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Vincent a une tension trop élevée

Publié le 27 juin 2023
Par Nathalie Belin
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Vincent L., 56 ans, en léger surpoids, consulte peu. Il y a deux mois, une tension artérielle trop élevée et une dyslipidémie ont conduit le médecin à prescrire une statine puis un antihypertenseur à la dernière visite.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance respecte la réglementation.

Contexte

C’est quoi ?

• L’hypertension artérielle (HTA) est définie par une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mmHg mesurée à plusieurs reprises au cabinet médical et confirmée hors cabinet via l’automesure tensionnelle ou la Mapa (voir Dico+). L’hypertension est une pathologie chronique le plus souvent asymptomatique. En automesure, une PAS = 135 mmHg et une PAD ≥ 85 mmHg signent une HTA.

• Non traitée, l’hypertension est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur, exposant à l’athérosclérose, aux accidents vasculaires cérébraux (AVC), à l’insuffisance cardiaque, à un infarctus du myocarde, à une insuffisance rénale chronique. Ce risque augmente en présence d’autres facteurs : dyslipidémie, tabagisme, obésité abdominale, sédentarité.

Quelle prise en charge ?

• Un traitement se justifie dès 140/90 mmHg atteint. Les mesures hygiéno-diététiques font partie intégrante de la prise en charge.

• Des mesures hyginéo-diététiques seules peuvent être initialement préconisées(1) (arrêter le tabac, limiter alcool et sel, perdre du poids…) en cas de faible risque cardio-vasculaire (HTA seule) et HTA de grade 1 (140 < PAS < 159 et/ou 90 < PAD < 99 mmHg). Pour les autres, les mesures hygiéno-diététiques ne doivent pas retarder l’instauration d’un traitement une fois le diagnostic posé. Une bithérapie est alors prônée d’emblée afin d’améliorer l’observance et l’efficacité du contrôle tensionnel. Les recommandations françaises préconisent de débuter par une monothérapie réévaluée à un mois en cas d’HTA récente peu élevée(2).

• Les associations d’antihypertenseurs recommandées en première intention sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les antagonistes de l’angiotensine II, les diurétiques thiazidiques et les inhibiteurs calciques.

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• L’automesure tensionnelle est recommandée pour le suivi et l’adaptation du traitement. Elle permet au patient de se rendre compte de l’efficacité du traitement et/ou des mesures hygiéno-diététiques et favorise l’observance.

Objectifs

Réduire la morbimortalité cardio-vasculaire en visant une pression < 140/90 mmHg au cabinet et < 135/85 mmHg en automesure. Vincent L., bon vivant et fumeur occasionnel, a consulté pour une angine il y a deux mois. Le bilan biologique a montré une hypercholestérolémie, d’où la statine. Sa tension étant modérément élevée (155/95 mmHg), le médecin a conseillé des mesures hygiéno-diététiques, l’arrêt du tabac et la prise de la tension à domicile. Le patient l’a fait avec un autotensiomètre poignet. Les mesures contradictoires et la tension artérielle toujours élevée au cabinet ont conduit à prescrire un antihypertenseur et à poursuivre l’automesure avec un autotensiomètre brassard.

Médicaments

Périndopril + indapamide

Cette association fixe d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, le périndopril, et d’un diurétique apparenté au thiazidique, l’indapamide, est indiquée en première intention dans l’hypertension artérielle. Le périndopril inhibe la synthèse de l’angiotensine II à partir de l’angiotensine I vasoconstrictrice. Il en résulte une réduction des résistances artérielles périphériques et de la synthèse de l’aldostérone, et donc de la réabsorption de sodium et d’eau. Le diurétique favorise l’élimination rénale de sodium, de potassium et d’eau.

Atorvastatine

C’est un inhibiteur sélectif et compétitif de l’HMG-CoA réductase, enzyme impliquée dans la synthèse hépatique du cholestérol.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Je vois qu’un traitement est instauré pour votre tension. Quels sont vos chiffres ? » évalue la connaissance et le but à atteindre. « Le médecin a-t-il recommandé des mesures à domicile ? » fait le point sur les indications et le suivi. « Parvenez-vous à diminuer le sel, les bons repas, le tabac ? » informe que d’autres leviers jouent sur la tension et le risque cardio-vasculaire.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Périndopril et indapamide sont deux antihypertenseurs dans un même comprimé. Chacun, à petite dose, agit de façon différente. Ensemble, ils sont plus efficaces pour abaisser la tension. Le diurétique favorise l’élimination d’eau et de sel, et donc diminue le volume sanguin ; le périndopril favorise la dilatation des artères.

