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Marges arrière et conditions commerciales : le bon compromis
Un accord a été trouvé sur le générique entre les syndicats et le gouvernement. Il porte à 17 % la remise maximale autorisée et permet au pharmacien de capter légalement la marge grossiste en cas d’achats directs. Indirectement, les marges arrière disparaissent tandis que le nouveau dispositif sécurisé sera régulé par des baisses de prix. Explications.
C’est une certitude, les officinaux continueront à être le moteur du développement du générique. Réunis Avenue de Ségur, les syndicats et l’Etat sont parvenus à un accord le 30 novembre dernier permettant de maintenir une rémunération incitative sur le générique. Acté par et en présence de l’ensemble des parties prenantes (syndicats, représentants des cabinets des ministres de la Santé et du Budget, Gemme, Leem, Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, Comité économique des produits de santé, Direction de la Sécurité sociale et DGCCRF), cet accord relève le plafond des remises légales sur le générique de 10,74 % à 17 % du prix fabricant hors taxes.
Le nouveau taux englobe la remise maximale légale de 10,74 % et la transformation des 15 % de marge arrière en marge avant. Il s’appliquera à l’intérieur du Répertoire à tous les génériques avec ou sans TFR. Et ce n’est pas tout : les princeps sous TFR sont eux aussi concernés. « Les TFR représentent un peu plus de 10 % du marché, le taux accordé équivaut en réalité à 18,5 % à périmètre identique », indique Pascal Brière, président du Gemme. Un bonus pour le pharmacien puisque la remise de droit commun pour les spécialités soumises au TFR est actuellement de 2,5 %. Par ailleurs, la marge du grossiste (10,30 %) pourra être intégrée en tout ou partie à la marge commerciale existante (barème dégressif + forfait à la boîte de 0,53 euro) lorsque le pharmacien achète ses génériques et princeps en direct.
Cet accord intervient au moment même où le moratoire sur les contrôles de la DGCCRF dans les officines expire. Mais, surtout, la modification du taux de remise maximal nécessitant une modification de la loi, les syndicats et le gouvernement devaient rapidement s’entendre pour ne pas louper le coche de la loi Chatel*. Un amendement gouvernemental a été immédiatement déposé le 3 décembre pour que le texte soit examiné en premier lecture au Sénat. Parallèlement, l’arrêté de marge de 1987 va devoir être modifié de façon à intégrer dans la rémunération du pharmacien tout ou partie des 10,30 % du grossiste. Finalement, il s’agit ni plus ni moins de légaliser de manière pérenne une pratique existante.
Prix en baisse
Le nouveau dispositif est adossé à une variable d’ajustement. Cette rémunération spécifique s’accompagnera de baisses de prix ciblées de certains génériques pour un montant estimé entre 120 et 150 millions d’euros. Celles-ci relèveront de négociations entre les laboratoires de génériques et le CEPS. Selon les calculs du Gemme, la partie des marges arrière non remontée vers l’avant est de 90 millions d’euros, car il faut tenir compte des produits non remboursés du Répertoire qui n’obéissent pas aux règles du plafonnement et des ventes grossistes qui ne sont pas éligibles à la coopération commerciale. « Ce montant correspond à une rétrocession de 7 points des marges arrière qui seront intégralement reversés à l’Assurance maladie par le biais des baisses de prix », précise Pascal Brière, déçu que cette manne ne serve pas à remettre les résultats des génériqueurs à l’équilibre. Compte tenu des délais d’écoulement des stocks aux anciens prix, les baisses n’interviendront pas avant le début du second trimestre 2008. « Elles porteront sur un nombre limité de médicaments récents dont les prix sont éloignés des moyennes européennes », indique le président du Gemme.
Satisfaction générale
Les trois syndicats se déclarent satisfaits de l’issue des négociations, même s’ils n’ont pas obtenu le passage intégral des marges arrière en remises avant. « Cet accord sécurise et pérennise les conditions commerciales de l’officine », se félicite le nouveau président de la FSPF Philippe Gaertner, sans toutefois tomber dans le triomphalisme. « Tout ce qui est en moins représente la participation des pharmaciens et toute baisse de prix profitera à l’assurance maladie », pondère-t-il. « Le dispositif sur les coopérations commerciales et les achats directs ont été revus de façon cohérente. Sans cet accord, le système des achats directs hors génériques se serait complètement écroulé », commente Claude Japhet, président de l’UNPF. De son côté, Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO, parle d’accord « correct et équilibré, mais la profession ne peut pas sauter de joie quand elle rend à l’Etat 120 millions d’euros ». En revanche, il se déclare satisfait de l’évolution de la réglementation des marges, l’USPO réclamant depuis plusieurs mois une plus grande liberté d’achat sur l’ensemble de l’activité médicament. « Les pharmaciens vont retrouver une capacité d’achat plus dynamique à un moment où l’économie de l’officine a besoin de souffler. » Le Gemme salue également cet accord. « Nous sommes très attachés à ce que demeure un intéressement important du pharmacien à la délivrance du générique », déclare Pascal Brière.
