Le saut à l’holistique
Faire des médecines naturelles une spécialisation à part en entière. Tel est le choix de Sophie Tariel. Entre le référencement exigeant des produits, la formation continue ou les entretiens personnalisés, la titulaire ne lésine pas sur les moyens pour le bien-être des patients. Qui le lui rendent bien.
A la Pharmacie Saint-Hélier, à Rennes (Ille-et-Vilaine), plus de la moitié de l’espace clients est réservée aux médecines naturelles. Une dizaine de linéaires abritent des compléments nutritionnels, des produits de phytothérapie ou des huiles essentielles. La titulaire n’a pas profité de l’engouement suscité par le bio et la « naturalité » pour en faire son business. Non, l’officine que Sophie Tariel a rachetée en février 2006 était déjà réputée pour son expertise en médecines douces. « Je n’aurais pas pu m’installer dans une officine classique. Je suis sensibilisée depuis longtemps aux médecines naturelles. J’ai vécu à Seattle, aux Etats-Unis, où les cliniques de naturopathie sont nombreuses et appréciées. Je me suis rendu compte que la médecine traditionnelle – bien qu’incontournable – a ses limites. Elle s’en tient souvent à soulager les symptômes, soigner un organe, sans rechercher les causes de troubles qui peuvent être psychiques ou émotionnels », explique-t-elle.
Des entretiens de 15 à 20 minutes
Sophie Tariel prône la médecine holistique. Autrement dit, une prise en charge globale des patients. Chez elle, le conseil ne s’en tient pas à proposer un produit naturel adapté et à conclure la vente en 5 minutes chrono. La titulaire invite au dialogue les clients qui le souhaitent via des entretiens personnalisés de 15-20 minutes dans son bureau, en toute confidentialité. Un patient souffre de troubles du sommeil ? Un autre se plaint de problèmes de digestion ? Elle les écoute et les interroge de façon à identifier l’origine de leurs symptômes. « Je ne pose jamais de diagnostic », tient-elle à préciser. Au détour de la conversation, la pharmacienne rappelle si besoin les règles d’une hygiène de vie saine et remet des fiches « alimentation » qu’elle a elle-même élaborées.
Un référencement très pointu pour un retour sur investissement
Pour soulager la plainte dans sa globalité, Sophie Tariel puise parmi ses différents produits (gélules de plantes, extraits de plantes fraîches, huiles essentielles, homéopathie…). Depuis son installation, la titulaire sélectionne son rayon de compléments nutritionnels « en fonction de la qualité des principes actifs et des contrôles effectués ». Elle travaille en direct avec plus de 20 laboratoires. « Je ne référence pas des gammes entières, je choisis dans chaque marque les produits qui me semblent les plus pointus. » Sa politique d’implantation n’est pas influencée par le niveau de notoriété des laboratoires auprès du grand public. Et les marques à l’honneur ne font pas forcément de publicité. Un choix qui permet de se différencier des offres classiques et qui évite tout comparatif de prix avec les autres officines. Car, pour Sophie Tariel, il n’est pas question de tomber dans le piège du discount ! « J’ai d’autant plus intérêt à conserver une marge correcte que je passe beaucoup de temps avec les clients. Mais je ne pourrais plus travailler d’une autre manière ! »
L’investissement de Sophie Tariel porte ses fruits. Elle réalise 30 % de son CA avec les médecines alternatives. « Je sais que mon positionnement ne plaît pas à tout le monde, mais j’ai dans l’ensemble une clientèle captive qui m’a fait connaître grâce au bouche-à-oreille. » Certains clients font des kilomètres pour cette prise en charge naturelle et avisée. Ce que recherche la pharmacienne ? La satisfaction et la fidélité de ses clients avant tout. Et les retours positifs l’encouragent à poursuivre dans cette voie.