• L’atorvastatine réduit la synthèse du cholestérol par le foie.

Mode d’administration

• Périndopril + indapamide. Une prise le matin avant le petit déjeuner est recommandée.

• Atorvastatine. À prendre le soir car l’enzyme impliquée dans la synthèse hépatique du cholestérol a une activité supérieure la nuit.

Effets indésirables

• Périndopril + indapamide. Dus à l’IEC : vertiges, céphalées, hypotension en début, toux sèche irritative pouvant justifier un relais vers un antagoniste de l’angiotensine II. Des angiœdèmes bradykiniques (voir Dico+) peuvent survenir quelques heures à plusieurs mois après le début de prise. Transitoires, ils peuvent se répéter par crises de plus en plus fréquentes ou sévères, notamment en cas d’association à un médicament exposant à ce risque (gliptine). Tout signe tel que gonflement du visage, difficultés à avaler ou respirer, douleurs abdominales, même s’il régresse, nécessite de consulter en urgence et l’arrêt définitif de tout IEC. Dus au diurétique : hypotension, troubles hydroélectrolytiques, élévation de la glycémie, photosensibilisation.

• Atorvastatine : nausées, constipation et troubles musculaires tels que myalgies, fatigue musculaire, crampes, rarement rhabdomyolyse.

J’accompagne

Traitement

La tension, comme la cholestérolémie, ne va pas régresser dès les premières prises, mais si l’antihypertenseur est efficace et bien pris, la tension peut se normaliser en l’espace de deux à trois semaines.

Automesure

• Contrairement au tensiomètre poignet, le tensiomètre brassard, qui prend la tension au niveau de l’artère humérale, donne des mesures plus précises et fiables(3).

• Rappeler l’utilisation et donner une fiche récapitulative (sur automesure.com ou cespharm.fr) : assis, extrémité inférieure du brassard à 2-3 cm au-dessus du pli du coude, dos soutenu, jambes non croisées, bras nu sur la table, au repos depuis au moins cinq minutes, sans parler durant la mesure. Prendre trois mesures à une ou deux minutes d’intervalle le matin, avant la prise des médicaments, et le soir, au moins trois jours de suite, notamment les jours précédant un rendez-vous chez le médecin. Noter tous les chiffres indiqués par l’appareil.

• Le site automesure.com propose une liste de tensiomètres brassards mais d’autres sont utilisables, sous réserve qu’ils aient été validés par un protocole établi (AAMI, ESH, ISO, BHS, voir sur l’emballage).

Vente associée

Des oméga 3, qui contribuent à la protection cardio-vasculaire : Omegabiane, Ergy 3, Arkogélules Oméga 3, Granions Oméga 3 Cardio…

(1) Guidelines for the management of arterial hypertension, ESC/ESH, 2018.

(2) Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte, HAS, 2016.

(3) Recommandations 2021 de la Société européenne d’hypertension artérielle pour la mesure de la pression artérielle au cabinet et en dehors du cabinet.

Prescription

M. C., médecin généraliste

Vincent L. 56 ans, 1,75 m, 80 kg, IMC = 26 kg/m2

Ordonnance

• Périndopril arginine 2,5 mg + indapamide 0,625 mg (Preterax) 1 cp par jour.

• Atorvastatine 10 mg (Tahor) 1 cp par jour.

QSP 1 mois.

Dico +

→ Mapa : la mesure ambulatoire de la pression artérielle (Mapa) est réalisée en continu sur 24 heures à l’aide d’un brassard relié à un appareil électronique porté à la ceinture.

Dico +

→ Angiœdèmes bradykiniques : dus à une accumulation de bradykinine par défaut de son catabolisme, ils touchent surtout le visage, la langue et le larynx, mais aussi la muqueuse digestive, causant des douleurs abdominales plus ou moins sévères.

Le patient me demande

« On peut vraiment réduire sa tension en perdant du poids ? »

Oui. Cinq mesures non médicamenteuses ont prouvé leur efficacité pour abaisser sa tension artérielle(3) : diminuer sa consommation de sel pour atteindre 6 g par jour maximum, perdre du poids en cas de surcharge pondérale, faire régulièrement de l’exercice physique, limiter sa consommation d’alcool et avoir une alimentation incluant baisse des graisses animales et consommation de fruits, légumes et céréales. Le tabac n’agit pas sur la tension… mais son arrêt diminue considérablement le risque cardio-vasculaire !