Outre sa mise en conformité avec les dispositions du projet de loi Chatel, l’accord conclu vient assainir un système qui était dans le collimateur des pouvoirs publics. « La combinaison des différents textes ne laisse plus la place aux doutes et aux interprétations », constate Philippe Gaertner. Et donc aux écarts de conduite. « Il y a une volonté dans cet accord de coresponsabiliser acheteurs et vendeurs et d’obtenir leur engagement moral à respecter le nouveau cadre juridique des conditions commerciales. »
Préserver la répartition
La FSPF souhaite que la distribution des médicaments – et notamment des princeps – par les répartiteurs ne soit pas affectée par cet accord et qu’elle soit appréhendée dans le cadre d’une réflexion économique globale. « Si l’accord n’est pas équilibré ou déstabilise un des acteurs de la distribution, les officines perdront la possibilité de s’approvisionner normalement et dans de bonnes conditions auprès de leurs fournisseurs », prévient Philippe Gaertner. « Les répartiteurs ne devront pas être lésés par des stratégies de contournement », abonde dans le même sens Gilles Bonnefond, qui appelle pharmaciens et grossistes à recréer une dynamique et conclure des partenariats bipartites ou tripartites associant les laboratoires pour garantir des flux au répartiteur.
La Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) voit dans cet accord un signal très fort de nature à accélérer les ventes directes et à affaiblir davantage les répartiteurs. Elle rappelle que les ventes directes sont en nette augmentation (la part de marché est de 14 % du marché du médicament remboursable en valeur et de 30 % en volume) et qu’elles portent à 98 % sur des médicaments de la tranche basse de la marge dégressive lissée et à forte rotation, lesquels génèrent l’essentiel des ressources de la répartition. Pour Jean-Louis Méry, président de la CSRP, les ventes directes ont atteint le niveau maximal que les répartiteurs sont capables d’absorber économiquement. « Si le déséquilibre devait s’aggraver, il pourrait mettre en péril le niveau de service actuel et la distribution des produits de faible rotation », alerte-t-il. Et de dénoncer : « Ce traitement est inéquitable ! Le répartiteur garde sa taxe ACOSS [taxe sur le chiffre d’affaires, NdlR], s’apprête à subir une nouvelle diminution de sa marge et, dans le même temps, le gouvernement, en déplafonnant les remises, favorise les transferts de flux vers le direct. » Selon lui, le nouveau système soufflera un vent de libéralisme et aura des incidences sur la distribution du médicament en général. « Avec le jeu concurrentiel, les remises distribuées n’évolueront pas en masse mais risquent d’être distribuées différemment, au profit des pharmacies importantes et au détriment des petites. »
Cela dit, dans le relevé de décisions, le gouvernement a fait savoir qu’un nouvel arrêté de marge serait pris si jamais il y avait des effets déstabilisants pour les répartiteurs. En outre, les parties concernées ont prévu de réaliser un bilan en année pleine des effets des nouvelles dispositions. La date n’a pas été pour l’instant définie.
Dispositif clarifié, contrôles renforcés
L’incertitude juridique levée, les contrôles de la DGCCRF devraient reprendre une fois les aménagements légaux réalisés. A partir de là, plus rien ne pourra empêcher ces contrôles d’aller jusqu’au bout. Pascal Brière s’attend à une sévérité accrue des contrôles tant chez l’exploitant qu’en officine. Il rappelle que le dépassement de marge est passible d’une contravention de cinquième classe par infraction constatée. Pour faciliter la lisibilité des conditions commerciales, la solution la plus simple et la moins contraignante pour les génériqueurs consistera à appliquer les 17 % de remise sur facture plutôt que de les ventiler en remise avant, coopération commerciale et services distincts. Ce qui facilitera aussi le travail de contrôle de la DGCCRF.
* Loi sur le « développement de la concurrence au service des consommateurs ». Voir aussi « Le Moniteur » n° 2704 du 1er décembre.
Quand sera votée la loi ?
Caroline Cazaux, avocate (cabinet Toison, Villey et Broud), s’interroge sur les conditions d’adoption définitive de ce texte, « dans la mesure où, d’une part, le projet de loi Chatel n’a pas encore été définitivement voté (le Sénat l’examinera les 13 et 14 décembre prochain), et, d’autre part, où aucun texte relatif à la modification de l’article L. 138-9 du Code de la Sécurité sociale, qui définit le montant de la remise légale, n’a été soumis au Parlement ».
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