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Dans les starting-blocks !
Si la propriété de l’officine doit s’ouvrir aux grands capitaux, les grossistes-répartiteurs sont annoncés comme des investisseurs potentiels de premier ordre. Dans cette hypothèse, quelles seraient la position et les intentions de ceux qui opèrent sur notre sol ? Tour de piste.
En cas d’ouverture du capital des officines à des investisseurs extérieurs, « les premiers prédateurs seront les répartiteurs », lance Alain Bertheuil, officinal et président de la CERP Rouen. Ce répartiteur jure qu’il ne sera pas un prétendant au rachat d’officines. « La CERP Rouen a mis au point une organisation pour lutter contre les succursalistes de la pharmacie », indique-t-il.
En 2001, la CERP Rouen a adhéré à la Fédération des enseignes du commerce associé qui regroupe des enseignes de commerces indépendants organisées autour de coopératives. « Le but est de proposer aux pharmaciens soucieux de rester indépendants un modèle de commerce associé. Ce réseau s’est doté de tous les moyens et services nécessaires en matière de répartition, d’informatique ou encore de MAD, mais c’est d’abord un état d’esprit qui doit motiver les pharmaciens à rejoindre cette structure, explique Alain Bertheuil, pour qui il n’y aura pas de prise de conscience miraculeuse. Les pharmaciens vont s’interroger sur l’opportunité de se faire racheter par un grand groupe et se décideront au dernier moment. C’est seulement lorsqu’ils seront acculés et au bord du gouffre qu’ils se détermineront en fonction de leur choix de vie. » Selon lui, la recomposition du paysage officinal sera lente et va conduire à choisir entre les « succursalistes » (le commerce intégré), les « indépendants organisés » – que l’on peut subdiviser en deux sous-groupes : les « franchises » et le « commerce associé » – et les « indépendants purs et durs ».
Les CERP, pas portées sur les achats d’officines !
Quand bien même les CERP auraient des velléités à racheter des officines, elles n’en auraient pas les moyens. C’est en tout cas ce qu’affirme Daniel Galas, pharmacien, directeur général de la CERP Bretagne Nord et président de CERP France : « Sur la base d’une valorisation de l’ensemble du réseau à 80 % du chiffre d’affaires TTC, un calcul au prorata des parts de marché des CERP montre que l’investissement serait de l’ordre de 6,5 milliards d’euros ! » Mais ce désintérêt est plus philosophique qu’économique. « Les coopérateurs nous ont créés et nous font vivre, nos intentions ne sont pas de manger leurs fonds de commerce », tient à rassurer Daniel Galas.
« Fondamentaliste » dans l’âme, le président de CERP France rappelle que la stratégie de la CERP Bretagne Nord est de défendre l’officine libérale et le service de proximité. « Contrairement à nos concurrents, OCP et Alliance Healthcare, nous ne fermons pas d’agences, nous ne contractons pas les services et nous ne licencions pas du personnel. Nous défendons les agences de proximité, trois livraisons par jour et le principe que la marge du répartiteur est faite pour assurer la distribution du médicament en pharmacie et non pas pour nourrir les maisons mères. » Une stratégie visiblement payante au vu de la progression constante des parts de marché des CERP depuis plusieurs années (30,92 % à fin août 2007 en cumul sur douze mois, selon les données du GERS transmises par la CERP Bretagne Nord).
Sur l’année 2006, la progression des CERP est beaucoup plus relative et leur part de marché moindre (27,89 %), si on analyse des chiffres communiqués par la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique. Par rapport à 2005, l’OCP perd 1,07 point de parts de marché, Alliance Healthcare gagne 0,21 point et le réseau CERP 0,19 point, tandis que Phoenix Pharma est stable à 3,8%.
