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EN ROUTE VERS LES HONORAIRES DE DISPENSATION !

Publié le 18 janvier 2014
Par Francois Pouzaud et Loan Tranthimy
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Sans l’UNPF, la FSPF et l’USPO ont signé avec l’UNCAM le protocole d’accord introduisant les honoraires de dispensation pour les pharmaciens. Que contient ce texte ? Pour quelles raisons vos représentants ont accepté de le parapher ou pas ? Réponses.

Après des mois de discussions avec l’Assurance maladie et une dernière séance de négociations infructueuse en décembre, la réunion de reprise du 9 janvier 2014 sur l’évolution de la rémunération a abouti à la signature d’un protocole d’accord avec la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) sur les modalités de mise en place sur deux ans des honoraires de dispensation. Ce protocole, conforme aux orientations du syndicat majoritaire de la profession, fera basculer 48 % de la rémunération officinale sous forme d’honoraires. Concrètement, ce protocole d’accord prévoit la mise en place d’une rémunération à la boîte de 0,80 € au 1er janvier 2015, ainsi que des honoraires de 0,50 € pour les ordonnances complexes de plus de cinq lignes, qui seront liés à la remise au patient d’un plan de posologie. Au 1er janvier 2016, la rémunération à la boîte sera portée à 1 €.

Pour que ce changement de rémunération puisse s’opérer, il s’accompagnera d’un reprofilage de la marge dégressive lissée dite MDL (voir le tableau p. 11). Ce texte entérine également l’accord des parties signataires de renforcer la dynamique engagée sur la délivrance des génériques, en fixant dès le premier trimestre 2014 les objectifs et le champ de la substitution (le taux de 85 % est reconduit pour 2014). Il acte aussi leur volonté de consolider avant la fin de cette année la rémunération sur objectifs de santé publique en la reconduisant pour trois ans en 2015, et de mettre en place d’autres nouvelles missions du pharmacien (accompagnement des patients asthmatiques, participation des pharmaciens au programme Sophia sur l’asthme, accompagnement des patients sous traitement substitutif aux opiacés ou TSO).

Une réforme « historique » pour la FSPF

« C’est un accord historique vers les honoraires puisque près de 50 % de la rémunération du pharmacien sera déconnectée de la problématique des prix », se félicite Philippe Gaertner, président de la FSPF. Selon lui, cette réforme permettra d’améliorer la situation de 91 % des pharmacies, contre 85 % dans la précédente hypothèse de travail. « Ce gain tient au fait qu’on ne touche pas au taux de la troisième tranche », précise-t-il.

Ce protocole d’accord s’inscrit également dans une évolution à moyen terme de la rémunération du pharmacien qui permettrait, selon le syndicaliste, de stabiliser l’économie des officines jusqu’à la prochaine convention en 2017. « La FSPF et l’Assurance maladie partagent la même vision des étapes du changement, considèrent que le dispositif est équilibré et qu’il permet de se projeter dans l’avenir », précise Philippe Gaertner, qui estime que l’on peut encore aller plus loin, au-delà de 50 %, dans la déconnexion de la rémunération avec les prix et les volumes. En effet, le protocole d’accord prévoit une troisième étape après 2016 : une rémunération par ordonnance qui serait liée à l’évolution de la prescription électronique.

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L’USPO signe mais en demandait plus

De son côté, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui a signé à son tour le protocole, rappelle, par la voix de son président Gilles Bonnefond, lors de ses vœux à la presse, que « ce texte n’engage pas les signataires sur l’ensemble des sujets. On verra pour chaque avenant ». Revenant sur la décision de l’USPO de signer ce texte, il explique : « Je ne ferme pas la porte à l’intelligence collective, mieux vaut travailler ensemble plutôt que de faire de l’obstination syndicale », tout en présentant des réserves dans une lettre accompagnant sa signature, à commencer par le nouveau plafond des remises sur les génériques. « Si le niveau est insuffisant, je ne signerai pas l’avenant sur la rémunération. » Sur la rémunération, Gilles Bonnefond, schémas à l’appui, considère que c’est une « réforme en trompe-l’œil » qui ne protège pas les officines des politiques de baisse de prix. Au contraire, « on concentre l’augmentation de la marge sur 11 % des spécialités en termes de référence et on baisse la marge sur les médicaments qui représentent 89 % des spécialités, le cœur du métier des pharmaciens ». Pour l’heure, il souligne, à propos du tableau sur la MDL, que l’annexe ne fait qu’envisager de nouveaux paramètres faisant figure d’hypothèse de travail. C’est d’ailleurs un point de désaccord avec Philippe Gaertner, qui annonce qu’ils sont définitifs. « On peut faire beaucoup mieux sans que cela coûte plus et en faisant prendre moins de risques à la profession », maintient Gilles Bonnefond, qui souhaite aussi tenir compte des avis des pharmaciens recueillis par l’USPO. Le syndicat révèle que 1 200 votes ont déjà été comptabilisés le 14 janvier depuis le lancement de la consultation via Internet.

