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Douste sur la réforme

Publié le 10 avril 2004
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Pour son retour au ministère de la Santé, Philippe Douste-Blazy hérite d’une mission quasi impossible : réformer le système de santé en réalisant l’« union nationale », sans recourir aux d’ordonnances et sans modifier le calendrier. Bienvenu.

Le revoilà. C’est donc Philippe Douste-Blazy, déjà locataire de l’Avenue de Ségur entre 1993 et 1995, qui reprend le siège de Jean-François Mattei à la Santé. Il obtient un ministère élargi à la Protection sociale et sera flanqué d’un secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie.

« Nous avons un des meilleurs systèmes de santé, il faut le garder, le sauvegarder, le sauver ! », a lancé le nouveau ministre lors de la passation de pouvoirs, montrant qu’il entrait d’emblée dans le vif du sujet. Car c’est bien sur le devenir de la réforme du système de santé, entamée par Jean-François Mattei, que tout le monde l’attend. Le défi est de taille pour le député-maire de Toulouse qui n’aura pas forcément les coudées franches tant le sujet est bouillant pour le gouvernement.

D’ailleurs, la feuille de route, le calendrier et la méthode sont déjà tracés. Dans son discours de politique générale devant le Parlement, le 5 avril, Jean-Pierre Raffarin a fourni la partition. A Philippe Douste-Blazy de la mettre en musique. La réforme de l’assurance maladie, a dit le Premier ministre, devra « répondre à quatre objectifs : améliorer l’organisation du système, faire évoluer les comportements pour lutter contre les gaspillages, clarifier les responsabilités entre l’Etat et les gestionnaires de l’assurance maladie et, enfin, prendre des mesures pour rétablir les comptes ». Le calendrier non plus n’a pas bougé. « Le projet de réforme de notre assurance maladie sera débattu au Parlement à l’été comme prévu », a-t-il affirmé. Les réformes devront entrer en vigueur le 1er janvier 2005.

Mission impossible.

Quant à la méthode, c’est le chef de l’Etat lui-même qui l’a fixée dans son intervention télévisée du 1er avril. Il a appelé de ses voeux un débat, une solution « à l’allemande ». « Quand il y a un grand débat national, il est indispensable qu’il y ait un accord national. Imposer une solution n’est pas possible. Il est indispensable que les partenaires sociaux et le gouvernement et aussi la majorité et l’opposition, sur un sujet aussi vital, se rassemblent pour discuter ensemble, pour trouver une solution. » Surtout, Jacques Chirac a promis que le gouvernement ne passerait pas par la voie des ordonnances pour faire passer la réforme.

L’« union nationale » souhaitée par le Président peut-elle se trouver en quelques semaines là où l’Allemagne a mis plus d’un an ? Sans les ordonnances, une longue bataille d’amendements est-elle évitable ? Et si le Haut Conseil pour la réforme de l’assurance maladie a déblayé le terrain en rendant son rapport en janvier, les huit groupes de travail mis en place en février – pour plancher sur des questions comme les abus et les gaspillages, la qualité de la prescription ou la régulation conjoncturelle des dépenses – ne sont pas parvenus à une synthèse claire et n’ont fait que révéler la complexité du système. Selon le calendrier prévu, leurs contributions devaient être remises au ministre début avril et servir de base à un document d’orientation, futur projet de loi, dans la seconde quinzaine du même mois ! Sans compter que sur les trois premières semaines de mars, Jean-François Mattei avait reçu les doléances de 57 délégations, représentant différents acteurs du système de santé dont il faudra bien tenir compte. Son successeur recommencera un round de consultations « light » la semaine prochaine.

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Les jeux sont faits ?

Pourtant, selon des proches du dossier, les grands arbitrages étaient déjà arrêtés. La réforme serait prévue en deux phases. Un premier texte traitant de la gouvernance de l’assurance maladie, bouclé en mai et présenté en juin à l’Assemblée, comprendrait principalement la création d’un conseil national de surveillance de l’assurance maladie coiffant l’ensemble du régime général, doublé d’un directoire général de gestion du risque. Autre nouveauté, la création d’une haute autorité en santé publique chargée de conseiller les pouvoirs publics sur les médicaments et produits de santé.

Second volet, à la rentrée cette fois. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005, présenté en octobre, contiendrait les mesures économiques pour renflouer les caisses et endiguer les déficits chroniques : refonte des périmètres de remboursement et des pratiques médicales, création d’un forfait de 1 euro par ordonnance et boîte de médicaments, hausse de 0,4 % de la CRDS… Philippe Douste-Blazy sera-t-il tenté d’aller fouiller dans les cartons de son prédécesseur ?

Xavier Bertrand, le démineur

« C’est un formidable dossier, car il est au coeur de ce qui intéresse les Français : leur santé. » A 39 ans, Xavier Bertrand s’enthousiasme de son premier maroquin : secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie. Agent d’assurance, élu député de l’Aisne en 2002, il est aussitôt chargé par Alain Juppé, qui le couve, de préparer au sein de son parti la réforme des retraites. Il deviendra rapporteur du projet de loi qui a suivi. Fort de son succès, il est désigné pour mener le même travail sur la réforme de l’assurance maladie. Son style tout en rondeur lui permettra peut-être de déminer le terrain pour son ministre de tutelle. Il s’est fixé « deux enjeux : assurer l’avenir et continuer à améliorer la qualité des soins ».

Concernant la méthode, Xavier Bertrand a assuré que sa priorité serait « le dialogue » et « la concertation ». Saluant « le formidable travail » effectué par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui a fourni « des données objectives », il a estimé « qu’il fallait aujourd’hui faire partager davantage ce constat ».

Philippe Douste-Blazy version 93-95

– En 1993, Philippe Douste-Blazy devient ministre délégué à la Santé, sous l’autorité de Simone Veil, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville.

En charge des problèmes de santé, ses initiatives les plus marquantes restent le lancement de campagnes de santé publique à travers plusieurs mesures de lutte contre les infections nosocomiales, contre la mort subite du nourrisson, de réduction des risques pour les toxicomanes et de lutte contre le sida.

Les officinaux se souviennent certainement du préservatif à 1 franc, lancé en décembre 1993, année où débute l’expérimentation de la tarification à la pathologie en Languedoc-Roussillon.

Seule ombre au tableau peut-être, la campagne d’incitation à la vaccination contre l’hépatite B en juillet 1994, qui sera très critiquée par la suite.

Côté officine, Philippe Douste-Blazy laisse peu de souvenirs marquants à la profession, mis à part ses deux passages à la fin du Congrès national des pharmaciens de 1993 et de 1994. Le prochain congrès, en mai prochain à Tours, le reverra-t-il ?