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Amnistie à l’horizon

Publié le 18 décembre 2004
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Lors d’une réunion avec le Comité économique des produits de santé, les représentants de la profession ont proposé de rédiger un code de bonnes pratiques sur les coopérations commerciales. Pour en finir avec un système qui n’était de toute façon plus tenable pour les officinaux.

Du passé, faisons table rase. Réunis au ministère de la Santé le 9 décembre pour un round de négociations sur les marges arrière, le Comité économique des produits de santé (CEPS), les syndicats de pharmaciens, les représentants des génériqueurs et des grossistes se sont accordés pour remettre les compteurs à zéro et inventer des règles saines pour le futur. Il s’agit donc ni plus ni moins que d’une amnistie générale de pratiques considérées par le CEPS comme le camouflage de remises illégales (voir l’interview de Noël Renaudin dans L’Annuel 2004 du Moniteur).

Le système actuel des marges arrière n’était de toute façon plus tenable pour les officinaux. « Il n’y a pas de règles, n’importe qui gagne n’importe quoi, n’importe comment », concède Claude Japhet, président de l’UNPF, pour qui la quasi-totalité des officinaux dispose de contrats de coopération « plus que limite ». Pour lui, si la DGCCRF est restée discrète ces dernières années, s’abstenant des contrôles qu’elle aurait pu effectuer, c’est parce que l’étendue des dégâts aurait peut-être été ingérable pour la profession. Il s’agit donc, en accord avec le CEPS, de repartir sur de bonnes bases. « La profession doit normaliser les remises, explique Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO, poser une limite acceptable, pour les pharmaciens comme pour les labos et dans la transparence. »

Lors de la réunion, tous les protagonistes présents autour de la table ont estimé que les marges arrière représentaient 28 % des ventes de génériques (hors remises officielles de 10,74 % et marges grossistes), soit près de 300 millions d’euros. « Des montants inadmissibles pour l’Etat dans la mesure où l’Assurance maladie n’en profite pas, nous a-t-on signifié », rapporte Jean-Pierre Lamothe, chargé de l’économie à la FSPF.

Même si rien n’est encore décidé, les pouvoirs publics semblent vouloir une diminution par deux de ce taux en valeur relative d’ici 2006, tout en laissant les 300 MEuro(s) à l’officine en valeur absolue. Autrement dit, d’ici 2006, l’officine continuerait à bénéficier de ces 300 millions qui représenteront cependant un pourcentage décroissant du Répertoire des génériques qui va, lui, continuer de s’élargir rapidement. Une manière de régler le problème en douceur, sans mettre l’officine et les fabricants en difficulté sur le plan économique et en leur assurant une sécurité juridique.

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Vers des bonnes pratiques de coopération commerciale.

L’objectif étant connu, reste à définir la méthode pour l’atteindre. « Noël Renaudin nous a fait comprendre qu’il ne souhaite pas la mise en place d’un système coercitif, note Philippe Ranty, président du GEMME. Le nouveau dispositif devra rester motivant pour le pharmacien et intéressant financièrement pour les pouvoirs publics. » C’est donc la mise en place d’un « code de bonnes pratiques sur les coopérations commerciales » qui a retenu les suffrages de la profession. « Comment expliquer qu’une pharmacie qui reçoit cinquante patients par jour signe un contrat de coopération prévoyant qu’elle effectuera 170 enquêtes clients, quand une autre officine en recevant quatre fois plus ne doit en réaliser que soixante ?, interroge Claude Japhet. Et comment, dans une même pharmacie, le même mètre linéaire de présentoir peut-il valoir 15 Euro(s) pour un laboratoire et 75 Euro(s) un mois plus tard pour un autre laboratoire ? Commençons par lister les services et les prestations qui peuvent figurer dans un contrat de coopération avec leur valorisation. » Pour le président de l’UNPF, le simple fait de remettre de l’ordre dans les contrats de coopération permettrait de réaliser naturellement des économies.

