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Carton rouge dans le vignoble
Incarcéré pour agression sexuelle sur personne mineure, un salarié doit réintégrer l’entreprise qui l’employait comme vigneron-tractoriste. A sa sortie de prison, il se présente sur son lieu de travail. La réaction de ses collègues est vive et contraint l’employeur à le licencier. A partir de là, tout s’enchaîne.
LES FAITS
M. D. est emprisonné du 25 octobre 2013 au 10 novembre 2016 car il a été reconnu couplable d’agression sexuelle sur mineurs commise dans le cadre de ses activités d’entraîneur de football au sein du club local. Le 14 novembre 2016, il se présente dans l’entreprise F pour reprendre son poste de vigneron-tractoriste. A l’issue de cette première journée, il est placé en arrêt maladie jusqu’au 27 mars 2017. Le 28 mars, à sa prise de poste, ses collègues refusent de travailler avec lui. Face à la pression des autres salariés, l’entreprise F licencie M. D. le 7 avril. Estimant que cette décision est liée à des faits de sa vie privée, M. D. saisit la justice.
LE DÉBAT
Le Code du travail impose que le licenciement d’un salarié soit justifié par une cause réelle et sérieuse. En pratique, la ou les raisons de la rupture de contrat doivent être établies, objectives, exactes, et suffisamment graves. Cette cause peut être une faute, par exemple une erreur de délivrance répétée, ou une raison non fautive, comme l’insuffisance professionnelle. La jurisprudence considère que les faits en lien avec la vie privée du salarié ne peuvent pas justifier son renvoi sauf « s’ils se rattachent à son activité professionnelle, c’est-à-dire qu’ils constituent des manquements aux obligations découlant du contrat de travail ». Cela a été le cas pour un médecin-conseil qui avait caché à la caisse primaire d’assurance maladie, son employeur, sa mise en examen pour escroquerie en bande organisée pour des faits en rapport avec le paiement des prestations de Sécurité sociale. La personne avait pu être licenciée pour faute. La jurisprudence admet une seconde exception au principe du non-licenciement quand, le fait de la vie personnelle crée un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise. En l’espèce, l’entreprise F invoquait cette exception, indiquant que, lors de la reprise du travail de M. D., une quarantaine de salarié avait fait barrage pour lui interdire l’entrée de l’entreprise. Les gendarmes étaient intervenus pour dissiper la foule. Selon M. D., ce « comité d’accueil avait été mis en place par l’employeur qui avait d’ailleurs mandaté un huissier ». Il soulignait que, lors de son retour le 14 novembre 2016, aucun incident n’avait été signalé.
Le 16 décembre 2020, la cour d’appel de Reims (Marne) rejette les arguments de M. D. Les magistrats jugent que les « attroupements de salariés refusant de travailler avec M. D. ont créé un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise ». Le licenciement du salarié est donc valable. M. D. estime que les magistrats auraient dû prendre en compte ses fonctions et la finalité propre de l’entreprise pour apprécier le trouble. Il forme un pourvoi en cassation.
LA DÉCISION
Le 13 avril 2023, la cour de cassation rejette le pourvoi de M. D. Pour les hauts magistrats, un trouble à l’activité de l’entreprise peut être « un émoi durable et légitime » comme celui qui touchait les salariés de l’entreprise F., lesquels majoritairement résidaient dans la ville dans laquelle M. D. était entraîneur de football pendant son temps libre.
À retenir
Un salarié ne peut pas être licencié à la suite d’une condamnation pénale liée à sa vie privée sauf quand les faits se rattachent à sa vie professionnelle ou quand son retour au travail crée un trouble à l’activité de l’entreprise.
Le trouble à l’activité de l’entreprise n’est pas obligatoirement apprécié en fonction du poste et de l’activité du salarié.
Le trouble peut être « l’émoi durable et légitime » des autres salariés.
- Source : Cass. soc., 13 avril 2023, n° 22-10.476.
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