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Champix pour un patient fumant depuis 25 ans

Publié le 23 août 2008
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Ce que vous savez du patient

– M. T., 41 ans, est suivi par son médecin généraliste pour une hypercholestérolémie essentielle. Il vient régulièrement à la pharmacie chercher son médicament hypocholestérolémiant (Tahor, 40 mg le matin).

– M. T. a fumé pendant 25 ans 20 cigarettes par jour. Il a fait plusieurs tentatives d’arrêt, dont la plus longue avec des patchs. Il a aussi essayé le bupropion mais a rapidement arrêté du fait de problèmes de sommeil.

– A la suite des conseils répétés de son médecin et de son entourage (épouse et enfants non fumeurs), il a réduit sa consommation. Depuis un an, il fume moins de 15 cigarettes par jour, sans réussir à diminuer davantage. Il est très motivé pour refaire une tentative d’arrêt avec le Champix. Il a débuté le traitement le 4 février.

Ce que le médecin lui a dit

– L’arrêt du tabac est important pour réduire les risques cardiovasculaires. Le médecin l’a averti que le médicament pouvait entraîner des nausées. Il veut le revoir dans un mois.

Ce dont le patient se plaint

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– M. T. ne fume plus depuis 5 jours. Il a un bon moral mais se sent fatigué et un peu nerveux. Il dort mal et se plaint aussi de nausées, surtout le matin, et d’une constipation depuis quelques jours.

Sa demande spontanée

– Pour éviter les nausées, M. T. a pris du Motilium dans son armoire à pharmacie (restant d’un ancien traitement). Il n’en a plus et aimerait savoir s’il peut en obtenir sans ordonnance. Il s’inquiète par ailleurs d’une information entendue récemment au sujet de l’apparition de symptômes dépressifs sous Champix.

Détection des interactions

L’ordonnance ne présente pas d’interaction avec le traitement de fond hypocholestérolémiant pris par M. T.

Analyse des posologies

Les posologies correspondant à un traitement d’initiation par Champix sont correctes. Sur demande du pharmacien, le patient confirme qu’il a bien respecté le schéma thérapeutique. Il prend, depuis environ 10 jours, 1 mg de Champix deux fois par jour, matin et soir. Il a arrêté de fumer à la fin de la deuxième semaine.

Avis pharmaceutique

Validité de l’ordonnance

Champix est un médicament inscrit sur la liste I et soumis à prescription médicale. Il est remboursé par la Sécurité sociale dans la limite de 50 euros par année civile et par personne. Pour cela, la prescription doit être faite sur une ordonnance consacrée exclusivement au traitement du sevrage tabagique.

Objectifs thérapeutiques

– Le bénéfice lié à l’arrêt du tabac est évident chez ce patient. L’intoxication tabagique pendant de nombreuses années expose à un risque d’effets secondaires cardiovasculaires bien connus. De plus, M. T. présente une hypercholestérolémie exposant également à des pathologies cardiovasculaires.

– Le but du sevrage tabagique est l’arrêt du tabac à court terme et l’abstinence totale à long terme afin de réduire la surmortalité et la morbidité de l’ensemble des pathologies liées au tabac.

– Champix doit permettre de limiter les effets de manque liés à l’arrêt de la consommation de tabac.

– L’accompagnement du patient dans cette démarche augmente les chances de succès du traitement.

Choix du traitement

– Avant l’instauration d’un traitement de sevrage tabagique, quel qu’il soit, il est nécessaire de prendre en compte la motivation du patient, l’importance de la dépendance à la nicotine (quantifiée à l’aide du questionnaire de Fagerström), la présence de troubles anxiodépressifs et de codépendances (en particulier alcool, cannabis), les comorbidités associées.

– Au-dessus de 20 cigarettes consommées par jour, un patient est considéré comme fortement dépendant. Cette dépendance est liée principalement à la nicotine. Dans le cas présent, M. T. s’oblige à fumer moins de 15 cigarettes par jour mais sa dépendance est forte. Elle est le résultat d’un conditionnement intense depuis plusieurs années, expliquant le fait que M. T. ne parvient pas à arrêter seul.

– M. T. ne présente pas de terrain dépressif ni de codépendances, éléments qui auraient nécessité une consultation spécialisée (tabacologue). Dans ce contexte et compte tenu des échecs successifs du patient sous substituts nicotiniques, le médecin propose à ce dernier un traitement par varénicline.

Mode d’action de Champix

– Le syndrome de sevrage, lié à un déficit en dopamine, se traduit notamment par des troubles du sommeil, un état d’anxiété, parfois des troubles de l’humeur à tonalité dépressive.

-La varénicline, en se liant aux récepteurs nicotiniques, induit une libération de dopamine (effet agoniste) qui va permettre d’atténuer les symptômes de manque. Parallèlement, elle empêche la nicotine de se fixer sur ses récepteurs (action antagoniste) et donc annule ou réduit les effets de récompense liés au tabac. L’envie de fumer est donc moindre.

Intervention pharmaceutique

– Les nausées sont des effets indésirables fréquents (3 10 %) mais passagers sous Champix. Il faut s’informer du moment de prise du médicament par rapport aux repas. Il est possible que M. T. ne prenne pas un petit déjeuner suffisamment consistant le matin, d’où la survenue de nausées dans la matinée et non après la prise du soir. Conseiller l’administration du médicament au milieu ou à la fin d’un repas pour limiter cet effet indésirable, lequel va par ailleurs diminuer au bout de quelques semaines. Expliquer au patient qu’un traitement antinauséeux n’est pas nécessaire.

