site sur des stylos, les sacs en plastique et des cadeaux de fin d’année. »