L’UNPF y voit beaucoup d’incertitudes

L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) a refusé de signer au motif qu’elle ne peut s’engager dans une réforme dont les conséquences ne sont pas mesurées. « Les propositions de l’Assurance maladie ne sont ni vérifiées ni modélisées et n’apportent aucune garantie économique pour la profession, expose Michel Caillaud, membre du bureau. Les sommes sur le générique ne sont absolument pas sécurisées puisqu’elles ne sont pas affectées au financement d’honoraires et peuvent donc être remises en cause à l’occasion d’un prochain PLFSS. »

Pour l’heure, Marisol Touraine s’est elle-même réjouie de cette avancée professionnelle, adressant un SMS de félicitation au président de la FSPF à l’issue de la séance de négociations. « L’Assurance maladie ne nous aurait pas soumis ce protocole d’accord si elle n’avait pas été certaine d’avoir les assurances et autorisations de signature de notre ministre de la Santé », souligne-t-il. D’ores et déjà, la FSPF a demandé que les signataires du protocole d’accord soient reçus dans les meilleurs délais par ses services, afin bien sûr que soient rédigés rapidement les textes réglementaires qui permettront de parachever la réforme de la rémunération. « Maintenant, il n’y a plus de temps à perdre », estime Philippe Gaertner. Il souhaite que l’on emboîte vite le pas sur la préparation d’un avenant conventionnel et de l’arrêté de modification de marge, l’arrêté d’application de l’article 49 de la LFSS pour 2014 fixant le montant maximal des remises sur les génériques, les dispositions réglementaires relatives au taux de prise en charge des honoraires de dispensation, les nouveaux paramètres de la marge commerciale appliquée à chaque boîte, y compris pour les médicaments remboursables non prescrits, la détermination du taux de TVA applicable aux honoraires de dispensation. Toutes ces conditions, reprises dans le protocole d’accord, devront être satisfaites pour que l’avenant sur la rémunération puisse être signé, si tout se passe bien, au cours du premier trimestre 2013.

Un gain jusqu’à 4 500 € par officine

La mise en place de la nouvelle rémunération coûtera 42 M€ supportés pour moitié par la CNAM et pour l’autre moitié par les complémentaires santé qui, pour cette raison, ne participent plus aux négociations. « Il y a donc bien un gain pour le réseau, insiste Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Les honoraires de 1 € par boîte sur les produits peu chers comme Doliprane ou Efferalgan favorisent les officines de passage, tandis que ceux pour ordonnance complexe favorisent plus celles de proximité. Le gain de marge pour une officine moyenne est de 1 867 € sur le périmètre des produits présentés au remboursement, mais il peut monter entre 4 000 et 4 500 € avec les produits remboursables non prescrits. » En revanche, 1,9 % des officines verront leur marge fondre de plus de 5 %.

L’USPO mise sur les génériques et les nouvelles missions

Outre la rémunération, le protocole d’accord contient deux autres engagements qui sont aussi importants aux yeux de l’USPO : les génériques et les nouvelles missions. Sur les génériques, l’USPO rappelle son préalable lors de ses vœux à la presse : la publication de l’arrêté fixant le nouveau seuil des remises. « Si ce seuil est proche de 20 %, alors cela n’ira pas. De même si le nouveau taux est publié en fin d’année. Il faut des règles claires pour favoriser le développement des génériques », martèle Gilles Bonnefond. Le syndicat se déclare prêt à signer un nouvel avenant « génériques » pour 2014 qui « doit être négocié dans le premier trimestre et non plus en juin comme l’année dernière ». L’USPO se félicite également des avancées sur la rémunération sur les objectifs de santé publique (ROSP) qui sera renégociée en 2014. « Cela représente 6 000 euros par officine », dit-il. Idem sur l’accompagnement des patients asthmatiques et celui des patients sous traitement substitutif aux opiacés. L’USPO rappelle sa proposition de mettre en place des honoraires forfaitaires pour la dispensation des TSO et des honoraires liés au fractionnement de la dispensation. L.T.