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L’insuffisance cardiaque chronique
Fréquente, l’insuffisance cardiaque est une pathologie chronique et grave qui nécessite un traitement médicamenteux à vie.
PATHOLOGIE : L’insuffisance cardiaque chronique en 5 questions
1 DE QUOI S’AGIT-IL ?
L’insuffisance cardiaque correspond à l’incapacité du cœur à assurer un débit de sang suffisant pour satisfaire les besoins de l’organisme, et/ou à fonctionner dans un régime de pression normale.
Il existe deux formes d’insuffisance cardiaque :
– l’insuffisance cardiaque par défaut de contractilité myocardique, dite insuffisance cardiaque systolique ou à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) [GLOSSAIRE] altérée lorsque celle-ci est inférieure à 50 % ;
– l’insuffisance cardiaque par défaut de remplissage ventriculaire gauche, dite diastolique, avec FEVG préservée (FEVG supérieure ou égale à 50 %). Cette forme est plus fréquente chez les sujets âgés avec de nombreuses comorbidités cardiovasculaires.
2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?
Les signes cliniques évocateurs d’une insuffisance cardiaque sont un essoufflement inhabituel, une prise de poids rapide, des œdèmes, une fatigue (qui peuvent être mémorisés grâce à l’acronyme Epof promu par l’Assurance maladie dans une campagne de sensibilisation lancée en 2022).
La dysfonction cardiaque s’accompagne en effet d’une « stase sanguine » en amont des ventricules, responsable d’un état congestif. Les signes congestifs dépendent du ventricule en cause (gauche, droit ou les deux) et de la sévérité de l’insuffisance cardiaque (voir encadré).
L’augmentation de la pression télédiastolique [GLOSSAIRE] ventriculaire gauche se répercute en amont jusque dans les veines pulmonaires, raison de l’essoufflement. Il s’agit de dyspnée d’effort (survenant notamment lors de la montée d’escaliers), puis de repos ou de décubitus dorsal (obligeant le patient à dormir en position assise ou semi-allongée).
En cas d’insuffisance ventriculaire droite, la pression augmente au niveau du système veineux, ce qui se manifeste par une turgescence jugulaire (gonflement des veines du cou). Puis, la pression augmente dans les veines périphériques, entraînant non seulement des hépatalgies (douleurs hépatiques) liées à l’hépatomégalie (distension du foie), mais aussi des œdèmes des membres inférieurs.
L’insuffisance cardiaque globale combine les signes d’insuffisance cardiaque gauche et droite.
Il faut souligner que chez les patients âgés, les signes peuvent être trompeurs et retarder le diagnostic (fatigue, confusion, désorientation, chutes, prise de poids).
3 QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ET FACTEURS FAVORISANTS ?
Les étiologies les plus fréquentes sont les syndromes coronariens (70 % des insuffisances cardiaques sont liées à une maladie coronarienne), notamment au décours d’un infarctus du myocarde, l’hypertension artérielle mal ou non contrôlée (plus de 20 % des cas), les arythmies (fibrillation auriculaire, en particulier) et les valvulopathies.
Certaines insuffisances cardiaques ont une origine toxique : cardiomyopathie liée à une consommation excessive d’alcool, ou insuffisance cardiaque secondaire à une chimiothérapie anticancéreuse par anthracycline par exemple. D’autres sont infectieuses ou liées à des cardiomyopathies d’origine génétique.
Une anémie sévère (carence martiale), une hyperthyroïdie non traitée, une apnée du sommeil, et des facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, diabète, dyslipidémie, surpoids, sédentarité) sont des éléments favorisants.
4 COMMENT EST ÉTABLI LE DIAGNOSTIC ?
Examen clinique
L’examen clinique permet de rechercher une asthénie intense, un essoufflement à l’effort ou au repos, une dyspnée nocturne. L’auscultation cardiaque permet de mettre en évidence une tachycardie compensatoire ; l’auscultation pulmonaire recherche des râles crépitants.
L’examen des membres inférieurs permet de rechercher des œdèmes blancs, mous, indolores, symétriques, gardant le godet (le pouce de l’examinateur s’y enfonce et y laisse sa marque).
L’examen physique recherche également une turgescence jugulaire, une hépatomégalie et des hépatalgies.
Examens complémentaires
Le dosage des peptides natriurétiques (produits par le cœur en cas d’insuffisance cardiaque) permet d’orienter le diagnostic en cas de doute.
L’électrocardiogramme (ECG) recherche des troubles du rythme associés à l’insuffisance cardiaque.
La radiographie du thorax vise à mettre en évidence une cardiomégalie par dilatation cardiaque, ainsi que des signes congestifs pulmonaires.
L’échocardiographie permet de mesurer la fraction d’éjection ventriculaire gauche et de détecter une valvulopathie.
5 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?
L’insuffisance cardiaque altère la qualité de vie (anxiété, fatigue, entraves sur les activités du quotidien, répercussions sur la vie sociale, les loisirs, etc.).
Elle augmente le risque d’hospitalisations prolongées pour décompensation cardiaque [GLOSSAIRE]. L’insuffisance cardiaque gauche peut en effet se compliquer d’un œdème aigu du poumon qui peut en être la manifestation aiguë ultime et la révéler.
La complication majeure est le décès par mort subite du fait de troubles du rythme ou des suites d’une insuffisance cardiaque terminale.
Physiopathologie et pharmacodynamie
Une activation du système sympathique et du système rénine-angiotensine-aldostérone permet une compensation initiale du débit cardiaque. A long terme, l’activation chronique de ces deux mécanismes neurohormonaux est délétère et participe à l’évolution péjorative de la maladie. Ils sont donc la cible du traitement médicamenteux.
LA PHYSIOPATHOLOGIE
L’insuffisance cardiaque survient à la suite d’un événement altérant le muscle cardiaque (infarctus du myocarde, hypertension artérielle, cardiomyopathie d’origine génétique, infectieuse, toxique ou congénitale).
Dans un premier temps, l’organisme tend à s’adapter pour pallier la défaillance cardiaque et tenter de conserver un débit suffisant pour perfuser le cerveau, le cœur et les poumons, par stimulation de deux systèmes neurohormonaux : le système sympathique et le système rénine-angiotensine-aldostérone.