La CERP Lorraine « s’adaptera »
Les responsables des CERP Rhin-Rhône-Méditerranée et CERP Lorraine n’ont pas souhaité nous répondre directement sur ce sujet. Mais le premier fait savoir qu’il est « en phase » avec le discours du président de CERP France. Le second nous a livré le message laconique suivant : « En tant que grossiste-répartiteur, la CERP Lorraine n’a pas d’avis à donner sur le sujet, mais, en tout état de cause, elle s’adaptera à la situation. »
Plus loquace que ses homologues, Daniel Galas met en garde les officinaux sur l’incidence de l’ouverture du capital sur la valeur des fonds : « Des pharmacies seront laissées pour compte et péricliteront, alors que celles qui auront le profil pour être intégrées à des chaînes tireront les marrons du feu. Autrement dit, des prix vont flamber alors que d’autres vont s’effondrer et seront responsables de faillites. » Et de lancer à nouveau des banderilles à ses concurrents : « La diminution des services, la réduction du nombre de tournées et la concentration des agences ne sont faites que pour appréhender les grosses officines et négliger les petites. »
LLoyds Pharmacy, bras armé de Celesio
Interrogé sur le sujet, Serge Carrier, responsable des affaires publiques de l’OCP, reste très discret sur les intentions de son groupe. Sa réponse apparaît même en décalage avec la stratégie clairement affichée par Celesio à l’extérieur de nos frontières. Le groupe auquel appartient l’OCP a racheté Doc Morris, prenant ainsi pied dans des pharmacies allemandes ainsi que des pharmacies britanniques via sa filiale Lloyds Pharmacy. Alors, réponse de jésuite ? A vous de juger : « Le groupe Celesio se positionne globalement comme un fournisseur de services de santé et à ce titre est favorable à la dispensation par des professionnels de santé. Nous sommes donc opposés à une libéralisation tous azimut, qui engendrerait probablement un bouleversement du paysage officinal, ce qui serait simplement néfaste au niveau de l’accessibilité des soins, affirme Serge Carrier. Au niveau de l’OCP, avec 40 % de parts de marché, il est évident qu’un changement des règles du jeu conduirait à des modifications profondes du modèle économiques, et les 17 000 clients actuels se transformeraient pour une bonne partie en réseaux organisés qui deviendraient autant de nouveaux clients. Qui dit nouveaux clients dit nouvelles attentes. Les relations entre fournisseurs et pharmacies en réseau vont donc profondément changer. Des partenariats et des nouveaux services devront être proposés, notamment en accord avec un troisième acteur, l’industrie pharmaceutique. Nous travaillons actuellement sur ces nouvelles solutions et avons déjà apporté des réponses avec OCP Connect. Une autre solution est celle apportée par notre groupement. En effet, Pharmactiv, en tant que réseau d’officines indépendantes, permet au pharmacien d’aujourd’hui de préparer les mutations de demain. Nous lui fournissons tous les outils pour une efficacité économique maximale et pour pouvoir répondre, dans un futur proche, à de nouveaux réseaux concurrents, tout en restant décideur dans son entreprise. »
En 2006, le chiffre d’affaires de la répartition a baissé de 1,03 %, alors que l’industrie et les ventes directes ont progressé respectivement de 0,69 % et 10 %. Le bilan est encore plus morose sur ses marges qui reculent, après contributions et taxes, de 1,99 %Alliance Healthcare France joue franc-jeu
L’OCP joue sur les mots et noie le poisson. Lors du 16e congrès du groupe PHR à Lyon, Claude Castells, président du directoire de l’OCP, a précisé que la société « n’a pas vocation à être propriétaire de pharmacies et à devenir concurrent de ses clients ». Toutefois, si le marché des chaînes s’ouvre, « un distributeur qui n’en achèterait pas serait condamné ». En fait, c’est la filiale Lloyds Pharmacy du groupe Celesio qui aura la mission de racheter en France et en son nom des officines avec un potentiel de croissance pour avoir un retour sur investissement.
