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Une patiente sous Granocyte pour prévenir une neutropénie
Ce que vous savez de la patiente
– Mme F., 54 ans, est atteinte d’un cancer du sein. Elle est traitée par Taxotère en perfusion IV toutes les trois semaines dans le service d’oncologie d’un hôpital voisin. Elle commence dans 3 jours sa troisième cure. u Elle vient chercher les médicaments que l’oncologue lui a prescrits il y a une semaine. Lors de la précédente cure, elle a fait une neutropénie chimio-induite de grade 3 (polynucléaires neutrophiles à 700/mm3) qui a nécessité une hospitalisation. Ce taux est revenu ensuite à la normale. Par ailleurs, les ongles des pieds et des mains de la patiente étant fragilisés par le cytotoxique, elle applique un vernis au silicium qu’elle achète régulièrement à la pharmacie. Elle suit attentivement sa température à l’aide d’un thermomètre auriculaire.
Ce que le médecin lui a dit
– Le médecin a prescrit à sa patiente, pour sa prochaine cure, des injections sous-cutanées pour éviter un nouvel épisode de neutropénie. Il lui a expliqué qu’elle pouvait les réaliser elle-même et l’a prévenue que le médicament pouvait entraîner parfois des douleurs osseuses et que, si tel était le cas, elle pouvait prendre du paracétamol, jusqu’à 2 gélules à 500 mg 4 fois par jour.
Ce dont la patiente se plaint
– Madame F. vous demande conseil car elle souffre depuis la veille de douleurs buccales l’empêchant de manger normalement.
Détection des interactions
Aucune interaction n’est détectée dans cette ordonnance.
Analyse des posologies
Les posologies sont conformes aux AMM. Le RCP du docétaxel préconise une prémédication par un corticoïde oral tel que la dexaméthasone, à raison de 16 mg par jour pendant 3 jours en commençant la veille de la perfusion du docétaxel. Ce qui équivaut aux 100 mg de prednisone de l’ordonnance.
Avis pharmaceutique
Validité de l’ordonnance
Granocyte est une spécialité nécessitant une prescription initiale hospitalière trimestrielle, ce qui est bien respecté ici.
Choix du prescripteur
– L’objectif dans cette ordonnance est de prévenir et de prendre en charge certains effets indésirables du docétaxel. Cet anticancéreux peut être source de toxicité hématologique, d’alopécie, d’hypersensibilité, d’effets neurologiques, cardiaques ou de rétention hydrique.
– Le lénograstime (Granocyte) permet de diminuer la durée d’une neutropénie et donc le risque de survenue d’une neutropénie fébrile chez cette patiente qui a déjà présenté un épisode lors d’une précédente cure. Ce facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) stimule spécifiquement le développement de la lignée neutrophile. Il est administré de manière à encadrer le nadir du docétaxel (survenant en moyenne 7 jours après la chimiothérapie). La neutropénie est l’effet indésirable le plus fréquemment observé avec le docétaxel. Elle peut être à l’origine d’épisodes infectieux.
– La prednisone atténue le risque de rétention hydrique lié à l’anticancéreux et possède une activité antiémétisante préventive des nausées et vomissements chimio-induits (pour les traitements faiblement émétisants). Le corticoïde limite aussi le risque de réactions cutanées (rash, prurit) consécutives à la perfusion de l’anticancéreux.
– Le paracétamol permet la prise en charge des myalgies et arthralgies induites par le docétaxel et des douleurs osseuses provoquées par le lénograstime.
Mise en place du traitement
– Le lénograstime ne doit pas être administré en même temps qu’une chimiothérapie cytotoxique. La première injection du produit est effectuée au plus tôt 24 heures après la fin de la chimiothérapie. Dans le cas de madame F., l’injection sera effectuée trois jours après la perfusion de docétaxel.
-Le traitement par docétaxel ne pourra être repris que si le taux de polynucléaires neutrophiles est supérieur ou égal à 1 500/mm3 .
Intervention pharmaceutique
– Devant la plainte de la patiente, le pharmacien suspecte une mucite buccale. Cette complication fréquente est favorisée par la sécheresse de la bouche consécutive à un traitement anticancéreux ou à une radiothérapie. Une mucite nécessite une prise en charge immédiate car elle peut constituer une porte d’entrée à une infection systémique. De plus, elle peut entraîner une gêne fonctionnelle importante altérant la qualité de vie du patient (dysphagie, amaigrissement).
– Après avoir fait préciser à la patiente l’aspect de la muqueuse buccale (érythème) et la gêne ressentie (douleur, difficultés d’alimentation), le pharmacien contacte le prescripteur. Ce dernier souhaite revoir sa patiente avant la prochaine perfusion de Taxotère en vue de la reporter éventuellement en fonction de la sévérité de la mucite. Il faxe une ordonnance à la pharmacie comportant un antifongique, le Triflucan (fluconazole) à la posologie de 100 mg par jour pendant deux semaines, ainsi que des bains de bouche à réaliser quatre fois par jour (mélange de 500 ml de bicarbonate de sodium à 1,4 ä et de 100 ml d’Hextril). Il précise qu’il faut conserver cette préparation au réfrigérateur.
– Le bicarbonate permet d’alcaliniser la cavité buccale. L’hexétidine exerce une activité antiseptique. La préparation ainsi effectuée permet à la patiente d’effectuer plusieurs jours de traitement (environ 20 ml 4 fois par jour). Elle reviendra ensuite chercher le complément.