La stimulation sympathique vise à augmenter la fréquence cardiaque pour augmenter le débit cardiaque (débit cardiaque = fréquence cardiaque x volume d’éjection systolique). Elle est à l’origine d’une tachycardie.
La stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone, induite par l’hypoperfusion rénale liée à l’insuffisance cardiaque, vise à augmenter la volémie pour augmenter le volume d’éjection systolique. Elle est à l’origine d’une vasoconstriction et d’une augmentation de sécrétion surrénalienne d’aldostérone, responsable quant à elle d’une rétention hydrosodée. La vasoconstriction augmente la postcharge et le travail cardiaques, et l’hyperaldostéronisme est responsable des signes congestifs mais aussi d’hypokaliémie susceptible d’induire des troubles du rythme cardiaque et une fibrose myocardique.
A long terme, ces réactions d’adaptation sont délétères car elles aboutissent à un remodelage ventriculaire et entretiennent l’insuffisance cardiaque par un cercle vicieux.
Le traitement standard de l’insuffisance cardiaque a donc pour objectif de bloquer ces mécanismes compensatoires avec des médicaments agissant sur le système rénine-angiotensine-aldostérone et des molécules antagonistes du système nerveux sympathique.
LES MÉDICAMENTS DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) empêchent la transformation de l’angiotensine I en angiotensine II.
Les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II) bloquent de façon compétitive les récepteurs de l’angiotensine II, ce qui provoque un effet vasodilatateur et diminue la sécrétion d’aldostérone par les surrénales.
L’association sacubitril-valsartan est une association synergique d’un ARA II (valsartan) et du sacubitril qui inhibe la néprilysine (enzyme dégradant les peptides natriurétiques). Le sacubitril augmente donc les taux de peptides natriurétiques et leurs effets vasodilatateurs et natriurétiques, bénéfiques.
Les bêtabloquants exercent une action antagoniste sur les récepteurs adrénergiques cardiaques, ce qui diminue la fréquence cardiaque.
Les médicaments antialdostérone se fixent sur les récepteurs de l’aldostérone situés au niveau des tubes contournés distaux et empêchent la réabsorption d’eau et de sodium.
Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (ISGLT2) agissent au niveau des tubes contournés proximaux et empêchent la réabsorption de sodium et de glucose.
Les diurétiques de l’anse, utilisés en cas de signes de congestion, exercent un effet hypovolémiant et hyponatrémiant.
THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter l’insuffisance cardiaque chronique ?
L’insuffisance cardiaque est une pathologie chronique responsable d’une morbi-mortalité importante. Toutefois, la mise en place de mesures hygiénodiététiques et d’un traitement médicamenteux bien codifié et enrichi de nouvelles classes thérapeutiques permet d’en améliorer le pronostic.
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
Objectifs
La prise en charge vise à améliorer la qualité de vie des patients, à prévenir les épisodes de décompensation, à diminuer le risque d’hospitalisations et à réduire la mortalité.
Traitement symptomatique
Les diurétiques de l’anse constituent le traitement symptomatique de référence en cas de signes de rétention hydrosodée (signes congestifs pulmonaires ou œdèmes périphériques).
Traitement de fond standard
Le traitement standard de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) réduite (inférieure ou égale à 40 %) consiste à moduler le système rénine-angiotensine-aldostérone et le système nerveux sympathique.
La prise en charge médicamenteuse repose sur la prescription de quatre classes thérapeutiques considérées comme les quatre grands piliers cardioprotecteurs et positionnées en première ligne par les recommandations européennes de 2021 et américaines de 2022 :
– un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone : inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou association sacubitril/valsartan ;
– un β-bloquant ;
– un antagoniste de l’aldostérone (spironolactone, éplérénone) ;
– un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2 ou ISGLT2 (dapagliflozine ou empagliflozine), indiqué également en diabétologie, quel que soit le statut diabétique du patient.
Cependant, la Haute Autorité de santé (HAS) positionne actuellement les ISGLT2 en traitement de recours à ajouter aux autres traitements chez des insuffisants cardiaques restant symptomatiques malgré un traitement standard optimisé.
Dans le cas d’une insuffisance cardiaque chronique (ICC) à FEVG modérément altérée (entre 41 et 49 %), le traitement fait appel aux mêmes classes thérapeutiques que l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite. Concernant les ISGLT2, à ce jour, seule l’empagliflozine est remboursée en cas de FEVG supérieure à 40 %.
Traitement de fond de seconde intention
Aucun antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II) n’ayant démontré une réduction de la mortalité liée à l’insuffisance cardiaque, les dernières recommandations européennes de 2021 les positionnent désormais en seconde ligne. Ainsi, les ARA II (candesartan, losartan, valsartan) sont utilisés en deuxième intention en cas d’intolérance ou de contre-indications aux IEC.
L’ivabradine peut être prescrite en cas d’intolérance ou de contre-indications aux β-bloquants, ou en complément du traitement standard en cas de fraction d’éjection inférieure ou égale à 35 % et de fréquence cardiaque supérieure ou égale à 70 battements/min (en dépit de l’utilisation du β-bloquant aux doses maximales tolérées).
La digoxine est une option chez les patients toujours symptomatiques avec une FEVG inférieure ou égale à 35 % malgré un traitement standard bien conduit. Elle est notamment préconisée en cas de fibrillation auriculaire associée.
Cas de l’ICC à FEVG préservée
Dans le cas d’une FEVG supérieure ou égale à 50 %, le traitement n’est pas standardisé. Il consiste à contrôler strictement les facteurs de risque cardiovasculaire et à traiter les signes congestifs avec les diurétiques de l’anse. Les recommandations américaines de 2022 intègrent désormais à l’arsenal thérapeutique l’empagliflozine, qui permet de réduire le risque de décompensation et d’améliorer la qualité de vie. La HAS la considère comme traitement de première intention.
Autres traitements
Mesures hygiénodiététiques
Un régime pauvre en sel, un mode de vie adapté (arrêt indispensable du tabac, régime de type méditerranéen, lutte contre la sédentarité, etc.) et la correction des facteurs de risque cardiovasculaire (atteintes des objectifs glycémiques, tensionnels et lipidiques), les vaccinations antigrippale, antipneumococcique, anti-Covid-19, constituent des piliers indispensables à la prise en charge, complémentaire au traitement.
