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Estampillée DP

Publié le 17 novembre 2007
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Pour Dominique Bire et son équipe, le dossier pharmaceutique n’est plus un concept. Et pour cause : elle fait partie des 148 officinaux participant à sa phase pilote. Avec un recul de trois mois, elle livre ses premières impressions. Réjouissantes.

Dominique Bire, installée à Audun-le-Roman, n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Quand l’Ordre lui propose – de même qu’à tous les pharmaciens de Meurthe-et-Moselle – la possibilité de participer à l’expérimentation du dossier pharmaceutique (DP), elle n’hésite pas une seconde. « J’ai de suite compris que la démarche allait faire avancer la profession », explique-t-elle. Avec son équipe, elle se lance le 17 juillet dernier. Il a suffi pour cela mettre à jour son logiciel. « L’intervention du technicien n’a duré que 20 minutes ! », s’étonne-t-elle encore. La connexion Internet et l’ADSL étant déjà présentes, tous ses postes informatiques étaient fin prêts pour accueillir le DP. Le principe ? Centraliser via un hébergeur commun à tous les pharmaciens (en l’occurrence le GIE Santeos) les délivrances de médicaments pour chaque patient, sur une période de 4 mois. L’objectif est évidemment de lutter contre les redondances et l’iatrogénie. Bref, il s’agit d’assurer un meilleur suivi thérapeutique.

Bien préparer le terrain

L’idée a beau s’inscrire dans une démarche de santé publique, encore faut-il faire passer le message à la clientèle. Pas de quoi décourager Dominique Bire, son associé et ses trois préparatrices. « Nous nous sommes réunis pour discuter du type d’information à délivrer. Dès le début, nous avions conscience qu’il nous fallait tous avoir le même discours pour être convaincants. Nous avons tout fait pour donner des explications simples, mais surtout pour les donner rapidement. »

Le but est aussi d’économiser de la salive en vue des nombreuses créations de dossiers à effectuer. Et d’élaborer un mémo pour l’équipe mais aussi une fiche spéciale DP destinée à la clientèle. « Nous nous sommes inspirés des plaquettes et des brochures fournies par l’Ordre dans son kit d’information », précise la titulaire. Sur chaque comptoir a été collée une feuille A4 rappelant le comment et le pourquoi du DP, histoire de sensibiliser d’emblée les patients. « Grâce au DP, votre pharmacien pourra vérifier que certains médicaments ne font pas double emploi ou qu’il n’existe pas d’interactions. Il veillera encore mieux sur votre santé », peuvent-ils lire. « Nous avons tenu à mettre en valeur le côté sécuritaire de la démarche », résume Dominique Bire.

Implication de toute l’équipe et large information ont contribué à recueillir l’adhésion de la clientèle. « 96 % des personnes ont immédiatement accepté la création de leur dossier, rapporte l’officinale, comme si on répondait à une réelle attente. »

96 % des clients acceptent le dossier pharmaceutique

La relation de confiance et de proximité entretenue par l’équipe de cette pharmacie rurale y est pour beaucoup dans la réussite de l’expérimentation. « Certains patients croyaient même que le DP était déjà en place… En réalité, ils le confondaient avec le dossier patient informatisé propre à l’officine. » Pas de doutes pour la « pharmacienne pilote », le DP est beaucoup plus facile à présenter que les génériques. « Il ne faut surtout pas avoir d’a priori. Certaines personnes ont beau être farouchement opposées à la substitution, elles adhèrent sans problèmes au DP. »

A la Pharmacie Bire-Prévot, on a donc pris le parti de proposer systématiquement le DP. Et ne pas s’économiser sur les explications complémentaires pour convaincre les hésitants. Seule ombre au tableau : les réfractaires. « Heureusement, ils sont minoritaires. Leur position est motivée par la peur du flicage », confie Dominique Bire. Que répondre à quelqu’un qui s’insurge ? L’équipe officinale ne discute pas mais glisse une brochure émanant de l’Ordre dans son sac. « Nous avons l’avantage de présenter une démarche initiée par une instance professionnelle et non par la Sécurité sociale en vue d’un contrôle de la consommation médicamenteuse », rassure la pharmacienne.

