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Vaccinations : le grand boum

Publié le 24 juin 2023
Par Magali Clausener
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La vaccination contre le Covid-19 à l’officine a permis de prouver que la profession pouvait jouer un rôle incontournable dans la prévention. Un rôle consacré par l’autorisation d’administrer et de prescrire les vaccins de rappel. Désormais, les officines proposent pratiquement toutes ce service.

 

L’injection de vaccins en officine paraît aujourd’hui banale. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. La profession a en effet dû se battre pour qu’elle puisse pratiquer cet acte. C’est véritablement le 6 octobre 2017 que l’histoire de la vaccination par les pharmaciens français commence. Une expérimentation de vaccination contre la grippe est lancée dans deux régions, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine, pour une durée de trois ans. Le but ? Augmenter la couverture vaccinale de la population cible. Durant l’hiver 2016, seulement 46 % des personnes ayant reçu un bon de l’Assurance maladie s’étaient fait vacciner, malgré un objectif sanitaire de 75 %. Et durant la même période, environ 1,8 million de personnes avaient consulté un médecin pour des symptômes grippaux, avec un bilan de surmortalité estimé à 19 000 personnes (source : Ordre des pharmaciens). Le succès est tel que la durée de l’expérimentation est réduite à deux ans. En 2018, elle avait été étendue à l’Occitanie et aux Hauts-de-France. Le 1er mars 2019, la vaccination devient une mission facultative pouvant être exercée par les pharmaciens sur l’ensemble du territoire. A l’époque, tous les officinaux ne sont pas enthousiastes à l’idée de proposer ce nouveau service. Pourtant, 85 % des pharmacies vaccinent contre la grippe dès la campagne antigrippale 2019-2020 et réalisent 2,5 millions de vaccinations, soit 30 % des actes réalisés.

Plus de 80 % des vaccinations anti-Covid-19 

Mais ce sont la pandémie de Covid-19 et la crise sanitaire qui changent véritablement la donne. Le 5 mars 2021, un décret paru au Journal officiel autorise les pharmaciens à prescrire et à administrer tous les vaccins contre le Covid-19, qu’ils soient à ARN messager ou à vecteur viral. Ce texte fait suite à une recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS), favorable à l’extension des compétences vaccinales des pharmaciens, des infirmiers et des sages-femmes. Pour faire face à l’ampleur de la campagne vaccinale, les étudiants de 2e et 3e années de pharmacie sont ensuite autorisés de façon dérogatoire à administrer les vaccins anti-Covid-19 (29 mars 2021), puis les préparateurs (arrêté du 27 juillet 2021). Très vite, les officinaux réalisent plus de 50 % des vaccinations en ville. Un pourcentage qui progresse à partir de janvier 2022 et dépasse les 70 % à compter de juillet, avant d’atteindre même 83,7 % début janvier 2023. De fait, en 2021, le réseau officinal a perçu 59 millions d’euros pour la vaccination contre le Covid-19 et, en mars 2022, 47 millions d’euros. 

Forte de son succès, la profession vise l’extension de ses compétences vaccinales – administration et prescription – à d’autres vaccins. Ce qu’approuve la HAS dans un avis en date du 28 janvier 2022. La convention pharmaceutique du 9 mars 2022 prévoit également ces actes. Enfin, un décret et deux arrêtés du 21 avril 2022 encadrent la vaccination à l’officine. Les pharmaciens sont ainsi habilités à administrer, uniquement sur prescription médicale et aux personnes de 16 ans et plus, les vaccins contre 14 pathologies : rage, diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, papillomavirus humains (HPV), pneumocoque, hépatites (A et B), méningocoques (A, B, C, Y et W). Ils n’ont cependant pas le droit de vacciner avec des vaccins à virus vivants et atténués inscrits au calendrier vaccinal (par exemple, rougeole-oreillons-rubéole). S’agissant de la grippe saisonnière, ils peuvent déjà prescrire et vacciner. Quant à la vaccination contre le Covid-19, elle ne fait pas partie du droit commun, s’agissant d’une mesure dérogatoire. Malgré ces textes, les pharmaciens ne peuvent réellement commencer à vacciner qu’à partir du 7 novembre 2022, c’est-à-dire six mois après la signature de la convention pharmaceutique.

Administrer et prescrire 

Pour autant, les patients vont-ils aller se faire vacciner en nombre à la pharmacie près de chez eux ? Car il ne s’agit plus de campagnes de vaccination touchant des millions de personnes. « Oui, estime Kévin<0x00A0>Phalippon, titulaire d’une officine en milieu rural, à Poncin (Ain) et vice-président de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes. Lorsque nous délivrons un vaccin, nous leur proposons de les vacciner tout de suite et, dans plus de 9<0x00A0>cas sur 10, ils acceptent. Et 100 % sont satisfaits ! Bien sûr, ces vaccinations de rappel se feront plus au fil de l’eau mais nous constatons que cette mission prend de l’ampleur. » Pour le pharmacien, la vaccination à l’officine présente, outre la facilité et la proximité pour le patient, l’avantage de ne pas rompre la chaîne du froid et celui d’éviter les pertes. « Certains patients mettent leur vaccin au réfrigérateur et ne se font pas vacciner ou alors trop tard, après la date de péremption du vaccin », explique-t-il. Même si cette nouvelle mission se déploie, beaucoup de professionnels pensent qu’il faut la faire connaître auprès du grand public. C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’URPS Auvergne-Rhône-Alpes en diffusant un spot radio sur deux radios locales dans le Rhône et la Loire fin mai et durant 15 jours. L’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF) a également lancé une campagne de communication sur les réseaux sociaux consacrée à la vaccination et aux autres missions des pharmaciens. 

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Reste que la vaccination en officine devrait véritablement prendre son envol lorsque les pharmaciens seront autorisés à prescrire les vaccins. Ce qui doit se concrétiser très prochainement. La Haute Autorité de santé a rendu public le 16 juin son avis sur la liste pressentie des vaccins. Etape obligatoire pour la mise en œuvre de cette nouvelle mission. Les textes d’application concerneront la prescription par les pharmaciens, les infirmiers et les sages-femmes. Ces professionnels devraient être habilités à prescrire et à administrer les vaccins du calendrier vaccinal, y compris celui contre la coqueluche pour les femmes enceintes. En outre, ils pourraient le faire pour les jeunes de 11 ans et plus, et les adultes. Les textes devraient également préciser le contenu de la formation préalable et sa durée, ainsi que les conditions d’administration (local à part, point d’eau, injection éventuelle d’adrénaline, etc.). « Cela va permettre d’améliorer la couverture vaccinale, notamment pour les jeunes qui font peu leur rappel DT-Polio et face aux infections à papillomavirus humain », observe Kévin Phalippon. En contrepartie, les pharmaciens vont devoir « recruter » les patients au comptoir afin de connaître leur statut vaccinal. Ce qui nécessitera du temps. Or, si l’administration d’un vaccin est rémunérée 7,50 €, la prescription sera payée, selon la convention pharmaceutique, 2,10 €, soit 9,60 € au total. Trop peu pour certains pharmaciens. Est-ce qu’une revalorisation sera au menu de la prochaine négociation conventionnelle portant sur l’économie de l’officine ? Une chose est sûre : il faudra, selon Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), attendre la rentrée pour que les pharmaciens soient complètement prêts à proposer ce nouveau service aux patients.

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