Réadaptation cardiaque
La réadaptation cardiaque, réalisée en service de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisé, peut être proposée en cas de déconditionnement à l’effort, de difficultés à la réinsertion professionnelle ou d’adaptation au nouveau mode de vie, ou dans les suites d’une chirurgie cardiovasculaire. La prise en charge est pluridisciplinaire, fondée notamment sur l’exercice physique et l’éducation thérapeutique. Une quarantaine de séances sont souvent nécessaires, à raison de 3 à 5 séances par semaine.
La réadaptation cardiaque permet d’améliorer la tolérance à l’effort et la qualité de vie mais également de réduire les hospitalisations et la mortalité liées à l’insuffisance cardiaque. Toutefois, les effets bénéfiques de la réadaptation ne perdurent que si le patient poursuit une activité physique régulière.
Correction d’une carence martiale
Une carence martiale étant souvent associée à une insuffisance cardiaque et susceptible de l’aggraver, celle-ci doit être dépistée périodiquement chez l’insuffisant cardiaque à FEVG réduite et, le cas échéant, corrigée. Les supplémentations orales ne sont pas recommandées chez l’insuffisant cardiaque du fait d’une efficacité insuffisante. Le traitement correcteur repose sur des injections intraveineuses de carboxymaltose ferrique (réservées à l’usage hospitalier). Les érythropoïétines ne sont pas indiquées dans le traitement de l’anémie chez l’insuffisant cardiaque (augmentation du risque thromboembolique).
Dispositifs implantables
L’implantation d’un stimulateur biventriculaire (resynchronisateur) permet de corriger l’asynchronisme à l’origine de certaines insuffisances cardiaques. Il peut être proposé à certains patients (symptomatiques en dépit d’un traitement optimal, dont la fraction d’éjection systolique est inférieure à 35 % et l’espérance de vie suffisante).
L’implantation d’un défibrillateur sous la peau de la région sous-claviculaire, associé à la resynchronisation ventriculaire, peut être proposé, notamment en cas de troubles du rythme ventriculaire associés. Ce défibrillateur automatique permet de détecter des troubles du rythme ventriculaire potentiellement létaux, susceptibles de survenir chez les patients souffrant de cardiopathie avec altération de la fonction ventriculaire gauche, et de traiter immédiatement ces troubles par stimulation électrique.
Transplantation
La greffe cardiaque, réservée à certains patients jeunes, représente le traitement ultime de l’insuffisance cardiaque.
TRAITEMENTS
Traitements de première ligne
Diurétiques de l’anse
Les diurétiques de l’anse (bumétanide, furosémide) agissent au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henlé où ils inhibent le cotransporteur Na+/K+/2Cl- . Ils favorisent donc l’élimination de l’eau, du sodium et du potassium dans les urines. Leur action est très rapide (délai d’action 30 minutes per os et 10 minutes par voie intraveineuse) et très intense. Ce sont les plus puissants des diurétiques.
Effets indésirables : perturbations hydroélectrolytiques (hypokaliémie, hyponatrémie) justifiant une surveillance du ionogramme sanguin, hypovolémie et hypotension orthostatique, déshydratation (en particulier chez le sujet âgé) pouvant se compliquer d’une insuffisance rénale fonctionnelle, et plus rarement, des troubles auditifs et des acouphènes.
Principales interactions : l’association avec le lithium est déconseillée (risque de surdosage en lithium). L’association avec les IEC ou les ARA II majore le risque d’insuffisance rénale aiguë (surveiller la fonction rénale au début de l’association). Celle à d’autres hypokaliémiants (corticoïdes, laxatifs stimulants, etc.) nécessite de surveiller la kaliémie, comme les associations avec la digoxine ou les antiarythmiques de classe I (quinidine, dysopyramide, etc.) ou III (amiodarone), ou aux autres médicaments torsadogènes qui imposent de surveiller en plus l’électrocardiogramme (ECG).
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
Les IEC diminuent la synthèse d’angiotensine II et contrecarrent l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Ils sont recommandés en première intention chez les patients avec une altération de la fraction d’éjection. Le traitement est débuté à faible dose avec une augmentation progressive jusqu’aux doses maximales tolérées (absence de symptômes d’hypotension orthostatique).
Effets indésirables : hypotension, céphalées, toux sèche rebelle, hyperkaliémie et risque d’insuffisance rénale, et plus rarement, angio-œdème.
Principales interactions : l’association avec les sels de potassium (sauf si hypokaliémie) est déconseillée (risque d’hyperkaliémie), ainsi que celle avec le lithium (risque de surdosage en lithium) et l’estramustine (risque majoré d’angio-œdème).
Sacubitril-valsartan
L’association sacubitril/valsartan (Entresto) est utilisée en remplacement de l’IEC chez les patients restant symptomatiques sous traitement standard par IEC (ou ARA II), β-bloquant, antialdostérone. Cependant, certains spécialistes l’utilisent d’emblée à la place d’un IEC.
Lorsqu’elle est utilisée en remplacement de l’IEC, il faut veiller à respecter un intervalle d’au moins 36 heures entre l’arrêt de l’IEC et l’introduction d’Entresto pour limiter le risque de survenue d’angio-œdème bradykinique.
Effets indésirables : hypotension, toux, troubles digestifs (diarrhée, nausées, gastrite), risque d’altération de la fonction rénale (voire d’insuffisance rénale aiguë), dyskaliémie (hyperkaliémie le plus fréquemment mais aussi hypokaliémie plus rarement), risque peu fréquent mais grave d’angio-œdème (majoré chez les patients à peau noire) et possibles troubles psychiatriques (hallucinations, paranoïa, troubles du sommeil) devant faire envisager l’arrêt du traitement.
Principales interactions : (voir tableau « Associations contre-indiquées ») l’association avec le lithium ou avec un autre ARA II est déconseillée.
