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Le désert des potards
Le Jura, comme beaucoup de départements, connaît une pénurie d’assistants et de préparateurs. Certains invoquent son éloignement géographique et un climat réputé austère. Pourtant les titulaires proposent de multiples avantages pour attirer les candidats. Rien n’y fait.
Le Jura paraît idéalement situé pour les étudiants des facultés de pharmacie de Besançon, Dijon et Lyon. Pourtant, les 99 pharmacies (dont 2 mutualistes) du département peinent à recruter. « C’est difficile », indique-t-on laconiquement à l’OCP, qui diffuse actuellement cinq annonces d’emploi pour ce département.
Pour Madeleine Heme de la Cotte, présidente régionale de l’Ordre et titulaire à Saint-Aubin, situé à 17 km de Dole, les difficultés sont générales à tout le Jura. Jean-Pierre Grandjean, vice-président du syndicat, installé à Saint-Amour, ironise : « L’ANPE m’a même demandé de retirer mon annonce : cela fait plus d’un an qu’elle est sans effet… » Ce pharmacien d’origine lyonnaise est persuadé que le département souffre d’une mauvaise réputation : « Saint-Amour, c’est la « Côte d’Azur » du Jura. La ville est située au pied du Revermont, première ligne de crête du mont Jura, à l’extrémité de la plaine de la Bresse à 150 m d’altitude. Et tout le monde croit que nous sommes en haute montagne ! »
Une serveuse reconvertie préparatrice.
Jean-Pierre Grandjean se retrouve sans assistant depuis un an et demi malgré diverses annonces. « Un jeune diplômé avec trois ans d’ancienneté, à qui j’ai proposé un coefficient 600 avec appartement trois pièces, charges incluses, a refusé mon offre… » Pour trouver une préparatrice, il a misé sur une reconversion. Et assumé le financement d’une formation en alternance au bénéfice d’une jeune femme avec un bac S, serveuse dans un restaurant. « J’ai investi car la personne me semblait déterminée. Elle a eu son diplôme cette année et a été embauchée. » L’un des confrères de Jean-Pierre Grandjean, installé dans un village voisin, cherche lui aussi un assistant depuis des mois. « On pourrait proposer chacun un mi-temps à quelqu’un », rêve-t-il.
A Dole, Fabien Misserey cherche depuis août quelqu’un pour remplacer un congé maternité : « J’ai vu beaucoup d’étudiants, de jeunes diplômés. Je suis prêt à les prendre avec un coefficient 500 au minimum. J’ai appelé le Conseil de l’Ordre, les répartiteurs, le syndicat, sans aucun résultat ! »
Pour les préparateurs c’est pire.
A Moirans-en-Montagne (2 000 habitants), Marie-Thérèse Feuillet-Glorieux a cherché un assistant durant plus d’un an. Suite à une annonce parue dans Le Moniteur, une dame de Grenoble l’appelle en novembre 2004. « Je décide de l’embaucher pour janvier. Mais une semaine avant Noël, j’apprends qu’elle ne viendra pas… En avril, je réponds à l’annonce, via la CERP, d’un titulaire qui a fait faillite. J’étais prête à aller jusqu’à un coefficient de 700. Finalement, il me dit que c’est trop loin de Dijon. Or nous sommes à 20 minutes de l’Autoroute du Sud, dans la région des lacs, ce n’est pas le bout du monde ! »
En juin, c’est un Parisien de 58 ans, ancien titulaire, qui contacte Marie-Thérèse Feuillet-Glorieux. Elle propose un coefficient 700 et une vingtaine d’heures de travail administratif par semaine pour son épouse qui a déjà travaillé avec lui. Seul le grand F2 proposé ne lui convient pas. Sans nouvelles de son quasi-embauché, elle reprend son téléphone. « Il m’explique qu’il n’a pas trouvé de logement. » La pharmacienne finira par trouver, fin août, une jeune diplômée à coefficient 500. « J’ai mis un an et j’ai de la chance. Pour les préparateurs, c’est pire. Une est partie fin 2004, une autre a suivi. J’en ai formé un en 2001 et pendant deux ans j’ai financé seule sa formation avant de me faire rembourser. »
Des horaires aménageables.
Plus incroyable encore est le cas de Philippe Sart, installé à Champagnole, qui cherche un assistant depuis plus de quatre ans ! « Je suis passé par les répartiteurs et les facultés de Besançon et de Dijon, par le bouche-à-oreille. Je propose un coefficient 500 à la sortie de la fac et un grand F1. Tous refusent pour des raisons d’éloignement. Je vois beaucoup de jeunes qui postulent pour quelques mois. Une autre pharmacienne de la commune cherche aussi, mais depuis moins longtemps. On a un espoir, deux couples de pharmaciens qui emménagent dans la région… »
« J’en ai marre de faire visiter la ville, d’expliquer qu’on a l’eau courante, l’électricité, que les routes sont goudronnées, que nous bénéficions d’un ensoleillement exceptionnel, que la forêt regorge de champignons…, se désespère Philippe Sart. Je suis même prêt à aménager les horaires pour que la personne n’ait à dormir que deux nuits sur place. »
Philippe Sart déplore le nombre trop faible d’étudiants formés chaque année et sait combien il est difficile de leur faire quitter les métropoles après leurs études. « Quant aux préparateurs, ils passent d’une officine à l’autre pour des raisons de salaires et d’aménagements horaires. »
Bernard Noherie, président du syndicat des pharmaciens du Jura, installé à Lons-le-Saunier, va dans le même sens. « A Lons, les étudiants viennent d’abord de la faculté de Besançon. Le département est aussi tourné vers les facultés de Dijon et de Lyon. Mais les Lyonnais ne voient pas où est le Jura, les Bisontins veulent rester à Besançon et les Dijonnais en Côte-d’Or… » Il emploie 4 préparatrices et 2 assistantes, dont l’une est son épouse. « La seconde, il a fallu la chercher en passant par l’Ordre, les grossistes ou la presse professionnelle. Les étudiants du coin font des stages en fin d’études puis ils restent dans la ville universitaire. »
LE JURA EN CHIFFRES
– 251 000 habitants.
– 3 arrondissements.
– 34 cantons.
– 545 communes.
– 99 pharmacies dont 2 mutualistes.
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