Le discours d’Alliance Healthcare France a le mérite d’être plus clair. « L’évolution de la détention du capital de l’officine est une éventualité à laquelle il faut se préparer, même si, personnellement, je ne la souhaite pas, déclare Christophe Boulain, son directeur commercial. Mais si cela se produit, un groupe comme le nôtre sera acquéreur de pharmacies. Nous n’aurons pas d’autre choix, pour des raisons économiques, que de nous adapter à cette nouvelle situation. »
Dans cette optique, les pharmacies Alphega ne seront pas prises pour cible. « La distribution pharmaceutique française restera quoi qu’il en soit une affaire de professionnels au service d’un réseau qui sera recomposé en trois grands segments : les chaînes intégrées, les réseaux fédérés sous enseigne et les pharmacies indépendantes, maintient Christophe Boulain. La vocation d’Alphega Pharmacie est d’être un réseau de pharmaciens indépendants qui partagent des expériences, ont en commun les mêmes valeurs et s’appuient, pour se développer, sur les structures et services d’un répartiteur. Dès lors qu’un grossiste fournit en médicaments ces trois catégories d’officines, l’équilibre est assuré dans l’intérêt même de notre métier, dans l’intérêt de notre mission de santé publique. »
Daniel Galas, président de CERP France
La diminution des services, la réduction
du nombre
de tournées
et la concentration des agences ne sont faites que
pour appréhender les grosses officines et négliger les petites.
Serge Carrier, responsable des affaires publiques de l’OCP
Des partenariats et des nouveaux services devront être proposés, notamment en accord avec un troisième acteur, l’industrie pharmaceutique.
Christophe Boulain, directeur commercial d’Alliance Healthcare France
Si la détention du capital de l’officine évolue, un groupe comme le nôtre sera acquéreur de pharmacies. Nous n’aurons pas d’autre choix, pour des raisons économiques.
L’inquiétude des répartiteurs
La politique gouvernementale de maîtrise des dépenses de santé n’épargne pas non plus la répartition. En 2006, son chiffre d’affaires réalisé en ville sur le médicament remboursable a chuté de 1,03 %, alors que l’industrie et les ventes directes ont progressé respectivement de 0,69 % et 10 %. Le bilan est encore plus morose sur ses marges qui reculent, après contributions et taxes, de 1,99 %. Cette diminution des ressources est d’autant plus préoccupante que, dans le même temps, les ventes directes dégagent des marges en progression de 12,10 %, en dépit des effets des plans de mesures sur le médicament.
Sur les neuf premiers mois de l’année 2007, les grossistes renouent avec la croissance en chiffre d’affaires (+ 2,53 %), grâce notamment aux génériques (+ 22,30 % et 43 % de parts de marché) et au fait que les pharmaciens les leur achètent au prix fabricant hors taxes et aux conditions de remises du direct.
Les ventes directes sont logiquement en perte de vitesse sur le générique (+ 1,42 % seulement) mais gagnent encore du terrain sur le princeps (+ 9,96 % contre + 1,80 % pour la répartition). Une tendance qui inquiète Jean-Louis Méry, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) : « La vente directe représente aujourd’hui près de 20 % du marché contre seulement 11 % il y a cinq ans ! » Ce déplacement de parts de marché le conduit à répéter les mêmes mises en garde : « Si le direct continue à nous enlever la partie la plus rentable de notre activité, nous ne pourrons plus nous occuper des autres produits, ou alors plus de la même manière. »
Sur la même période, la marge de la répartition n’a augmenté que de 0,22 % par rapport à 2006. « Nous ne sommes pas responsables de l’inflation des coûts des dépenses de santé », s’insurge Jean-Louis Méry, reprochant au projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2008 d’appliquer aux répartiteurs une logique comptable injuste, en prévoyant de les ponctionner de 50 millions d’euros, soit un tiers du résultat d’exploitation de cette profession, via une baisse de marge qui reste à définir. La situation devient, selon lui, très tendue car la répartition est arrivée au bout du processus des plans sociaux et des gains de productivité.
Une autre perspective inquiète la CSRP : les ressources des répartiteurs pourraient encore être affectées par la création d’un nouveau statut pharmaceutique, proposée par Roselyne Bachelot, pour la vente et la distribution en gros des médicaments à prescription facultative. Un statut qui ferait la part belle aux plates-formes de groupements.
Cette fragilisation tous azimuts ne peut que renforcer les craintes des officinaux qui savent bien que toute mesure infligée à la répartition se répercute mécaniquement en aval sur leur économie.
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