β-bloquants
Certains β-bloquants (bisoprolol, carvédilol, métoprolol, nébivolol) sont recommandés chez les insuffisants cardiaques ayant une altération de la fraction d’éjection. Ils agissent en bloquant l’activation sympathique provoquée par la pathologie. Ils améliorent la survie, les symptômes et réduisent les hospitalisations. Ils doivent généralement être instaurés chez des patients stabilisés par un traitement par IEC et diurétique. Le traitement est débuté à très faible dose et augmenté par paliers progressifs de 1 à 2 semaine. Le traitement ne doit pas être interrompu brutalement, en particulier chez le patient coronarien (risque de mort subite).
Effets indésirables : le plus fréquemment, bradycardie responsable de fatigue (qui s’améliore habituellement avec la poursuite du traitement), aggravation de l’insuffisance cardiaque pendant la période de titration, vertiges, hypotension, refroidissement des extrémités, aggravation d’une hypoglycémie, bronchospasme (chez les asthmatiques), et plus rarement, impuissance (à l’exception du nébivolol, β-bloquant aux propriétés vasodilatatrices, qui peut représenter une alternative en cas d’impuissance avec les autres molécules) et éruptions psoriasiformes.
Interactions : (voir tableau « Associations contre-indiquées ») l’association avec les inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem, vérapamil) est déconseillée (risque de bradycardie excessive) ainsi que celle aux antihypertenseurs centraux (diminution du tonus sympathique).
Antagonistes de l’aldostérone
Les antagonistes de l’aldostérone (spironolactone, éplérénone) s’opposent aux effets de l’aldostérone et favorisent l’élimination urinaire de l’eau et du sodium, et la réabsorption du potassium. En complément des IEC et des β-bloquants, ils ont démontré une diminution de 30 % de la mortalité liée à l’insuffisance cardiaque.
Les antialdostérones se différencient par leur sélectivité : l’éplérénone est un antagoniste spécifique des récepteurs aux minéralocorticoïdes, contrairement à la spironolactone qui n’est pas sélective et exerce aussi une action anti-androgénique, l’impliquant dans davantage d’effets indésirables que l’éplérénone.
Effets indésirables : hypotension, hyponatrémie, hyperkaliémie, insuffisance rénale et, avec la spironolactone, gynécomastie et impuissance chez l’homme et troubles des règles chez la femme.
Principales interactions : (voir tableau « Associations contre-indiquées ») l’association avec le tacrolimus ou la ciclosporine est déconseillée (risque d’hyperkaliémie), ainsi que celle avec le lithium (risque de surdosage en lithium) ou les sels de potassium (sauf hypokaliémie).
Inhibiteurs du SGLT2 (ISGLT2)
Les ISGLT2 (ou gliflozines) augmentent l’excrétion urinaire du sodium et du glucose, diminuent la volémie et la charge cardiaque.
Effets indésirables : déshydratation, hypovolémie, risque accru d’infections urinaires et génitales, et plus rarement de gangrène de Fournier (fasciite nécrosante périnéale).
Principales interactions : l’association avec les diurétiques doit prendre en compte le risque majoré de déshydratation. Leur association avec l’insuline, les sulfamides hypoglycémiants ou le répaglinide peut nécessiter une réduction de posologie de ces derniers pour limiter le risque d’hypoglycémie.
Traitements de deuxième ligne
Antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II)
Les ARA II (candésartan, losartan, valsartan) bloquent les récepteurs de l’angiotensine II, diminuent la synthèse d’aldostérone et exercent une action vasodilatatrice. Ils constituent une alternative en cas d’intolérance aux IEC (toux sèche, notamment), puisqu’ils ne provoquent pas d’accumulation de bradykinine.
Effets indésirables : hypotension, insuffisance rénale et hyperkaliémie justifiant la même surveillance biologique qu’un traitement par IEC.
Principales interactions : identiques à celles des IEC.
Ivabradine
L’ivabradine (Procoralan) ralentit la fréquence cardiaque sans modifier la contractilité. Elle peut être prescrite soit en cas de contre-indications aux β-bloquants, soit en association avec ces derniers si malgré des doses maximales tolérables la fréquence cardiaque reste supérieure ou égale à 70 battements/min.
Effets indésirables : bradycardie, hypotension, phosphènes (perception visuelle d’étincelles lumineuses) pouvant rendre plus difficile la conduite automobile nocturne, vertiges, hypotension.
Principales interactions : (voir tableau « Associations contre-indiquées ») la consommation de jus de pamplemousse est déconseillée (diminution du métabolisme de l’ivabradine), de même que le millepertuis (augmentation du métabolisme, donc risque de diminution d’efficacité de l’ivabradine).
Digoxine
La digoxine (Digoxine et Hémigoxine Nativelle) est un tonicardiaque (bathmotrope et inotrope positive, elle augmente l’excitabilité et la force des contractions cardiaques) doué d’une action chronotrope négative (qui diminue la fréquence cardiaque). Elle peut être prescrite chez les patients toujours symptomatiques malgré un traitement optimal, surtout en cas de fréquence cardiaque rapide. Son utilisation est limitée par sa marge thérapeutique étroite et le risque de surdosage dont les manifestation sont des troubles digestifs, des troubles visuels avec vision colorée en jaune, des hallucinations, des troubles du rythme cardiaque potentiellement létaux.
Effets indésirables : hyperexcitabilité ventriculaire favorisée par une hypokaliémie, perturbation de l’ECG.
Principales interactions : (voir tableau « Associations contre-indiquées ») l’association avec la dronédarone ou la midodrine est déconseillée (risque de troubles de la conduction auriculoventriculaire).
ANALYSE D’ORDONNANCE
M. B. passe sous dapagliflozine
M. B., 65 ans, non-fumeur, est un patient bien connu de l’officine, qui a été traité il y a deux ans par Zavedos (idarubicine, une anthracycline) pour une leucémie aiguë myéloblastique. Depuis un an, il est traité pour une insuffisance cardiaque avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Son traitement actuel comporte du sacubitril/valsartan, du bisoprolol et de la spironolactone. Depuis quelques jours, il était à nouveau essoufflé et il a pris 2 kilos en 1 semaine. Il a été hospitalisé et le cardiologue a décidé d’ajouter de la dapagliflozine a son traitement. A sa sortie de l’hôpital, M. B. présente l’ordonnance suivante.
QUEL EST LE CONTEXTE DE L’ORDONNANCE ?
Que savez-vous du patient ?