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Une fois le cap du consentement oral franchi, reste à créer le DP informatisé. Le patient est identifié à partir de sa carte Vitale et un numéro lui est attribué. Dans un souci de respect des droits garantis par la loi informatique et libertés, il lui est remis un formulaire de création qu’il doit signer. « Par rapport à une délivrance classique, cette étape ne nous prend pas plus de 3 à 5 minutes en plus », assure Dominique Bire. En sortant de l’officine, le patient doit avoir compris que seuls les pharmaciens peuvent accéder à son DP. Uniquement pour optimiser son suivi. L’avantage ? Une pharmacie a la possibilité de détecter une incompatibilité avec des médicaments délivrés antérieurement par une autre pharmacie, un message d’alerte s’affichant automatiquement. « En principe, le DP doit intégrer les médicaments achetés en automédication, d’où son grand intérêt ! Mais, pour le moment, cette notion n’est pas effective. Un seul logiciel est déjà opérationnel [NdlR : LGPI], les autres devraient suivre dès janvier », informe la titulaire.

Vivement la généralisation du DP en 2008

En un mois et demi, la Pharmacie Bire-Prévot a créé les DP de la plupart de ses patients chroniques. « Désormais, nous enregistrons les familles qui viennent pour des traitements hivernaux ponctuels.» Quid des manipulations spécifiques sur l’ordinateur lors de la délivrance ? « Rien ne change dans notre exercice, la liste des médicaments est directement transmise sur le DP. » D’où la possibilité d’éditer un historique précis des médicaments (avec date de la délivrance et nom du médecin) avant un séjour hospitalier. La loi prévoit cependant la possibilité, pour le patient, d’exclure tel ou tel médicament du DP. « Mais ça fausse le jeu ! Heureusement, nous n’avons pas encore eu ce cas de figure. » Peut-être parce que l’équipe officinale insiste sur le côté santé publique de la démarche…

Une chose est sûre, la concrétisation du DP a permis à Dominique Bire et ses collaborateurs de valoriser leur rôle de « garant du bon traitement » auprès de leur clientèle. « Cela replace enfin notre profession au coeur du médicament », se réjouit la pharmacienne, qui se prépare avec enthousiasme à la généralisation du DP prévue début 2008.

Le dossier pharmaceutique en bref

– Le projet est à l’initiative de l’ordre des pharmaciens.

– La phase pilote a débuté en juillet dernier dans 6 départements : Nièvre, Doubs, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Calais, Rhône et Seine-Maritime.

Fin septembre dernier : 45 272 DP avaient été ouverts dans les 148 officines pilotes.

– Le DP est un outil professionnel.

– L’Ordre attend aujourd’hui le feu vert de la CNIL pour instaurer sa généralisation.

– Le DP devrait alimenter la partie médicament du futur dossier médical personnel.

– A terme, il servira de vecteur d’information à la profession en cas d’alertes sanitaires.

Vos premiers pas dans le DP

Les avantages

– Sécurisation de la dispensation.

– Outil commun à tous les pharmaciens.

– Détection automatique des abus médicamenteux ou des interactions, quel que soit le lieu d’achat.

– Pas de contraintes particulières lors de la délivrance, hormis l’utilisation de la carte Vitale.

– Consultation de l’historique complet des traitements sur les 4 derniers mois.

Les inconvénients

– L’ouverture du DP nécessite des explications aux clients. Car il faut leur faire comprendre que l’objectif n’est pas de surveiller leur consommation de médicaments dans un but économique, mais de pouvoir détecter des incohérences qui pourraient mettre leur santé en danger.

– L’édition de l’attestation relative à la création du DP est demandée pour chaque enfant d’une même famille. Ce qui fait perdre un peu de temps au comptoir.

– La phase expérimentale du DP ne prend pas encore systématiquement en compte les médicaments d’automédication.Les conseils de Dominique Bire

« Proposer systématiquement le DP aux clients, sans avoir d’a priori sur leur réaction. »

« Toute l’équipe doit s’y mettre et diffuser le même discours. »

« Valoriser le côté sécuritaire de la démarche. »

– « Bien préciser qu’il s’agit d’une initiative de l’ordre des pharmaciens et non pas de la Sécurité sociale. »

– « Ne pas insister en cas de refus d’un patient. »