Rangement : C’est pas toujours automatique
Trier, scanner, ranger… Tout pharmacien équipé d’un automate rêve de ne plus avoir un jour qu’à renverser la caisse grossiste dans un bac qui se chargerait de ce travail fastidieux. En réalité, il doit encore se contenter d’un rangement manuel assisté. Avantages et limites des différents systèmes de rangement.
Huit pharmaciens sur dix équipés d’un système automatisé effectuent le rangement de leurs stocks manuellement assistés par des LED (diodes lumineuses), un pointeur laser et/ou des étiquettes et, en ce qui concerne Tecnilab, par une voix de synthèse indiquant les emplacements de rangement. Certains s’appuient sur des systèmes de repérage pendant le mois suivant l’installation de l’appareil, période correspondant à la phase de mémorisation des emplacements par le personnel responsable de l’approvisionnement.
« Le simple rangement dans un automate – et non plus dans des tiroirs – représente un gain en temps et en confort. Ranger une caisse grossiste dans des tiroirs exigeait de la place – pour déballer et valider les bons de livraison -, de vérifier auprès du titulaire pour les apprentis, de se renseigner pour éviter les erreurs de stock… Aujourd’hui, il suffit de comparer le compte rendu à l’écran et la commande », rappelle Philippe Anglade (Tecnilab).
Le tout-automatique confortable mais pas toujours rentable.
« Le robot rangeur est intéressant pour les faibles rotations, mais on doit s’interroger sur sa pertinence en ce qui concerne les fortes et moyennes rotations, constate Philippe Levy (Néo Pharma). Les arguments marketing de certains fabricants ne doivent pas masquer la réalité : le rangeur n’est ni rentable ni générateur d’une économie de temps significative par rapport au rangement manuel. L’absence de rangeurs chez les grossistes est là pour nous confirmer la meilleure rentabilité de l’humain en la matière ! Mais il est indéniable que le tout-automatique apporte du confort et satisfait les titulaires férus de haute technologie. »
A ce sujet, Olivier Resano (Apotéka) se livre à un calcul éloquent : « Une personne non qualifiée passe entre trente minutes et une heure par jour pour ranger dix caisses dans l’automate. Cette opération coûte donc entre 5 Euro(s) et 10 Euro(s) par jour (le double pour un collaborateur plus qualifié, soit 20 Euro(s) par jour, soit 6 000 Euro(s) par an, charges patronales comprises). Donc, un système de rangement automatique ne sera jamais rentable, eu égard au prix actuel d’achat et d’entretien des systèmes proposés, et au temps non négligeable passé à ranger les références qui ne vont pas dans la machine, souvent les fortes rotations. » Bertrand Juchs (Westfalia) estime de son côté que le tout-automatique ne se justifie que pour des officines recevant et rangeant plus de deux milles boîtes par jour.
Moins d’erreurs mais plus de lenteur.
Le grand avantage des rangeurs, selon Vincent Deltour (Meditech), est de rendre quasiment nul le risque d’erreur lors du stockage. Didier Dubois (ARX) développe l’exemple suivant : « Pour des spécialités comme le Mopral avec deux dosages différents et trois conditionnements (7, 14 et 28) de tailles proches, l’erreur humaine de réception et de rangement est importante. » Si Vincent Deltour reconnaît que le rangement automatique est assez lent, il explique également que ce temps peut être optimisé par une analyse pointue de l’approvisionnement de la pharmacie et une organisation en conséquence (horaires et fréquence de livraison, horaires de chargement, composition du stock…). « Le rangeur peut également permettre de gagner en compacité. Le MTX optimise le rayonnage dans les moments creux en regroupant et réorganisant les tablettes. » Autres avantages soulignés par Didier Dubois : l’ergonomie (on travaille debout : nul besoin de ranger à deux mètres de haut ou vingt centimètres du sol) et la gestion des produits en retour refusés par un patient avec un code de priorité à la sortie.