Si Sophie Tariel est devenue particulièrement crédible dans un domaine où l’on rencontre de nombreux pseudo-spécialistes, c’est parce qu’elle s’est formée activement, notamment en suivant le cursus de deux ans de l’institut Europhyto, le DU d’homéopathie de la faculté de Lyon ainsi que, chaque année, des stages de laboratoires. Prochaine étape : se former en aromathérapie. La préparatrice de la Pharmacie Saint-Hélier est quant à elle diplômée du Centre homéopathique de Bretagne (formation de 3 ans).
Etre irréprochable pour rester crédible
« Le pharmacien a tout intérêt à valoriser ses compétences sur un créneau où n’importe qui peut se proclamer naturopathe ! Nous avons de solides connaissances en thérapeutique qui nous permettent de bien connaître les limites des médecines douces et de suspecter des cas graves », insiste Sophie Tariel. Ses concurrents directs ne sont autres que les magasins de diététique. « Il est dommage que les gens n’aient pas le réflexe pharmacie lorsqu’ils recherchent un conseil en médecines douces », regrette-t-elle. Par ailleurs, elle pointe du doigt les pratiques de nombreux phytothérapeutes ou médecins à orientation « médecines naturelles » « qui conseillent de commander des compléments nutritionnels via Internet ou à des laboratoires étrangers, en évinçant totalement l’officinal de la chaîne de soins ». Mais Sophie Tariel reste lucide : « Nous ne pourrons lutter contre de telles situations qu’en nous formant et en mettant en avant notre savoir-faire. »
Quant aux généralistes de son quartier, il a fallu du temps pour qu’ils ne la considèrent plus comme une hurluberlue. « Ce n’est parce que l’on prône un mode de vie sain, une prise en charge naturelle et l’alimentation bio que l’on ne joue pas son rôle de pharmacien ! », se défend Sophie Tariel. Pour elle, la qualité du conseil et du service doit être la même, qu’il s’agisse de délivrer une ordonnance à un asthmatique ou de conseiller une personne qui recherche un remède naturel pour soulager ses colites. Ainsi met-elle actuellement en place une démarche qualité selon les critères Qualiref (label du groupe PHR). La pharmacienne le sait : pour être reconnue dans un univers hors normes, elle ne doit faire preuve d’aucune faille. « Il faut toujours avoir une longueur d’avance », explique-t-elle. D’où une énergie sans bornes pour s’informer sans cesse : abonnement à des revues spécialisées, recherches bibliographiques…
Prochaine étape ? « J’aimerais fonder une association de pharmaciens impliqués dans le conseil en médecines douces. » Avis aux amateurs*.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– L’orientation « médecines naturelles » permet de se différencier des autres officines.
– En proposant un conseil avisé en aromathérapie, nutrithérapie ou homéopathie, la clientèle satisfaite devient forcément une clientèle très fidèle.
– La prise en charge globale des patients demande de l’écoute et passe par un dialogue qui crée une grande relation de confiance.
– Le fait que ce soit un professionnel de santé qui assure la promotion des médecines naturelles permet d’encadrer des pratiques qui, en dehors de l’officine, manquent parfois de sérieux.
Les inconvénients
– La prise en charge globale des patients via la médecine naturelle demande un grand investissement en termes de temps passé … qui n’est pas rémunéré.
– La démarche repose sur une seule personne (celle qui est formée et motivée). Ce qui implique une présence constante.
– La spécialisation « médecines naturelles » ne plaît pas d’emblée à tous les clients et peut heurter les médecins.
Les Conseils de sophie tariel
– « Pour conseiller efficacement les clients en phytothérapie, il faut absolument se former. Le conseil en médecine naturelle ne s’improvise pas ! La crédibilité du pharmacien passe par la mise en avant de ses compétences. »
– « Il faut bien sûr savoir orienter vers l’allopathie et diriger vers un médecin dès que cela s’avère nécessaire ! »
– « Les entretiens avec les patients demandent beaucoup de disponibilité. Il ne faut pas compter son temps, c’est le résultat et la satisfaction des patients qui comptent avant tout. »
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