Depuis un an, plusieurs modifications de traitement ont été réalisées : augmentation progressive du dosage du bisoprolol et de la spironolactone, et traitement initial par ramipril (inhibiteur de l’enzyme de conversion) remplacé par sacubitril/valsartan (Entresto).
M. B. prend régulièrement son traitement mais il est parfois découragé par le nombre de comprimés. Il a du mal à suivre le régime hyposodé. Il s’est procuré un autotensiomètre il y a quelques mois car les médicaments lui occasionnaient des baisses de tension et des vertiges.
Que lui a dit le médecin ?
A l’hôpital, M. B. a reçu un traitement par furosémide pour résorber ses œdèmes. Le cardiologue lui a expliqué qu’il a rajouté la dapagliflozine à son traitement de fond. Il a aussi prescrit du furosémide à prendre en cas d’apparition de signes congestifs. Un rendez-vous avec le médecin traitant doit être programmé dans 1 semaine et avec le cardiologue dans 1 mois.
LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?
Que comporte la prescription ?
Un traitement de fond associant quatre médicaments préconisés en première ligne, d’après les recommandations européennes de cardiologie de 2021 :
– le bisoprolol, un β-bloquant cardiosélectif qui diminue la fréquence cardiaque ;
– la spironolactone, antagoniste de l’aldostérone ;
– sacubitril/valsartan, associant un inhibiteur de la néprilysine et antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2 ;
– la dapagliflozine, inhibiteur du cotransporteur de sodium-glucose de type 2 (ISGLT2), recommandé par la Haute Autorité de santé, chez les patients symptomatiques en dépit d’un traitement standard optimisé.
Spironolactone, sacubitril/valsartan et dapagliflozine favorisent la diurèse et la natriurèse.
Le furosémide, diurétique de l’anse, est utilisé temporairement en période de poussée congestive.
Les posologies sont-elles cohérentes ?
Oui. Les doses de chaque médicament sont fixées en fonction de leur tolérance. La dose initiale d’Entresto est de 49 mg/51 mg 2 fois par jour puis elle doit être doublée au bout de 2 à 4 semaines. Lorsque les posologies d’Entresto ont été doublées, M. B. avait présenté une hypotension symptomatique et le cardiologue avait préféré revenir à la dose initiale.
La titration de la dose de bisoprolol a été réalisée en début de traitement.
La dose de spironolactone à 50 mg est la dose recommandée en traitement de fond.
La dose recommandée de dapagliflozine est de 10 mg 1 fois par jour.
Une dose de 40 mg par jour de furosémide est indiquée dans les œdèmes modérés. Cette posologie peut, en fonction de l’importance des œdèmes, être augmentée sur avis médical de 80 à 160 mg/j (à répartir en 2 prises dans la journée) ou diminuée à 20 mg.
Y a-t-il des interactions ?
L’association des différents médicaments majore le risque de survenue d’hypotension (orthostatique, notamment).
L’association de spironolactone avec sacubitril/valsartan peut entraîner une hyperkaliémie sévère.
Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?
Une surveillance de la créatininémie et de la kaliémie est nécessaire avec le sacubitril/valsartan et la spironolactone, tous les 3 mois pendant la première année de traitement puis espacée de 6 mois les années suivantes. Une augmentation de la kaliémie nécessite des adaptations posologiques et une suspension – au moins temporaire – de la spironolactone doit être envisagé avec une kaliémie supérieure à 5,4 mmol/l.
QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?
Faire le point avec M. B. des médicaments pris à l’hôpital le matin avant sa sortie pour éviter les redondances de prise.
Concernant les médicaments habituels
Il n’y a pas de modification de traitement pour sacubitril/valsartan, bisoprolol et spironolactone. Cependant, c’est l’occasion de revenir sur les horaires de prises et la tolérance du traitement.
Sacubitril/valsartan, bisoprolol et spironolactone sont pris ensemble le matin et la deuxième dose de sacubitril/valsartan, le soir. La prise est possible pendant ou en dehors des repas.
L’apparition d’un angioœdème (gonflement des lèvres, de la face mais aussi de la langue ou du larynx) avec sacubitril/valsartan impose un arrêt définitif du traitement.
Le bisoprolol doit être pris de façon régulière. Un arrêt brutal expose à une tachycardie et à de possibles troubles graves du rythme cardiaque. La sensation de pieds et mains froids (phénomène de Raynaud) peut être atténuée par le port de chaussettes de compression et de gants.
Prévenir une hypotension orthostatique en évitant les changements de position brusques et en décomposant le lever en deux temps (assis 30 secondes puis debout). Le port de chaussettes de compression peut aussi être utile pour prévenir une hypotension orthostatique.
Le furosémide est pris seulement en période congestive (œdème, essoufflements majorés, etc.), de préférence le matin pour éviter les mictions nocturnes.
Vérifier auprès de M. B. qu’il a des ordonnances pour des analyses régulières de la fonction rénale et du ionogramme sanguin.
Concernant Forxiga
Comment l’utiliser ?
La prise de dapagliflozine a été fixée le matin, cependant elle peut être administrée à n’importe quel moment de la journée, pendant ou en dehors des repas. M. B. l’ayant prise ce matin à l’hôpital, la prochaine administration sera le lendemain matin. En cas d’oubli d’une prise, la dose oubliée doit être rattrapée dès que possible, mais il ne faut pas doubler la dose suivante.
Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?
M. B. devrait se sentir moins essoufflé d’ici quelques jours.
Quels sont les principaux effets indésirables ?
Les gliflozines peuvent induire des infections génitales et urinaires et favoriser une déshydratation. Recommander une hydratation suffisante. Renforcer l’autosurveillance de la pression artérielle et contrôler la fonction rénale dans les situations à risque de déshydratation (canicule, diarrhée, prise concomitante du furosémide, etc.).
Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?
De rares cas de fasciite nécrosante périnéale sont possibles avec dapagliflozine : la survenue de douleurs, d’un érythème ou d’une tuméfaction au niveau génital ou périnéal, de fièvre ou de malaise impose l’arrêt du traitement et une consultation rapide.
