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Le goût du risque
Métier aux multiples facettes, à la fois mandataire social et gardien de la santé publique, le pharmacien responsable occupe une place stratégique au sein d’un laboratoire. Présentation.
Nous sommes des vigilants sanitaires », résume Olivier Poirieux, pharmacien responsable chez BMS-Upsa. Seul poste dans l’industrie pharmaceutique où la nature des missions est clairement définie par la réglementation (article R. 5113-2 du Code de la santé publique), le métier n’est – paradoxalement – pas facile à décrire tant les responsabilités se révèlent vastes et variées.
« Nous avons le pouvoir de surveiller et de gérer toute la chaîne du médicament, depuis les demandes d’autorisation pour les essais cliniques jusqu’à la décision d’un retrait de médicament », explique Frédéric Bassi, pharmacien responsable chez Bayer Pharma. L’objectif est toujours le même quel que soit le laboratoire : respect de la qualité et de l’éthique au profit de la santé publique. La responsabilité de la fabrication incombe donc au pharmacien responsable, de même que celle de la distribution, de la promotion et de la pharmacovigilance.
Responsabilité personnelle engagée.
La signature du pharmacien responsable figure sur tous les documents de l’entreprise. « Nous sommes censés tout contrôler à la fois, mais heureusement nous sommes secondés par les pharmaciens assistants et délégués », reconnaît Olivier Poirieux. N’empêche, quand se pose un réel problème, la décision finale leur revient. « En fait, je suis surtout confronté aux décisions difficiles et aux problèmes », confie Frédéric Bassi. En relation permanente avec l’Afssaps, le pharmacien responsable doit par exemple assumer du jour au lendemain le retrait d’un médicament ou le rappel d’un lot.
Il faut savoir en effet qu’il engage personnellement sa responsabilité d’un point de vue pénal (alors que la responsabilité civile est prise en charge par les assurances). Autant dire que c’est un poste à risque impliquant le pharmacien sur ses deniers personnels.
Corollaire de cette responsabilité, le pharmacien responsable est obligatoirement mandataire social. Il siège donc au comité de direction du laboratoire et connaît bien les enjeux de son entreprise. « Un président ne peut assurer la bonne marche du laboratoire que s’il s’adosse à un pharmacien garant de la traçabilité et de l’éthique », analyse Frédéric Bassi, nommé pour sa part à la direction générale de Bayer Pharma.
« Si je n’interviens pas dans le choix des aires thérapeutiques, j’accompagne en revanche tous les supports et les services du laboratoire », précise Olivier Poirieux. Le défi consiste à rester proche des équipes tout en gardant une certaine distance pour pouvoir préserver une totale objectivité et son indépendance.
Savoir dire non.
Force est de constater que le pharmacien responsable ne se retrouve jamais devant des décisions simples à prendre. Exemple : la présence d’un morceau de verre dans un sirop est signalée. « Il faut agir très vite en évaluant l’impact de l’incident sur la santé publique », rapporte Frédéric Bassi. « Il faut savoir parfois dire non et refuser la commercialisation d’un lot », ajoute Olivier Poirieux. Toutes les décisions doivent bien sûr être tracées au détail près, et se basent sur des procédures (spécifiques pour chaque secteur) revues et corrigées tous les deux ans au cours d’un audit.
Devant des contrôleurs de gestion qui jugeraient un médicament non rentable et demanderaient son arrêt de fabrication, le pharmacien responsable peut s’opposer à une telle démarche si elle s’inscrit en défaveur de la santé publique.
Devant un outil promotionnel à destination du corps médical, le pharmacien responsable peut exiger sa modification si ce dernier ne respecte pas le cadre de l’autorisation de mise sur le marché ou dénigre indirectement un concurrent. « Le médicament n’est pas de la confiserie médicale ! », lance Olivier Poirieux.
Principe de précaution, disponibilité et nerfs d’acier.
Pharmacien responsable, un métier difficile ? « Dans un monde où on légifère de plus en plus et où le principe de précaution s’applique partout, notre travail n’a pas droit à l’erreur. Au-delà de l’éthique, notre devoir de suivi est aujourd’hui beaucoup plus important qu’auparavant », reconnaît George France, pharmacien responsable et directeur général des laboratoires Wyeth. « Je connais le stress du téléphone portable… Il m’est devenu quasi impossible de gérer mon emploi du temps », confirme Olivier Poirieux.
Comment, dans ces conditions, arriver à maîtriser sereinement toutes ces situations ? Au dire des pharmaciens interrogés, il faut nécessairement se montrer disponible, être à l’écoute des autres et pouvoir jongler aisément d’une problématique à une autre, mais il faut aussi ne jamais douter de soi et prendre du recul.
Tout superviser à tout moment : ce qui fait la difficulté du métier en fait aussi l’intérêt. Et George France de conclure : « Nous avons un regard polyvalent sur toute l’entreprise et c’est vraiment passionnant. »
Devenir pharmacien responsable
– Si la formation de base pour devenir pharmacien responsable exige une expérience de six mois en contrôle qualité au sein d’un département de production, si un troisième cycle en droit de la santé ou en législation est recommandé, ce parcours ne suffit pas toujours. « Pour apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise, il faut d’abord se forger une expérience dans de multiples domaines », conseille Frédéric Bassi, diplômé d’une école de commerce avant de se lancer dans le marketing puis dans le contrôle qualité. Le but final : connaître aussi bien le secteur de la production que celui de l’exploitation, les bases du réglementaire ou du « business development » que celles de la fabrication et du contrôle.
Pénurie de pharmaciens responsables. La polyvalence qui définit le métier explique certainement le manque de candidats à l’heure actuelle, les pharmaciens intérimaires (remplaçants des responsables) deviennent difficiles à recruter. « Outre la carrière du candidat, sa personnalité compte aussi », précise George France, qui pour sa part intervient même dans la négociation des prix, à l’interface entre la présidence et le Comité économique des produits de santé.
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