Stéphane Nizard (Pharmax) rappelle pour sa part qu’un rangeur met deux heures à traiter une commande de 300 boîtes contre 20 minutes en manuel, temps lui-même légèrement inférieur à celui d’un rangement en colonnes de tiroirs. A cet égard, les chiffres annoncés par les fabricants sont révélateurs : 1 000 à 3 000 boîtes par heure (selon le nombre de boîtes par référence) pour le rangeur à scannage manuel de Robotek, 360 boîtes par heure pour celui d’ARX, contre 300 boîtes par heure pour le rangeur à scannage automatique Fill in Box de Westfalia, 240 pour celui de Meditech, 180 pour le Prolog d’ARX.
La solution semi-automatique.
Du côté des machines à rangement manuel, l’Apotéka 2 propose une double assistance par LED et étiquettes avec une image des produits (une aide non négligeable en cas de panne électrique), les automates Tecny Farma, Meditech MTR et Pharmax, le Movetec (Tecnilab) fonctionnent avec des diodes, le HDI (Tecnilab) et le module A Consis proposent un pointeur laser.
Côté rangement 100 % automatique, Westfalia, ARX, Robotek et Meditech (pour son MTX) ont mis au point des robots rangeurs proposés à environ 40 000 Euro(s), soit une majoration de 20 % sur le prix global d’une configuration.
Intermédiaire entre le rangement manuel et le robot rangeur, le rangement semi-automatique est proposé par Westfalia, ARX et Consis (Module C). Il implique le remplissage préalable de portes à tablettes (capacité de 800 boîtes) chez Westfalia ou le scannage et le dépôt des médicaments sur une zone d’acheminement (ARX, Consis).
Le rangeur de Robotek (présenté en mars 2005) est actuellement le seul à pouvoir effectuer un rangement automatisé sur une machine à canaux et à pouvoir ranger la totalité du contenu d’un canal (jusqu’à 10 boîtes) en une seule fois et à la suite d’un unique scannage pour toutes les boîtes d’une même référence. Ce système devrait pouvoir s’adapter à d’autres automates que la machine Robotek.
La non-disponibilité immédiate des boîtes à la vente a été pendant longtemps le principal grief fait aux robots rangeurs. ARX, Meditech et Consis ont donc mis en place un système permettant la récupération dans une zone tampon d’un produit non encore arrivé à son emplacement final. Reste le temps de latence (plusieurs minutes) entre le moment où l’on verse la caisse dans le trieur et celui où la totalité de son contenu a été scannée. Et reste également le déplacement du pharmacien qui doit prélever les produits dans la zone tampon.
Pour Bertrand Juchs (Westfalia), « la non-disponibilité des boîtes n’est qu’un argument de circonstance ». Il estime en effet que le niveau de stock des pharmaciens et leur façon d’acheter compensent cet inconvénient. Mais il faut alors envisager une gestion à part des promis. « Le rangeur est incontestablement une belle avancée technologique, mais il ne doit pas, en l’état actuel des choses, déterminer le choix de tel système ou de tel fabricant », commente Philippe Levy.
2006, année du rangement automatique.
Le tout-automatique constitue cependant un véritable enjeu pour les fabricants. Tecnilab annonce la prochaine mise sur le marché de son Dreamtec qui permettra un chargement semi-automatique ou totalement automatique.
Apotéka travaille depuis quatre ans sur un rangement automatique (excluant les achats directs et les fortes rotations trop longues à ranger) qui devrait être disponible fin 2005. Ses caractéristiques ? Rangement indépendant de l’éjection, possibilité maintenue de ranger certaines boîtes en manuel, télémétrie laser pour un comptage permanent – et légal – du stock. Son prix estimé est de 25 000 Euro(s).
Pharmax annonce également courant 2005 la mise à disposition d’un chargeur de type robot indépendant de son automate, autorisant un rangement plus rapide qu’en manuel et la disponibilité immédiate des produits.
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