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Pénurie par-delà les volcans

Publié le 19 mars 2005
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Le Puy-de-Dôme, qu’on imagine sans doute très rural à l’abri de son volcan, regroupe pourtant 75 % de sa population et 60 % des officines dans l’« aire urbaine clermontoise ». Une situation qui peut expliquer, hors de ce périmètre, la relative pénurie de pharmaciens et de préparateurs.

C’est le même casse-tête qu’ailleurs !, tempête François Maeder, représentant de l’USPO, syndicat majoritaire dans le Puy-de-Dôme (200 adhérents). Il y a un problème récurrent qui n’est pas particulier à notre département, notamment en milieu rural. » Des propos tempérés par un adhérent du syndicat, Jean-Luc Chavigner, pharmacien à Arlanc, petite commune proche de la Haute-Loire : « Le manque n’est pas énorme, de l’ordre d’une dizaine de pharmaciens sur le département. » D’autres l’estiment à une vingtaine.

S’il est clair que l’offre d’emplois en officine reste supérieure à la demande – a fortiori pour les préparateurs -, les problèmes viennent surtout de ce que l’ANPE appelle l’« inadéquation qualitative ». C’est-à-dire, pour reprendre l’image de Michel Madesclaire, doyen de la faculté de pharmacie : « Dès que les étudiants ne voient plus le clocher de la cathédrale de Clermont, ils se croient dans la brousse… »

Réserver un an à l’avance.

Effectivement, dans les zones éloignées de la métropole régionale et des quatre pôles urbains secondaires (Riom au nord, Thiers à l’est, Ambert au sud-est et Issoire au sud), trouver un remplaçant, surtout en période de congés scolaires, devient très délicat. « Avant, il suffisait de s’y prendre deux mois à l’avance, confirme Jean-Luc Chavigner, mais maintenant nous « réservons » un an à l’avance, et pour quatre semaines seulement, alors que nous voudrions trouver sur cinq semaines. Pourtant, nous proposons un logement juste au-dessus de la pharmacie. »

Autre conséquence de ce déséquilibre, qui ne touche pas seulement l’emploi saisonnier, les exigences des candidats. « Ils veulent tout, ces jeunes : être bien payés, ne pas faire trop d’heures, rester proches des villes et ne pas avoir d’astreinte… », ironise Françoise Fautous, également pharmacienne à Arlanc. Il n’est pas rare effectivement qu’un coefficient 600 soit réclamé d’entrée.

Au banc des accusés, le numerus clausus. Selon la présidente du conseil régional de l’Ordre, Jacqueline Godard, « son instauration n’était pas une bonne décision, d’autant moins que la sélection entre la première et la deuxième année de faculté se fait sur des matières qui ne sont pas déterminantes pour la compétence professionnelle future. » Un avis que ne partage plus Michel Madesclaire, désormais convaincu que l’augmentation du numerus clausus appliquée depuis 2003 suffira, si elle se poursuit, à combler les manques : fixé à 80 en 1981, ce quota est descendu à 65 à partir de 1988 pour remonter à 72 puis à 78 ces deux dernières années. « Si on arrive à 90, ce sera bien », affirme le doyen, tout en évoquant le nombre disproportionné d’étudiants en pharmacie l’année précédant l’instauration du numerus clausus : 167 diplômés, c’est-à-dire beaucoup trop selon lui !

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Le doyen s’inquiète davantage d’une pénurie escomptée de biologistes, la tendance supposée à une augmentation des industriels (15 à 25 % des étudiants selon les années) au détriment des officinaux. S’il est vrai que la perspective d’acheter une officine dissuade plus d’un étudiant, les acquisitions par parts et les transferts restent des solutions envisageables.

100 % d’insertion pour les préparateurs.

Quant aux préparateurs, ils sont sur un marché tout aussi tendu. « Le taux d’insertion est proche de 100 % à chaque promotion, précise Jean-Marc Gagnaire, directeur de l’école clermontoise de préparateurs. Il y a environ 500 préparateurs en exercice sur le département. 76 nouveaux diplômés sont sortis en 2004. Depuis trois ans, les promotions sont plus importantes à cause de la pénurie : comme on se soucie de l’avenir, on cherche à s’adapter au marché de l’emploi. »

Pour les deux professions, offre et demande transitent en partie par l’ANPE, qui estime regrouper « 40 à 70 % des annonces » et dont la vision, certes partielle, est « équilibrée » : en 2004, l’agence a comptabilisé 82 offres pour 85 demandes de préparateurs, et 27 offres pour 32 demandes de pharmaciens – saisonniers compris.

Mais quand elles veulent recruter, beaucoup d’officines passent par le syndicat ou le canal traditionnel des grossistes. La CERP diffuse une feuille d’annonces hebdomadaires (5 offres et 4 demandes dans le CERP-matin du 16 février dernier), de même que l’OCP, où l’on constate un phénomène nouveau : un certain nombre de pharmaciens décident de fermer boutique quand ils partent en vacances.

Autre solution, adoptée par la Pharmacie Medeville, installée dans le centre ancien de Clermont-Ferrand : « Nous avons choisi d’avoir une équipe fixe, et nous faisons des rotations entre nous, ce qui évite la paperasse à chaque besoin de remplacement. » Quant aux agences d’intérim spécialisées, elles n’ont pas pignon sur rue dans le département, mais opèrent depuis la région lyonnaise. « Nous sommes peu sollicités pour le Puy-de-Dôme, précise Cindy Bottin, de Pharm’Appel, bien qu’une trentaine de nos inscrits soient prêts à s’y rendre. Cela s’explique par le fait qu’aujourd’hui, il y a deux pharmaciens dans la plupart des officines, et c’est la même chose pour les préparateurs. »

« Une nouvelle espèce de pharmaciens. »

Selon Serge Dantas, de Quick Médical Service : « Le Puy-de-Dôme n’est pas le département le plus sinistré. Pour Clermont-Ferrand et sa région, nous avons 60 à 80 pharmaciens et préparateurs « en portefeuille » et nous recevons en moyenne un coup de fil par jour. Ce qui est nouveau, c’est qu’on voit arriver une nouvelle espèce de pharmaciens, qui travaillent exclusivement en remplacement et qui sont très mobiles. »

Malgré tout, la pénurie, qui concerne toutes les professions de santé – pourtant très encadrées – et qui s’accentue à mesure qu’on s’éloigne des villes, « nos énarques devraient savoir la réguler », plaisante le doyen Madesclaire, « si les besoins étaient correctement évalués ». En tout cas, un réajustement devient chaque jour plus nécessaire.

LE PUY-DE-DÔME EN CHIFFRES

– 604 200 habitants.

– Population active : 274 028.

– Population ayant un emploi : 242 345.

– Taux de chômage : 11,2 %.

– Population de plus de 60 ans : 117 523 (39,7 %).

– Clermont-Communauté : 18e agglomération de France.

(Source : INSEE.)