Conseils complémentaires
M. B. semble démotivé par le nombre de prises médicamenteuses quotidiennes et le régime hyposodé. Il faut l’encourager en expliquant l’intérêt de son traitement et des mesures hygiénodiététiques. Lui rappeler l’importance des vaccinations antigrippale, antipneumococcique et contre le Covid-19 et de ne pas prendre d’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) en automédication (risque d’interférence avec son traitement – notamment sur la perfusion rénale – et de décompensation de l’insuffisance cardiaque).
Par Stéphanie Satger, pharmacienne, en collaboration avec le Dr François Ledru, cardiologue à la clinique de réadaptation cardiorespiratoire de Saint-Orens-de-Gameville (Haute-Garonne)
CONSEILS ASSOCIÉS
Accompagner le patient
Malgré les progrès dans la prise en charge, l’insuffisance cardiaque reste une pathologie grave avec un pronostic sévère. L’accompagnement du patient, notamment après l’annonce du diagnostic et lors des épisodes de décompensation, est essentiel.
L’INSUFFISANCE CARDIAQUE VUE PAR LES PATIENTS
Impact psychologique
L’annonce du diagnostic est source d’anxiété à cause de la méconnaissance de la maladie par les patients et du caractère péjoratif du pronostic. Certains ont l’impression d’être une charge pour leur entourage.
Par ailleurs, l’insuffisance cardiaque s’accompagne souvent de comorbidités qui rendent le traitement très lourd. Les plans de prise des médicaments, la nécessité de modifier les habitudes de vie et le régime hyposodé peuvent être perçus comme très contraignant.
Impact sur le quotidien
L’insuffisance cardiaque impacte fortement la qualité de vie. Essoufflement et fatigue limitent de façon plus ou moins importante les activités quotidiennes (tâches ménagères, bricolage, jardinage, activité de loisirs, etc.). Dans certains cas, même la toilette et l’habillage peuvent être pénibles. La fatigue et la dyspnée à l’effort aggravent la sédentarité et le déconditionnement physique.
Les hospitalisations récurrentes bousculent l’organisation de vie et sont sources d’anxiété pour toute la famille.
À DIRE AUX PATIENTS
A propos de la pathologie
L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique qui ne se guérit pas mais dont on peut freiner l’évolution par une prise en charge adéquate.
Elle est inscrite sur la liste des affections longue durée (ALD), ce qui permet une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie des traitements et examens nécessaires.
Proposer d’intégrer un programme d’éducation thérapeutique (mon-etp.fr) pour aider le patient dans l’adhésion au traitement et aux changements de mode de vie.
Insister sur l’importance de l’autosurveillance du poids, de préférence le matin après avoir uriné : 1 à 2 fois par semaine chez le patient stable, 2 à 3 fois par semaine aux stades avancés de la maladie et tous les jours après une hospitalisation. Expliquer l’intérêt de la télésurveillance par balance connectée lorsqu’elle a été proposée par l’hôpital suite à une décompensation (suivi facilité de l’évolution du poids, envoi des données aux soignants, intervention rapide si nécessaire).
Apprendre au patient et à son entourage à reconnaître des symptômes évocateurs de décompensation qui nécessitent un avis médical urgent :
– prise de poids supérieure à 2 kg en quelques jours et apparition ou aggravation d’œdèmes des chevilles ou des jambes ;
– aggravation de l’essoufflement à l’effort, apparition d’une dyspnée de décubitus ;
– palpitations.
Rappeler les situations à risque de décompensation (mauvaise observance du traitement ou du régime hyposodé, déshydratation, activité physique trop importante ou inadaptée à l’état, consommation trop importante d’alcool, prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS, infections respiratoires). Promouvoir la vaccination antigrippale (tous les ans), antipneumococcique (tous les 5 ans), anti-Covid-19.
A propos des mesures hygiénodiététiques
La réadaptation cardiaque réalisée en centre spécialisé est essentielle après un épisode de décompensation ou une hospitalisation pour éviter les rechutes, améliorer la capacité physique et la qualité de vie.
L’activité physique adaptée ou sportive est autorisée lorsque les conditions (température, météo, altitude et pollution) sont favorables et lorsque la pathologie est stabilisée. La pratique en salle de sport doit être privilégiée. Des séances de 30 à 45 minutes 3 fois par semaine associant endurance et renforcement musculaire sont recommandées. Les activités aquatiques sont possibles (si la température de l’eau est supérieure à + 25 °C pour éviter un effet arythmogène). La pratique sportive en altitude (à plus de 2 500 m), la plongée sous-marine, la musculation intensive et le sport de compétition sont contre-indiqués.
Ralentir voire s’arrêter en cas de palpitations, d’essoufflement inhabituel, de douleur. Se laisser guider par la fatigue pour calibrer l’effort.
Limiter la consommation de sel à moins de 5 g par jour. Ecarter les aliments riches en sel : pain, charcuteries, fromages, produits transformés, condiments, sauces, pâtisseries, eaux gazeuses, fruits de mer, biscuits apéritifs, etc. Eviter de saler ou de resaler les aliments. Utiliser les épices, les aromates ou le jus de citron pour cuisiner. Certaines poussées congestives sévères nécessitent, le plus souvent temporairement, une restriction plus sévère (1 à 3 g de sel par jour).
En cas de poussée congestive, il n’est pas nécessaire d’observer une restriction hydrique, excepté en cas d’hyponatrémie de dilution (liée à l’hypervolémie) qui nécessite généralement une prise en charge hospitalière.
Privilégier une alimentation de type méditerranéen riche en fruits et légumes. Fractionner et alléger les repas pour limiter le travail du cœur.
L’arrêt du tabac est impératif. Proposer une aide au sevrage tabagique (substituts nicotiniques, entretien d’accompagnement, etc.).
Réduire la consommation d’alcool (au maximum à 1 à 2 verres par jour avec au moins 2 jours d’abstinence dans la semaine), voire le proscrire si la maladie est d’origine éthylique.
A propos des traitements
Adhésion thérapeutique
L’observance est primordiale et le traitement ne doit pas être interrompu sans avis médical. Les effets indésirables doivent être signalés au médecin afin qu’il procède à des ajustements de dose.
Expliquer simplement au patient le mode d’action et l’intérêt des spécialités prescrites pour encourager l’adhésion thérapeutique, par exemple : le traitement a pour but de faciliter le travail du cœur en diminuant la pression et le volume du sang qui arrive au cœur, et en ralentissant un peu le rythme des contractions cardiaques.
