Objets connectés : nouveau marché en pharmacie
Ils sont 15 milliards aujourd’hui et seront 80 milliards en 2020. Ce sont les stars du salon Consumer Electric Show ce mois-ci à Las Vegas. Les objets connectés débarquent dans nos vies et s’immiscent en pharmacie.
Ce n’est plus une fiction : les objets communiquent. Connectés, ils permettent à leur utilisateur de pratiquer ce qu’aux États-Unis on nomme le « quantified-self » (la mesure de données personnelles, leur analyse, puis leur partage via téléphones portables, tablettes, ordinateurs). Grâce aux objets connectés, un grand nombre de mesures médicales comme celle de la tension ou du poids — et bientôt du cholestérol — peuvent désormais être prises chez soi et partagées avec une ou plusieurs personnes. À en croire un sondage Ifop de décembre 2013 en partenariat avec l’Atelier BNP Paribas, 11 % des Français (5 millions) possèdent au moins un objet connecté. Et 12 % n’en ayant pas envisagent d’en acheter un dans les trois prochaines années, doublant ainsi le marché, Après la balance Withings connectée en wi-fi à Internet, une foule d’autres objets sont apparus dans le domaine de la santé : le bracelet fitness traqueur d’activité, la ceinture pour prévenir les risques de lésions vertébrales, la fourchette digitale qui sonne lorsqu’on mange trop vite, la brosse à dents qui optimise et guide le brossage, les chaussettes à fonction de podomètre, ou encore la montre électronique pour retrouver un proche atteint d’Alzheimer. Tous plus étonnants et innovants les uns que les autres, les objets connectés (ou « wearable devices ») seraient déjà au nombre de 15 milliards aujourd’hui selon l’Atelier BNP Paribas, centre de veille des nouvelles technologies. On en attend 80 milliards en 2020… La moitié des consommateurs possédant déjà un outil de ce type l’utilise principalement pour surveiller ou améliorer leur santé. Et 61 % sont favorables à un partage des données recueillies grâce à cet objet, principalement avec un représentant du corps médical. Les Français font donc un lien évident entre objet connecté et santé. Des rayons spécifiques bien-être et santé ont même fait leur apparition pour commercialiser ces objets, comme à la Fnac ou chez Apple.
Comment s’explique le succès de ces outils intelligents ? « Prendre ses mesures est facile. Cela ne demande pas d’effort, observe Alexis Normand, responsable des relations avec les professionnels de santé chez Withings, leader actuel du marché des objets connectés. Par exemple, notre balance connectée est utilisable par huit personnes d’un même foyer et reconnaît automatiquement l’utilisateur. Ces mesures créent une prise de conscience qui permet ensuite d’entrer dans une dynamique de progrès. » Le partage des données avec des tiers, toujours après accord de l’utilisateur, est tout aussi facile. Ces objets intelligents sont-ils un simple effet de mode ? Selon une étude menée par la société Withings auprès de ses utilisateurs français de balances connectées, après un an d’utilisation, 55 % des personnes en surpoids ont perdu du poids de façon durable, et la proportion monte à 67 % pour celles souffrant d’obésité. Les objets connectés sont même un « véritable gain pour la santé publique », selon Alexis Normand, qui note que « les utilisateurs américains de balance connectée perdent 0,7 point d’IMC quand ils sont en surpoids ou obèses. Or un point pris en plus équivaut à 200 dollars de dépense de santé supplémentaire pour la collectivité ».
Conseils en première ligne
Les objets connectés restent toutefois encore peu connus. La faute revient aux professionnels de santé, peu investis dans la diffusion de ces outils de mesure. Seuls 16 % des possesseurs d’objets connectés en ont eu connaissance par leur pharmacie, d’après le sondage Ifop. Pourtant, les professionnels de santé ont un vrai rôle à jouer. « Ce sont des produits qui nécessitent des explications, ce qui manque à la Fnac, commente Alexis Normand, et que pourraient apporter les pharmaciens. Encore plus à l’heure où on leur demande de participer au suivi des maladies chroniques. »
Alors, les pharmaciens doivent-ils saisir l’opportunité ? D’ores et déjà des questions se posent quant au cadre réglementaire de ces produits et au contrôle de la fiabilité des mesures. Autre frein : la disparité des systèmes recueillant et analysant les données peut rendre les consommateurs sceptiques. Les officinaux seraient en tout cas intéressés : « si les groupements sont plutôt dans une position attentistes, les pharmaciens, individuellement, cherchent de nouvelles sources de revenus et ils nous contactent donc car ils nous voient comme un nouveau marché qui revalorise leur rôle de conseil, reprend Alexis Normand. Il est vrai que l’officine a un rôle particulier à jouer auprès des personnes âgées, qui n’ont pas grandi avec un smartphone dans la main ».
La société Omron a anticipé ce mouvement de « patient engagement ». Jusque-là, elle proposait un tensiomètre connectable, via un port USB, à un ordinateur relié à internet à partir duquel on pouvait télécharger un logiciel livré avec le produit. Dès le premier trimestre 2014, exit cette marche à suivre complexe : l’ensemble des produits Omron pourront être connectés directement à une application en ligne gratuite, dénommée « Bi link ». Cette plateforme traitera et analysera les données pour faire apparaître les évolutions avec la possibilité de les envoyer à son médecin ou pharmacien. La société proposera également des produits plus accessibles au grand public, dont un tensiomètre-poignet connectable via NFC (sans contact), puis un impédancemètre et un podomètre wi-fi courant 2014. La société Withings, elle, projette de relier les données collectées par les patients au système de suivi du pharmacien, pour pouvoir lancer des alertes. Et d’aller encore plus loin dans le partenariat avec les officinaux en envisageant d’installer en pharmacie des objets paramétrés, pour de multiples utilisateurs, que les consommateurs pourront utiliser sur place pour ensuite consulter les données chez eux.
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