Installation et inflation : les boosters d’apport face à la hausse des taux d’intérêt

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Installation et inflation : les boosters d’apport face à la hausse des taux d’intérêt

Publié le 19 juin 2023
Par Francois Pouzaud
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Un booster d’apport vise à compenser une faiblesse d’apport, apport lui-même appelé à croître avec la hausse des taux d’intérêt d’emprunt. D’où la question : un recours supplémentaire à cette aide à l’installation est-il sans risque pour l’emprunteur ?

Avec la hausse des taux d’intérêt, si les prix de cession des pharmacies n’amorcent pas rapidement une baisse, les candidats à l’installation en manque d’apport personnel peuvent être tentés de solliciter davantage les boosters d’apport pour financer le « surprix » qui en découle. « Pour 100 000 € empruntés sur 12 ans à un taux de 0,5 % en 2022 (avant inflation), l’annuité (capital + intérêt) était de 103 000 € ; pour 100 000 € empruntés sur 12 ans à un taux de 4 % aujourd’hui, l’annuité est de 125 657 €, soit un supplément d’intérêt de 22 657 € et un surcoût réel net d’économies d’impôt sur les sociétés (IS à 25 %) de près de 17 000 € (22 657 x 0,75) », calcule Patrice Marteil, responsable des partenariats chez Interfimo.

Selon le groupe d’experts-comptables CGP, en l’absence de correction des prix de cession à la baisse, l’apport personnel devra alors doubler et représenter 32 % du prix de cession. Une marche qui risque d’être trop haute pour le primo-accédant sur le plan financier, s’il ne parvient pas à négocier le prix à la baisse. Sauf à renoncer au booster d’apport pour cette raison et à s’associer à plusieurs exploitants ou avec un investisseur dans le cadre d’une société d’exercice libéral (SEL).

« Le booster d’apport ne remplace par l’apport de l’acquéreur, ce complément d’apport reste un prêt, représente un endettement supplémentaire et doit faire l’objet d’un remboursement », insiste Christian Hayaud, du cabinet de transactions Villard. Selon que le différé d’amortissement du capital de l’emprunt est de trois ans, sept ans ou plus, « l’échéance de remboursement va venir plus ou moins en concurrence avec la dette principale de la banque, mais il est possible en cours d’exploitation de la moduler en fonction de la situation de la trésorerie de l’officine », indique Alain Bidanel, conseiller en gestion à la Cerp Bretagne-Atlantique.

Les acquéreurs doivent prendre conscience de cette situation au risque de se voir essuyer un refus de la banque. « Ils doivent être vigilants dans le choix de leur(s) booster(s) d’apport et leur(s) montant(s) pour ne pas se retrouver quelques années plus tard devant un mur de dettes », met en garde Jérôme Capon, directeur du réseau Interfimo.

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Le retour des investisseurs

Face au risque de surendettement du primoaccédant lié au cumul des emprunts et à un recours exagéré au booster d’apport, Gilles Andrieu, dirigeant du cabinet Espace, rappelle l’existence d’autres pistes d’installation qui méritent toujours autant d’attention : l’acquisition seule, à prix décoté, d’une petite officine présentant un potentiel de développement dans le but de réveiller cette « belle endormie », l’installation dans des territoires éligibles au dispositif fiscal très avantageux de la zone de revitalisation rurale (ZRR), etc.

Ces dernières années, le booster d’apport est devenu le premier concurrent de l’association avec un pharmacien investisseur. « Ce nouveau mode de financement se développe au détriment des associés investisseurs car il permet une capitalisation plus importante et garantit l’indépendance professionnelle du pharmacien gérant de la SEL », explique Fabien Blatière, consultant juridique du cabinet Channels. Mais si le différé de remboursement d’emprunt du booster venait à s’allonger dans le temps, cela diminuerait la capitalisation du pharmacien lors de la revente.

En cette période inflationniste, Gilles Andrieu est convaincu que l’association avec un investisseur va reprendre du poil de la bête en 2023. « Les investisseurs ont accumulé de la trésorerie pendant la pandémie de Covid-19 et ont des excédents à réinvestir, il suffit de bien cadrer cette association et leur sortie à cinq ans dans le pacte d’associés », explique-t-il.