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Préparation des doses à administrer : faut-il faire du business avec les Ehpad ?
Fournir piluliers et sachets de médicaments aux Ehpad demande une bonne coordination des pratiques avec l’établissement. C’est une mission qui ne s’improvise pas. Mais, bien menée, elle s’avère vite gratifiante.
La préparation des doses à administrer (PDA) figure dans le code de la santé publique comme une partie intégrante – non systématique – de l’acte de dispensation. Les officinaux qui la pratiquent pour les résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) vous le diront : c’est un métier à part entière ! « Il faut avoir la fibre PDA. Ce n’est pas une simple relation commerciale de prestation. Il faut s’investir, cultiver la relation humaine. C’est une aventure qui peut faire peur », témoigne Christian Sauné, titulaire de la pharmacie Esquirol à Toulouse (Haute-Garonne), fournisseur de 14 Ehpad, et consultant pour la société d’équipement Robotik Technology. Les exigences qui s’imposent rassurent. En deux ans, tous les Ehpad devront être contrôlés ou même inspectés sur site, contre une fois tous les vingt à trente ans avant la crise de confiance qui a éclaté en 2022 à la suite de la parution de l’ouvrage Les Fossoyeurs. Et les vérifications par les Agences régionales de santé (ARS) portent particulièrement sur le processus qui démarre de la PDA à l’officine jusqu’à l’administration des médicaments aux résidents.
Le marché repart de plus belle
« Lorsqu’un Ehpad se tourne vers moi, je commence par lui expliquer mon mode de fonctionnement avant qu’il m’expose ses besoins et ses spécificités. Ensuite, on voit si l’on peut travailler ensemble. Lorsqu’un établissement impose d’emblée ses standards, cela ne peut pas fonctionner », considère Christian Sauné. Fait assez nouveau dans le lien qui les relie : certaines officines sont parvenues à obtenir une participation financière de l’établissement dans l’achat des consommables (sachets et piluliers). « Car la PDA peut aussi devenir un gouffre financier pour une pharmacie, pointe Bruno Dupouy, directeur national des ventes Observance d’Equasens (ex Pharmagest). Il faut toujours dépanner, courir après les ordonnances, sans oublier de fournir deux ou trois chariots à l’établissement. » Les difficultés de recrutement qui s’ajoutent à tout cela peuvent occasionner une mise à l’arrêt pure et simple de l’activité. « Faute de personnel, certaines officines ont choisi de se repositionner sur le comptoir et sur les missions conventionnées », explique Emilie Taranger, responsable marketing et communication du fournisseur de matériel Oréus. Autre élément conjoncturel qui a plombé l’activité, le recul du taux d’occupation des établissements en lien avec la pandémie de Covid-19, la récente crise de confiance et la tendance inflationniste. Depuis le début de l’année, le marché repart et il n’est pas saturé. Sur 7 500 Ehpad en France, près de 5 100 recevraient des médicaments des officines. Environ 3 500 d’entre eux sont impliqués, dont 2 500 pratiquent la PDA.
Des activités complémentaires
Deux options s’offrent aux officinaux qui voudraient se lancer. Elles sont liées au projet d’entreprise et aux capacités d’investissement, l’équipement pouvant coûter de quelques milliers d’euros pour une solution semi-automatisée à 200 000 € pour une solution entièrement robotisée. La PDA peut être menée a minima avec un matériel peu coûteux. « C’est délicat de ne pas répondre à la demande de l’Ehpad à proximité. Vous ne générez pas vraiment de marge mais il n’y a pas non plus de perte, expose Sébastien Ragot, expert-comptable au cabinet CAAG. Dans tous les cas, il faut un effectif de résidents suffisants pour que l’activité soit rentable. » Autre stratégie, l’investissement dans une activité robotisée et professionnalisée dans des locaux adaptés. Elle ne s’entrevoit pas sans la perspective de traiter avec plusieurs Ehpad. Les pharmaciens peuvent être épaulés dans cette nécessité de diversifier leurs partenariats. « Un fournisseur de solutions de PDA ne doit pas se limiter à vendre ses produits, estime Emilie Taranger. Il doit accompagner le pharmacien au démarrage et dans le développement de son activité pour lui permettre de produire pour davantage d’établissements, en privilégiant une implantation de proximité. » La rentabilité de l’activité reste liée à la capacité de négociation avec les laboratoires de génériques. Le taux de substitution en établissement avoisine 100 % et le taux de marge brute sur les génériques atteint ainsi 35 à 38 %, voire 40 %, estime Sébastien Ragot. Emilie Taranger ajoute que la PDA permet aussi de voir converger vers l’officine des ordonnances sur l’orthopédie, la compression médicale et même l’oxygène, qui concernerait près de 60 % des résidents.
L’horizon du domicile
Pour diversifier leur production, les pharmaciens répondront aussi aux demandes des collectivités pour personnes handicapées : instituts médico-éducatifs (IME), foyer d’accueil médicalisé (FAM), maison d’accueil spécialisée (MAS), etc., dont les effectifs sont tout de même moindres qu’en Ehpad. Activité encore balbutiante, la préparation de piluliers pour les personnes âgées au domicile n’est pas en reste. Pour Bruno Dupouy, ce sont aussi les patients chroniques à risque élevé d’inobservance qu’il faut cibler. « L’officine fidélise des patients qui, en ville, fréquentent plusieurs pharmacies. Ils n’iront plus chercher leur traitement ailleurs. Et si vous ne faites pas payer ce service, il n’y a pas de raison que l’Assurance maladie le fasse un jour puisqu’il aura toujours été considéré comme gratuit », pointe le responsable chez Equasens.
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