Suivi du traitement
Surveillance
– Une fois les injections de Granocyte débutées, une numération-formule sanguine régulière permet d’apprécier l’efficacité de ce traitement par G-CSF. Les injections sont réalisées tous les jours jusqu’à ce que la date attendue du nadir soit dépassée et que le taux de neutrophiles soit revenu à une valeur normale. Madame F. n’aura peut-être pas à réaliser la totalité des 6 injections prescrites.
– Le contrôle régulier de la température est un élément de surveillance important de l’éventuelle survenue d’infections.
– Le suivi de l’état nutritionnel et l’évaluation de la douleur de la patiente sont indispensables dans ce cas de mucite chimio-induite.
Effets indésirables
– Lénograstime : troubles gastro-intestinaux, douleurs osseuses et ostéoarticulaires, perturbations des enzymes hépatiques et splénomégalie sont des effets indésirables possibles. Une surveillance clinique du volume de la rate doit être instituée. Le fluconazole, prescrit pour traiter la mucite, peut également entraîner une atteinte hépatique.
– Docétaxel : cet anticancéreux entraînant fréquemment une altération des ongles, la patiente applique un vernis à base de silicium pour en accroître la résistance et éviter leur chute.
Conseils au patient
Prévenir les infections
– Le risque infectieux est majeur en cas de neutropénie. La patiente doit être attentive aux signes évocateurs d’une infection : frissons, pâleur, mal-être… La fièvre peut toutefois être masquée par la prise concomitante de paracétamol. La température est mesurée avec un thermomètre auriculaire en prenant soin de changer l’embout. En cas de fièvre, la patiente doit alerter son médecin : une analyse de sang est nécessaire.
– Eviter tout contact avec des personnes enrhumées ou grippées.
Concernant les injections
– Granocyte se conserve à température ambiante. Chaque conditionnement renferme un flacon de poudre de lénograstime, une seringue contenant le solvant et deux aiguilles.
– Nettoyer à l’alcool le bouchon du flacon de poudre, le maintenir verticalement et percer le bouchon avec l’aiguille à cône beige (19 G). Injecter le contenu de la seringue et agiter doucement jusqu’à dissolution complète (environ 5 secondes). Retourner le flacon et aspirer la solution. Retirer l’aiguille à cône beige et la remplacer par celle à cône marron (26 G). Eliminer les bulles d’air en tapant légèrement sur le corps de la seringue et en poussant doucement le piston, aiguille vers le haut.
– Injecter par voie sous-cutanée au niveau de l’abdomen, de la cuisse ou éventuellement du bras. Varier le site d’injection à chaque administration. Jeter le matériel dans un récipient adapté.
Concernant la mucite
– Conserver la solution en bouche 30 secondes avant de la recracher. Ne pas s’alimenter ou ne pas boire immédiatement après l’administration afin de permettre aux substances actives d’agir.
– La prévention de la sécheresse buccale permet d’éviter certaines affections (ulcérations buccales, mucites, mycoses). Le froid assure un effet antalgique et stimule de plus la salivation, d’où l’intérêt de conserver les bains de bouche au réfrigérateur. Sucer des glaçons pendant les perfusions de chimiothérapie est susceptible de réduire le risque de mucite (effet vasoconstricteur).
– Conserver une bonne hygiène buccodentaire.
– Privilégier des boissons et une alimentation froides, non acides. Eviter alcool et épices ainsi que les aliments durs susceptibles de léser la muqueuse.
Concernant les douleurs
– Le lénograstime peut entraîner des douleurs osseuses et lombaires. Rassurer la patiente en lui expliquant que ces douleurs sont transitoires. La prise de Dafalgan (jusqu’à 2 gélules par prise 4 fois par jour espacées d’au moins 4 heures) permet de les atténuer.
– Préciser à la patiente qu’elle peut aussi prendre le paracétamol pour soulager les douleurs buccales provoquées par la mucite.
Plan de prise conseillé
– Granocyte 34 : effectuer l’injection immédiatement après la reconstitution de la solution.
– Cortancyl : prendre les comprimés le matin au cours du repas.
– Dafalgan : prendre 2 gélules 4 fois par jour en cas de douleurs. Espacer les prises d’au moins 4 heures.
– Bain de bouche : à faire de préférence après les repas.
– Triflucan : la gélule peut être prise pendant ou en dehors du repas.
Les médicaments prescrits
Granocyte 34 (lénograstime) en injection sous-cutanée (33,6 MUI pour 1 ml)
– Cytokine G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) ou facteur de croissance granulocytaire.
– Indiqué entre autres dans la réduction de la durée des neutropénies et de l’incidence des neutropénies fébriles chez les patients traités par une chimiothérapie cytotoxique.
– Posologie : 150 mg/m2 /jour, dose d’efficacité équivalente à 5 mg/kg/jour. Le traitement débute au moins 24 heures après la fin de la chimiothérapie.
Cortancyl 20 mg (prednisone)
– Glucocorticoïde indiqué entre autres dans le traitement des nausées et des vomissements ainsi que des poussées oedémateuses et inflammatoires en cas de traitement antinéoplasique.
– Posologie usuelle : 0,35 à 1,2 mg/kg/jour. Des doses plus élevées peuvent être utilisées.
Dafalgan 500 mg (paracétamol)
– Antalgique-antipyrétique indiqué dans le traitement symptomatique des affections douloureuses et/ou des états fébriles.
– Posologie : 3 à 4 g par jour. Un intervalle d’au moins 4 heures doit être respecté entre les prises.
CONTACTER LE MÉDECIN
Informé par le pharmacien de la plainte de la patiente, le médecin faxe une ordonnance comportant du Triflucan et un bain de bouche.
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