Gestion des effets indésirables
La fatigue sous β-bloquants est fréquente en début de traitement puis s’estompe progressivement en moins de 1 mois.
Prévenir l’hypotension orthostatique en évitant les changements de position brutaux et en conseillant un lever décomposé en 2 temps. Proposer le port de bas de compression.
Prendre préférentiellement les diurétiques le matin pour éviter l’envie nocturne d’uriner. Orienter le patient vers son médecin en cas de situations à risque de déshydratation (fortes chaleurs, fièvre, vomissements, diarrhées).
Des perturbations du ionogramme et une altération de la fonction rénale sont possibles avec les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone et les diurétiques. S’assurer que le patient bénéficie d’un suivi biologique régulier.
Automédication
Certains médicaments sont à proscrire : AINS (risque de décompensation et risque d’insuffisance rénale aiguë), laxatifs stimulants (risques de perturbation de la kaliémie et de troubles du rythme cardiaque), formes effervescentes (riches en sodium).
L’ESSENTIEL À RETENIR
L’insuffisance cardiaque chronique
A propos de l’insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique grave dont on ne guérit pas, mais qui peut être stabilisée grâce à un traitement médicamenteux désormais enrichi de nouvelles classes thérapeutiques et à des mesures hygiénodiététiques indispensables : arrêt du tabac, régime hyposodé, pratique régulière d’une activité physique adaptée, vaccinations antigrippale, antipneumococcique et contre le Covid-19.
Insister sur l’importance de la réadaptation cardiaque et de l’autosurveillance du poids.
Le patient doit connaître les signes d’aggravation qui imposent une consultation médicale rapide : prise de poids supérieure à 2 kg en quelques jours, majoration de l’essoufflement, apparition d’une dyspnée de décubitus, apparition ou aggravation d’œdèmes.
Il doit aussi connaître et éviter les situations qui peuvent entraîner une décompensation de la maladie : prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), abus d’alcool, mauvaise observance du traitement ou du régime hyposodé, déshydratation, activité physique trop importante ou inadaptée, infections respiratoires.
A propos du traitement médicamenteux
L’insuffisance cardiaque nécessite un traitement à vie. Insister auprès du patient sur la nécessité d’une bonne adhésion thérapeutique en lui expliquant avec des mots simples sur quels organes agissent les médicaments, afin qu’il perçoive mieux leur complémentarité et leur utilité.
Le traitement symptomatique des signes congestifs repose sur l’utilisation temporaire de diurétiques de l’anse.
Le traitement de fond fait appel à quatre classes thérapeutiques utilisées en première ligne : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (ou association sacubitril/valsartan), les β-bloquants, les antagonistes de l’aldostérone et les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (ou gliflozines).
Hormis les gliflozines, la posologie des autres médicaments est installée progressivement. Vérifier que la titration est correctement réalisée.
Avec ces médicaments, il faut faire attention à certaines additions d’effets indésirables de même nature et aux risques majorés d’hypotension (notamment orthostatique), d’hyperkaliémie et de déshydratation (avec un risque de diminuer le débit de filtration glomérulaire). S’assurer que le ionogramme sanguin et la fonction rénale sont régulièrement contrôlés.
En l’absence d’avis médical, les sels de régime sont à proscrire (interaction avec le traitement de fond et risque majoré d’hyperkaliémie et de troubles graves du rythme cardiaque).
Sévérité des symptômes selon la classification fonctionnelle NYHA*
– Stade I : pas de limitation dans les activités.
– Stade II : gêne à l’effort important, pas de gêne au repos, réduction modérée de l’activité physique (difficulté à monter plus de deux étages).
– Stade III : gêne lors d’activités même modérées de la vie quotidienne, pas de gêne au repos, réduction marquée de l’activité physique (difficulté à monter moins de deux étages).
– Stade IV : gêne au repos, limitation sévère des activités de la vie quotidienne.
- * NYHA : New York Heart Association
Rappel sur l’anatomie du cœur
Le sang veineux riche en dioxyde de carbone arrive dans l’oreillette droite par les veines caves puis passe dans le ventricule droit. En se contractant, celui-ci expulse le sang, via l’artère pulmonaire, dans les poumons, au niveau desquels ce dernier se charge en dioxygène et libère le dioxyde de carbone. Le sang oxygéné revient au cœur gauche par les veines pulmonaires. Le ventricule gauche éjecte à son tour le sang dans l’aorte afin d’alimenter les différents organes.
L’ESSENTIEL
– Le traitement de fond optimal repose en première ligne sur quatre classes : IEC ou inhibiteur de la néprilysine, antialdostérones, β-bloquants et ISGLT2.
– La réadaptation cardiaque et la pratique régulière d’une activité physique adaptée sont essentielles à la prise en charge pour améliorer la qualité de vie des patients et diminuer les hospitalisations.
VIGILANCE !
Certaines contre-indications doivent être connues :
Antialdostérones : hyperkaliémie, insuffisance rénale sévère, allaitement.
ARA II, IEC et sacubitril/valsartan : 2e et 3e trimestres de la grossesse, antécédent d’angioœdème.
β-bloquants : bloc auriculoventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie, hypotension sévère, maladie de Raynaud, asthme et bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sévère.
Digoxine : bloc auriculoventriculaire, tachycardie, fibrillation ventriculaire, hypokaliémie.
Diurétiques de l’anse : déshydratation, hypokaliémie ou hyponatrémie sévère.
ISGLT2 : grossesse et allaitement.
Ivabradine : bradycardie, bloc auriculoventriculaire, hypotension sévère, angor instable, grossesse, allaitement.
Point de vue du Dr Charles Fauvel,
cardiologue au centre hospitalier universitaire de Rouen (Seine-Maritime), président du Collège des cardiologues en formation
Les recommandations européennes et américaines positionnent les inhibiteurs du SGLT2 en traitement de première intention de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction réduite. Cependant, en France, les gliflozines ne sont à ce jour remboursées que dans le cadre d’un ajout à un traitement standard optimisé. Quels messages sont à diffuser concernant l’utilisation de ces molécules ?