« L’engagement réciproque des différentes parties signataires de la charte visera à la fois la réduction de l’offre des laboratoires et de la demande des pharmaciens », assure Philippe Ranty. Parmi les pistes explorées pour garantir la transparence et contrôler le respect des engagements, le GEMME propose d’instaurer un système simple et facile à suivre de « déclarations réciproques des coopérations commerciales à l’Administration ». Ce code doit aussi créer un « environnement sécurisé » pour le pharmacien. En clair, dès lors qu’il respecte les termes de la charte, il ne doit pas être embêté par la DGCCRF dont le rôle et la place seront précisés dans le projet de texte. Mais attention, Noël Renaudin veut des résultats rapides et tangibles en termes d’économies pour la Sécurité sociale ! Si un code de bonnes pratiques est finalement adopté, les officinaux devront le respecter, au risque de voir le CEPS passer par la voie réglementaire ou législative, beaucoup plus contraignante. « Une baisse de prix massive et brutale, une modification de la loi sur les remises ou un plafonnement des taux de marges commerciales pèsent comme une épée de Damoclès si on ne trouvait pas de solutions rapidement », détaille Gilles Bonnefond.

Rendez-vous début janvier.

Quant à la taxation des marges arrière, une piste proche de celle proposée par la FSPF – reverser un pourcentage des marges arrière à l’ACOSS pour que l’Assurance maladie y trouve son compte -, elle a été abandonnée. « La taxation proposée par l’Administration était de type confiscatoire ! », s’insurge Jean-Pierre Lamothe. Au-delà d’un certain pourcentage, peut-être 15 %, tout serait revenu à la Sécurité sociale ! « Nous, on était dans une philosophie de système conventionnel de remises », commente-t-il. Les industriels y seraient perdants quand le CEPS n’y voit que la mainmise du marché.

La solution du code de bonnes pratiques choisie, reste à savoir comment il sera encadré. S’agira-t-il d’un simple engagement collectif de la profession, d’un engagement individuel de chaque pharmacie ? Peut-on imaginer la signature d’une convention en bonne et due forme ? « Cela reste à négocier », indique Jean-Pierre Lamothe. Enfin, personne n’est capable de dire si cette charte ne sera pas considérée comme une entente, et donc illégale, notamment au regard des textes européens. Le projet de code sera quoi qu’il en soit présenté au CEPS dès sa prochaine réunion de suivi des génériques, prévue début janvier, où il sera aussi question de TFR. Un Noël très studieux pour les représentants de la profession…

A retenir

– compteur à zéro sur les marges arrière, c’est ce que les syndicats ont obtenu du CEPS en échange de la mise en place rapide d’un code de bonnes pratiques sur les coopérations commerciales.

– diminution par deux du taux de marges arrière (estimé à 28 %) d’ici 2006, souhaitent les pouvoirs publics.

– déclarations réciproques à l’Administration proposent les génériqueurs.

– le non-respect du futur code pourrait conduire à une baisse de prix, des taux de marges plafonnés…

A nter

– la loi Galland vit encore

C’est Christian Jacob, en tant que ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et des Professions libérales, qui a repris le dossier de la loi Galland et des marges arrière suite au départ de Nicolas Sarkozy de Bercy. Fallait-il assouplir les règles sur les ventes à perte et favoriser une baisse des prix ? Interrogé lundi par Les Echos, Christian Jacob a affirmé ne pas vouloir se précipiter, écartant l’idée de la publication d’une loi avant la fin de l’année (que proposait Nicolas Sarkozy) : « Nous ne pouvions pas prendre une telle décision à la légère, quand on sait qu’aux Pays-Bas la baisse des prix a mis 17 000 emplois par terre. » Pourtant Christian Jacob confirme les excès constatés dans la distribution sur les marges arrière et compte remettre ses conclusions au Premier ministre, suite à l’étude du rapport Canivet (voir Le Moniteur n° 2555), vers la mi-février.