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PARAPHARMACIE DE RODEZ : Un pour tous, tous contre un

Publié le 13 mars 2004
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Avant qu’une grande enseigne ne vienne s’installer dans leur cité, les pharmaciens de Rodez se sont associés à dix-huit pour créer leur propre parapharmacie. Et ça marche ! Tout le monde y trouve son compte, pharmaciens et clients ruthénois.

Dans une belle rue du vieux Rodez, au bas d’une maison bourgeoise, une enseigne lumineuse verte étale ses lettres des deux côtés du mur : « Parapharmacie ». Il suffit de tourner le regard pour apercevoir d’autres enseignes, en forme de croix vertes celles-là. Pas moins de six officines à moins de 200 mètres. Concurrence farouche ? Pas tout à fait.

Les clients se pressent pourtant dans les rayons bien agencés de la parapharmacie qui propose sur 100 m2 une très large gamme de produits à des prix attractifs. Ils savent qu’ils vont trouver là accueil et conseils auprès de six personnes à leur écoute, dont une pharmacienne, une diététicienne et trois esthéticiennes.

Si les pharmaciens ruthénois ne se plaignent pas, bien au contraire, de la réussite de cette affaire, c’est que la situation ici est un peu particulière. Car la parapharmacie, ce sont eux, en s’associant, qui l’ont créée il y a huit ans. « Ayant eu vent de plusieurs projets d’installation de grandes enseignes, nous avons voulu prendre les devants pour capter nous-mêmes ce marché, explique Philippe Caussignac, président du syndicat départemental. C’était vital car nous savions que la zone de chalandise sur cette agglomération isolée (environ cinquante mille habitants) ne permettrait qu’à un seul centre de ce type de vivre. Il fallait donc aller vite car, sinon, chacun aurait réagi de façon désordonnée et on ne voulait pas d’une course à la baisse des prix dont personne n’aurait profité. »

Quinze jours pour se décider, dix mille euros pour participer.

L’affaire fut rondement menée. Après une réunion pour expliquer en détail le projet, les pharmaciens de Rodez ont eu quinze jours pour se décider. Le président du syndicat s’était entouré des conseils précieux d’un expert-comptable mais ne s’est pas lancé dans une longue et coûteuse étude de marché. « Les Aveyronnais ont les pieds sur terre et du bon sens », dit en riant Philippe Caussignac.

Dix-huit pharmaciens ont adhéré à cette proposition consistant à créer un centre de parapharmacie géré en commun. A priori, un projet difficile à mettre en place et à faire vivre. « Tout le monde a compris l’intérêt d’une telle entreprise. Seuls trois confrères ont décidé de ne pas se lancer dans l’aventure. Il faut dire que le risque financier était minime et que personne n’attendait une rentabilité immédiate. Il s’agissait avant tout d’occuper le terrain. Et comme il n’y a sur Rodez aucune très grosse officine qui domine toutes les autres, nous avons pu nous entendre facilement et gérer la chose en toute confraternité et convivialité. Tout a immédiatement bien fonctionné. Et depuis huit ans nous travaillons dans le même esprit. »

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Chacun a déboursé un peu moins de 10 000 euros pour l’achat du pas-de-porte et la location d’un local qui venait justement de se libérer, une ancienne mercerie très bien placée possédant un sous-sol aussi vaste que la surface de vente. Restait à créer une SARL et un groupement d’achats, ce qui fut fait sans problème. Pour l’ensemble de l’opération et l’achat du stock, un peu plus de 150 000 euros étaient nécessaires. Un emprunt de 50 000 euros a permis de boucler l’opération.

Chiffre d’affaires triplé en huit ans.

Créer une affaire est une chose, la gérer en est une autre. Là encore, deux maîtres mots : simplicité et efficacité. « Nous prenons les grandes décisions ensemble, indique Philippe Caussignac, mais nous avons la chance de pouvoir nous appuyer totalement pour la gestion courante sur la responsable qui fait tourner la parapharmacie avec efficacité. »

Marie-Pierre Paret, pharmacienne et femme de pharmacien, a fait le choix de la para et ne le regrette pas. « J’ai toujours aimé faire du conseil en para quand je travaillais en officine et j’aime également le côté commercial de ce métier. Il y avait tout à faire, ce qui était aussi intéressant. Aujourd’hui, la clientèle est très diverse, de tous âges et de tous niveaux sociaux. Les gens sont très demandeurs de conseils et nous avons beaucoup misé sur l’accueil en prenant le temps nécessaire pour répondre aux demandes. »

Le chiffre d’affaires a presque triplé depuis l’ouverture pour atteindre environ 750 000 euros. L’équipe, elle, a doublé pour répondre à l’évolution du marché. « Nous avons mis environ trois ans pour fidéliser la clientèle qui peut trouver ici désormais à peu près tout ce qu’offrent les chaînes. On a d’ailleurs attiré des gens qui allaient dans les grandes surfaces où ils ne trouvent que de la para basique et pas moins chère. On a ouvert un rayon diététique très important et on a également progressé beaucoup sur la dermatologie avec des marques spécifiques, peu présentes en officine. Et depuis trois mois nous avons ouvert également des cabines. »

Tout le monde y trouve son compte.

Dans les pharmacies de Rodez, on continue bien sûr à vendre de la para. De façon autonome, chacun fait ses prix et ses promos. « L’implantation de la para a dynamisé finalement les confrères qui se sont intéressés à ce marché, se réjouit Philippe Caussignac. On constate d’ailleurs une augmentation globale du volume d’achat. La rentabilité des officines ne passait pas par des prix cassés sur la para. Grâce à ce projet commun nous travaillons dans un bon état d’esprit. Il nous oblige à nous rencontrer, à échanger et partager. Au-delà du marché, c’est un des intérêts de cette association. »

Pourtant, au début, la concurrence entre parapharmacie et pharmacies s’est bien sûr faite sentir. « C’était un peu une gifle, n’hésite pas à dire Nicole Cayron, à l’origine du projet et pharmacienne en centre-ville. On a senti le manque à gagner. Cela nous a obligés à nous remettre en question. En outre, beaucoup de personnes qui ne seraient jamais venues en pharmacie pour ces produits sont allées à la para. Finalement, nous avons maîtrisé notre propre concurrence. Rien ne nous garantit évidemment qu’une chaîne ne s’installera pas un jour, mais nous avons une longueur d’avance et une clientèle fidèle. »

Pour l’heure, la parapharmacie ne dégage pas de bénéfices mais se développe tranquillement en augmentant son chiffre d’affaires, ce qui permet d’assurer une saine gestion. La rentabilité n’étant d’ailleurs pas le souci premier de cette société pas comme les autres.

A Rodez, tout le monde est donc satisfait de cette expérience regardée avec beaucoup d’attention par d’autres départements. Est-elle transposable ailleurs ? Philippe Caussignac n’en est pas très sûr. « Nous n’avons pas de recette. Nous avons répondu à un besoin dans une situation précise et nous avions toutes les conditions pour tenter le coup sans grand risque. En tout cas, cela a profité à toutes les officines qui développent à la fois le médicament et la para. En dix ans, elles ont toutes augmenté leurs surfaces de vente. »

A retenir

– Associés : 18 titulaires locaux.

– type de société : SARL + groupement d’achat.

– âGE : 8 ans.

– Budget : 150 000 euros (environ).

– Participation : 10 000 euros/titulaire.

– Emprunt : 50 000 euros.

– Surface de vente : 100 m2.

– CA : 750 000 Euro(s) (multiplié par trois en huit ans)