Les dernières recommandations européennes sur l’insuffisance cardiaque, parues en 2021, positionnent les gliflozines comme un des quatre piliers du traitement de l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite. Contrairement aux précédentes recommandations de 2016, l’approche « séquentielle » n’est plus recommandée et la quadrithérapie (alliant β-bloquant, bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone, antagoniste de l’aldostérone et ISGLT2) est préconisée chez tous les patients dès le diagnostic d’une insuffisance cardiaque à FEVG réduite.
En pratique, les gliflozines sont prescrites au même titre que les autres molécules, parfois même avant la mise en place d’autres molécules comme les β-bloquants, tant leur profil clinico-biologique est favorable. En effet, c’est une classe thérapeutique très facile d’utilisation car la dose est unique et les médicaments peuvent donc être prescrits d’emblée à pleine dose. Il faut cependant faire attention aux risques d’infections génitales et de déshydratation chez certains patients, notamment âgés, qui peut imposer de diminuer les posologies de diurétiques. Enfin, il existe souvent un risque d’insuffisance rénale au début du traitement, qui est souvent transitoire et se normalise dans les 3 mois.
Dans le cas de l’insuffisance cardiaque à FEVG supérieure à 40 %, seule l’empagliflozine est pour le moment remboursée au vu des résultats de l’étude Emperor-Preserved. Néanmoins, l’étude Deliver a montré l’intérêt de la dapagliflozine en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection modérément altérée, il serait donc logique de voir son remboursement élargi dans cette indication.
Qu’en pensez-vous ?
M. B. a du mal à se passer du sel. Un ami lui a parlé des sels de régime pour réhausser le goût de ses plats. Que lui répondre ?
1) Effectivement, c’est une bonne idée.
2) Il faut déconseiller cet achat.
Réponse : certains sels de régime (Bouillet, Xal, etc.) contiennent du potassium en quantité non négligeable et interfèrent avec les médicaments hyperkaliémiants (IEC, sacubitril/valsartan, antagoniste de l’aldostérone). Leur utilisation est à proscrire sans avis médical préalable et contrôle renforcé du ionogramme sanguin. Ils sont contre-indiqués en cas de kaliémie supérieure à 5,4 mmol/l. Il est préférable de conseiller à M. B. d’utiliser des herbes aromatiques pour cuisiner. Il fallait donc choisir la seconde proposition.
Prescription
Dr Simon J., Cardiologue
M. Serge B. , né le 6 février 1958, 1,82 m, 92 kg
Le 27/05/2023
Prescription relative à l’affection longue durée reconnue (liste ou hors liste)
Sacubitril/valsartan (Entresto) 49 mg/51 mg cp : 1 comprimé matin et soir
Bisoprolol (Cardensiel) 5 mg cp : 1 comprimé 1 fois par jour
Spironolactone (Aldactone) 50 mg cp sécable : 1 comprimé par jour
Dapagliflozine (Forxiga) 10 mg cp : 1 comprimé par jour
Furosémide (Lasilix) 20 mg cp : 2 comprimés en cas de signes congestifs (posologie et durée de traitement à adapter avec le médecin traitant)
Ordonnance pour 1 mois
QUESTION DE PATIENTS
Les relations sexuelles sont-elles compatibles avec une insuffisance cardiaque ?
L’activité sexuelle n’est déconseillée que chez un petit nombre de patients très symptomatiques. Certaines personnes, à cause de l’anxiété ou d’un état dépressif liés à la maladie ou du traitement (β-bloquant, diurétiques), éprouvent des troubles de la libido ou érectiles. Dans ce cas, il ne faut pas arrêter de soi-même le traitement. Il faut évoquer le problème avec le cardiologue qui pourra, en l’absence de traitement antiangoreux, prescrire chez l’homme des inhibiteurs de la phosphodiestérase ou modifier le traitement.
L’ESSENTIEL
Insister auprès des patients sur l’importance de l’observance des traitements, de la pratique de l’exercice physique adapté à l’état général, de la limitation de la consommation de sel et de la surveillance du poids.
EN SAVOIR PLUS
Assurance maladie
Ameli.fr
Un dossier « insuffisance cardiaque » pour le pharmacien d’officine met à disposition un outil de communication téléchargeable permettant au professionnel de mieux dialoguer avec le patient insuffisant cardiaque et de mieux l’accompagner dans le suivi de sa maladie. Ce support d’information comporte aussi les principales questions à se poser dans le cadre d’un bilan de médication partagé du patient insuffisant cardiaque.
ENCADRÉ
Fraction exprimée en pourcentage de sang contenu dans le ventricule gauche et expulsé à chaque systole. Sa norme est de 55-60 %. On considère qu’elle est modérément altérée lorsqu’elle est comprise entre 41 et 49 % et réduite si elle est inférieure ou égale à 40 %.
Pression à l’intérieur du ventricule juste avant le début de la contraction ventriculaire.
Complication aiguë de l’insuffisance cardiaque chronique survenant lorsque la perte d’efficacité des ventricules devient trop sévère pour être compensée par le cœur sous l’effet de certains facteurs (iatrogénie, consommation excessive de sel, mauvaise observance, anémie, infection respiratoire) et se traduisant par une aggravation des symptômes.
CHIFFRES
– 1,5 million de personnes atteintes en France. 120 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
– Age moyen du diagnostic : 74 ans.
– 150 000 hospitalisations et 70 000 décès annuels en France. Première cause d’hospitalisation après 65 ans.
– Taux de mortalité de 50 % à 4 ans.
- Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne enseignante en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), en collaboration avec le Dr Charles Fauvel, cardiologue au centre hospitalier universitaire de Rouen (Seine-Maritime)
- Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne enseignante en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), en collaboration avec le Dr Charles Fauvel, cardiologue au centre hospitalier universitaire de Rouen (Seine-Maritime)
- Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne enseignante en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), en collaboration avec le Dr Charles Fauvel, cardiologue au centre hospitalier universitaire de Rouen (Seine-Maritime)
- Par Stéphanie Satger, pharmacienne, en collaboration avec le Dr François Ledru, cardiologue à la clinique de réadaptation cardiorespiratoire de Saint-Orens-de-Gameville (Haute-Garonne)
- Les équivalences alimentation/sel
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