« Penser stratégie point de vente »
Pharmacien Manager : Votre réaction à la vue de toutes ces enseignes ?
Luc Joubert : Il apparaît clairement que la clé d’entrée des enseignes en pharmacie ne semble pas assez étudiée. Est-ce le nom de l’enseigne, de la pharmacie ou celui du pharmacien, ou encore un service/une spécialisation ? La dimension de marque et de positionnement n’émerge pas. On se retrouve dans un univers plus tourné vers des signatures de marque. Or la vraie question à se poser c’est « pourquoi un patient ou un client viendrait chez moi plutôt que chez mon voisin ? » On apporte une réponse en créant de la valeur aux yeux des consommateurs, et non une simple image de façade « qui clignote » de multiples messages.
P.M. : Quid de l’intérieur des officines ?
L. J. : D’emblée, ce qui me dérange, c’est l’apparence de froideur de l’univers de la pharmacie. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de chaleur ? Le comptoir également pose problème. Pourquoi y en a-t-il encore un ? Le pharmacien représente le commerce de proximité. Dans ces conditions pourquoi conserver une barrière entre lui et son client ? Les modules peuvent être une solution alternative. Et j’irais même plus loin : pourquoi ne pas s’asseoir à côté du client, induisant ainsi une notion de diagnostic ? Pourquoi obliger les personnes malades à rester debout ?
P.M. : Il y a donc de fortes marges de progression…
L. J. : A commencer par penser stratégie point de vente ! Un véritable concept d’enseigne se réfléchit en amont et la forme n’est qu’une seule expression de ce concept. Faire beau ne m’intéresse pas et ce n’est pas forcément efficace, en particulier pour la pharmacie. En tant que métier de proximité, il est difficile de généraliser cette notion de beau. Ce qui est valable dans le nord de la France ne l’est pas forcément pour le sud. L’important est tout d’abord de ne pas négliger les codes du métier. Or, si l’on prend la plupart des façades de pharmacie et que l’on gomme le haut, on pourrait croire qu’il s’agit de société d’assurances…
P.M. : En clair, comment développer un concept d’enseigne ?
L. J. : Avant toute chose, il est indispensable de le définir pour donner naissance à un véritable positionnement. Pour cela, il faut d’abord savoir à qui l’on s’adresse ou à qui l’on veut s’adresser. Il faut donc penser « cible » qui peut différer en fonction de la géolocalisation. Une enseigne peut-elle proposer le même modèle en centre commercial ou dans un village ? Je n’en suis pas sûr. Pour moi, PharmaVie est un bon exemple de modèle en centre commercial où il s’agit de grandes pharmacies mettant en valeur l’offre en libre-service. Il est aussi nécessaire de connaître sa patientèle. Une jeune maman qui vient chercher un médicament à toute allure pour son enfant malade n’aura certainement pas autant de temps qu’une personne qui vient d’apprendre qu’elle a un cancer et vient chercher ses premiers médicaments, et ce client est encore différent de la personne âgée qui vient toutes les semaines pour faire renouveler son ordonnance.
P.M. : D’autres points à étudier ?
L. J. : Bien sûr ! Puisqu’un concept d’enseigne résulte d’une alchimie entre une cible, une offre et un contexte. La définition de l’offre permet de faciliter le choix des produits à proposer. Là encore intervient la géolocalisation. Mais pas seulement. Le « category management », qui consiste à la fois à donner vie au produit et à structurer l’offre, va permettre de sortir de l’accumulation encore trop courante en officines. Un soin capillaire ne s’expose pas de la même façon qu’une lingette pour bébé ! Un category management abouti, c’est une offre lisible, compréhensible, repérable et comparable. Pour le moment, nous sommes encore trop face à un mur de produits. Enfin, dernier point clé, le contexte. À l’appréhension de la localisation de l’officine, s’ajoute la prise en compte la typologie du bâtiment. Il n’y a pas deux pharmacies identiques, même dans une même rue ! C’est là toute la complexité de créer un réseau.
Luc Joubert
Fondateur et gérantArchitecte de formation, Luc Joubert a obtenu un master en marketing et gestion pour pouvoir se lancer dans l’architecture commerciale. Il crée il y a douze ans l’agence Onebuyone, avec deux antennes, l’une à Paris, l’autre au Canada. Il a également mis en place une formation spécifique « retail » au sein de l’école Strate Collège. Ses élèves participent au concours « Reload my pharmacy » organisé par L’Oréal cosmétique active.
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