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L’Europe nous met la pression

Publié le 22 décembre 2007
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La France fait encore partie des pays européens dont les médicaments sans ordonnance n’ont pas encore franchi le comptoir. Pas pour longtemps. Roselyne Bachelot n’a-t-elle pas annoncé fermement son souhait de voir un certain nombre de spécialités pharmaceutiques en accès libre. Qu’en est-il chez nos voisins européens ?

L’OTC gagne du terrain. Qu’on se le dise : le comptoir n’est plus une barrière pour les médicaments de prescription médicale facultative (PMF). Selon les dernières données de l’Association européenne des spécialités pharmaceutiques grand public, publiées au mois de juin, 16 pays sur les 39 qu’elle a répertoriés dans le monde entier autorisaient en 2005 la vente des médicaments de prescription médicale facultative hors des pharmacies. En 2006, ils étaient 20. Et d’autres pourraient suivre, à l’instar de la Suède. John Chave, secrétaire général du GPUE (Groupement pharmaceutique de l’Union européenne), estime que les premiers médicaments de prescription médicale facultative sortiront des pharmacies suédoises à partir du 1er juillet 2009.

En attendant, force est de constater qu’il est possible de se procurer des médicaments de prescription médicale facultative dans des drugstores, des grandes surfaces ou encore des stations essence de la quasi-moitié (14 pays sur 29) des Etats membre de l’Europe. Et seuls l’Italie et le Portugal subordonnent cette vente à la présence d’un pharmacien.

Des PMF dans les GMS françaises ?

La France suivra-t-elle le mouvement européen ? Un virage s’est en tout cas amorcé cette année avec l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat : le gouvernement discute déjà des modalités de passage devant le comptoir de certains médicaments sans ordonnance, dont l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé doit établir la liste. Un décret autorisant cette vente en accès libre pourrait être pris avant la fin de l’année, pour une application dès le premier trimestre 2008. Syndicats, groupements et industriels polémiquent, tandis que l’ordre des pharmaciens commence à céder et réfléchit plutôt à encadrer au mieux cette nouvelle pratique. Crainte numéro un : que la croix verte perde son monopole et qu’ainsi les médicaments de prescription médicale facultative passent en grande surface.

Pourtant, Magali Flachaire, déléguée générale de l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable), souligne qu’« aucun pays n’est passé par le libre accès puis vers les grandes et moyennes surfaces. Ou alors, les médicaments y vont directement… ». Le libre accès ne serait donc pas une étape avant la perte de notre si précieux monopole, à en croire les pratiques européennes en la matière. Magali Flachaire ajoute en outre que « si notre monopole est attaqué, ce sera par l’injonction européenne [sur l’ouverture du capital des officines françaises] et non par la place du médicament ». Elle rappelle en outre que l’AFIPA, comme le gouvernement, plaident pour une automédication responsable, à savoir un libre accès en officine, accompagné par le pharmacien, et pour le maintien du monopole pharmaceutique.

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Par ailleurs, « pourquoi sortir le médicament des officines vu leur nombre exceptionnel sur le territoire français ? », interroge la porte-parole de l’AFIPA. Magali Flachaire explique qu’au Portugal la demande est très forte alors qu’il manque des pharmacies sur le territoire. D’où la décision de démultiplier le réseau et de sortir, en 2005, les médicaments de prescription médicale facultative de l’officine, sous réserve de la présence d’un pharmacien. En revanche, le réseau officinal français est tout à fait performant : les grandes et moyennes surfaces ne s’avèrent donc d’aucune nécessité.

Mésusages en hausse au Royaume-Uni

Selon les industriels, les pharmaciens français n’auraient donc aucune raison de s’inquiéter du passage devant le comptoir de certains médicaments sans ordonnance. Nombre d’entre eux font pourtant front commun contre le libre accès, invoquant également le risque de mésusage ou d’accidents iatrogènes. Le GPUE note à ce titre que le mésusage est en effet prouvé dans certains pays comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui ont tous deux sorti les médicaments de prescription médicale facultative de l’officine. Plus rassurante, Magali Flachaire signale que chaque mise sur le marché d’un médicament est précédée d’une évaluation paneuropéenne sur le ratio bénéfices/risques. Même s’il existe des disparités locales, l’Europe tend vers une uniformisation des posologies et une plus grande sécurisation des produits.

Aux yeux de l’AFIPA, le libre accès ne sonne donc pas l’aube d’une révolution, mais plutôt d’une évolution qui permettra de mieux réguler le marché et les prix, d’améliorer la prise en charge individuelle du patient et d’asseoir le rôle de conseil du pharmacien. Nous jugerons sur pièces. Seule certitude : la bonne application de la mesure dépendra de l’adhésion des officinaux.

Des médicaments low-cost en France ?

La France résistera-t-elle longtemps face à une volonté politique nationale et européenne de plus en plus affirmée ? Charles Beigbeder, P-DG de Poweo, auteur d’un rapport que lui a commandé Luc Chatel, secrétaire d’Etat à la Consommation, sur le « développement du secteur low-cost », ne recommande-t-il pas d’abolir le monopole des pharmacies sur les médicaments sans ordonnance, qui pourraient ainsi être vendus en GMS. Seule la présence d’un pharmacien diplômé sur le lieu de vente serait imposée. Quant à Günter Verheugen, vice-président de la Commission européenne, il déclarait l’été dernier : « Je peux vous assurer de notre engagement à faire du futur un succès pour le secteur de l’automédication. Ceci n’est pas seulement souhaitable mais également essentiel pour atteindre nos objectifs de santé publique. »

Top-5 de l’automédication en Europe

1. Antitussifs et produits anti-rhume

2. Analgésiques

3. Produits de digestion

4. Produits dermatologiques

5. Vitamines et minéraux