– La constipation est fréquente au cours du sevrage. La nicotine inhalée agit en effet sur les récepteurs du système nerveux autonome, avec des effets bien connus sur les sécrétions gastriques et le péristaltisme intestinal (la première cigarette du matin déclenchant fréquemment l’envie de selle). Pour agir sur la nervosité et les troubles du sommeil, un apport en magnésium et en vitamine B6 peut être proposé au patient. Le magnésium diminue l’excitabilité neuronale et la transmission neuromusculaire. De plus, il normalise le transit gastro-intestinal. Contacté par téléphone, le médecin donne son accord et propose la prise trois fois par jour de 2 comprimés de Magné B6. Il confirme que les effets indésirables cités par le patient doivent régresser dans les prochains jours.

– Les troubles du sommeil dont se plaint le patient sont fréquents (3 10 %) sous varénicline et s’accompagnent souvent de rêves qualifiés d’étranges dont on se souvient particulièrement. Rassurer et expliquer que ces effets indésirables s’atténuent avec le temps. En profiter pour lui demander quelle est sa consommation de café.

– L’arrêt du tabac (avec ou sans traitement) peut, chez certains fumeurs et dans les premières semaines, entraîner un état dépressif « réactionnel ». Ce risque est surtout à redouter en cas d’antécédents dépressifs. Ce n’est pas le cas de M. T. Il convient donc de le rassurer sur ce point.

Suivi du traitement

Effets indésirables

– Facteurs importants d’échecs de l’arrêt du tabac, les troubles anxiodépressifs doivent être identifiés et pris en charge médicalement par un traitement antidépresseur sérotoninergique ou par l’ajustement, à la hausse, d’un traitement préexistant. Ceci implique de toujours s’enquérir, en cas de précédentes tentatives d’arrêt, de la survenue d’un état dépressif.

– L’arrêt du tabac implique un changement important de comportement du patient, de ses habitudes de vie. Un sentiment de stress ou de nervosité est normal.

– Une prise de poids est fréquente au cours du sevrage tabagique.

Efficacité

– L’efficacité du traitement est évaluée par l’abstinence totale à long terme. Au besoin, les thérapies cognitivocomportementales peuvent être conseillées. Elles contribuent de façon significative au succès thérapeutique.

– En cas de rechute à l’arrêt du traitement, orienter le patient vers un tabacologue.

Conseils au patient

Féliciter et encourager

– Féliciter le patient pour sa décision de tenter à nouveau d’arrêter le tabac. Souligner les effets immédiats déjà ressentis (récupération du goût, meilleure haleine, souffle…).

– Lui faire remarquer que grâce au traitement il n’a pas de pulsions physiques à fumer (à différencier des pensées et envies qui sont le reflet d’un conditionnement très puissant, de longue durée).

– Expliquer qu’il y a tout un travail de « déprogrammation » des automatismes qui va nécessiter plusieurs mois. D’où l’importance de poursuivre le traitement suffisamment longtemps (12 semaines voire plus).

– Inciter le patient à repasser régulièrement à l’officine s’il a besoin de soutien.

Concernant le traitement

– Rassurer sur le caractère transitoire des effets indésirables liés au médicament et au sevrage et expliquer qu’ils ne nécessitent donc pas une prise en charge médicamenteuse.

– Concernant les nausées, conseiller au patient de se lever 15 minutes plus tôt le matin et de prendre le temps de manger avant la prise de Champix.

Hygiène de vie

– Parallèlement à la prise de Magné B6, un régime alimentaire riche en fibres végétales et une hydratation suffisante (1,5 à 2 litres par jour) doivent permettre de venir à bout de la constipation.

– Pour remédier aux troubles du sommeil, conseiller de limiter la consommation de café à 3 tasses par jour et de ne pas en consommer après 15 heures. En effet, les hydrocarbures contenus dans la fumée de cigarette stimulent la synthèse hépatique de certaines enzymes, d’où l’accélération de la dégradation de certains médicaments et de la caféine chez le fumeur. A l’arrêt du tabac, la caféinémie augmente du fait d’un moindre métabolisme hépatique.

– Pour limiter la prise de poids, prendre des repas réguliers, faire la chasse aux graisses saturées et, si possible, supprimer la prise d’alcool le temps du sevrage (trop riche en calories et favorisant les pulsions à fumer). Encourager une activité physique régulière.

– Eviter les lieux enfumés.

Plan de prise conseillé

– Champix 1 mg : avaler le comprimé entier avec de l’eau au milieu ou à la fin du repas.

– Tahor 40 mg : prendre le comprimé avec un verre d’eau le matin (heure de prise indifférente par rapport aux repas).

– Magné B6 : avaler les comprimés avec un grand verre d »eau au moment des repas.

Les médicaments prescrits

Champix (varénicline)

– Agoniste partiel des récepteurs nicotiniques neuronaux à l’acétylcholine (alpha4bêta2).

– Indiqué dans le sevrage tabagique chez l’adulte.

– Posologie : le traitement débute à la dose de 0,5 mg par jour durant 3 jours, puis 0,5 mg deux fois par jour pendant 4 jours. La dose recommandée est ensuite de 1 mg deux fois par jour. Le traitement débute une à deux semaines avant la date d’arrêt du tabac fixée par le patient.

La durée totale du traitement est de douze semaines. Pour les patients qui ont réussi à arrêter de fumer, une cure supplémentaire de douze autres semaines de traitement peut être envisagée.

CONTACTER LE MÉDECIN

Informé des effets indésirables de son patient, le médecin valide la prise d’une association magnésium-vitamine B6.