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A la recherche du temps en surplus

Publié le 8 juillet 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Un salarié souhaite obtenir le paiement des heures supplémentaires qu’il a réalisées. Son employeur fait la sourde oreille pour fournir le relevé de la badgeuse. La Cour de cassation se chargera de remettre les pendules à l’heure.

LES FAITS

 

Le 1er mars 1999, M. I. est engagé comme conducteur de travaux par la société D. Par lettre du 19 octobre 2016, l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 2 novembre suivant. M. I. est finalement licencié par lettre du 23 novembre 2016. Le 21 décembre 2016, il saisit le conseil de prud’hommes pour remettre en cause cette décision et obtenir le paiement d’heures supplémentaires.

LE DÉBAT

 

L’article L.3171-4 du Code du travail dispose que lorsqu’un litige sur l’existence ou le nombre d’heures de travail accomplies oppose le salarié et son employeur, ils se partagent la charge de la preuve. Ce que rappelle régulièrement la jurisprudence, qui a précisé les contours de ce partage. Cette règle ne doit donc pas avoir pour effet de faire supporter au seul salarié l’ensemble de la charge de la preuve. Celui-ci doit présenter a minima « des éléments suffisamment précis ». De son côté, l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les heures effectivement travaillées par le collaborateur. En l’espèce, M. I. demandait le paiement d’heures supplémentaires effectuées sur deux périodes, du 17 octobre 2012 au 19 décembre 2013 et du 20 décembre 2013 au 23 novembre 2016. Il produisait pour cela des relevés de badgeuse provenant de son lieu de travail pour la période du 17 octobre 2012 au 19 décembre 2013. Il soutenait avoir travaillé aux mêmes horaires sur la seconde période, mais il ne produisait aucun relevé faute de réponse de l’employeur à sa demande.

 

Le salarié présente à ce sujet les e-mails et courriers envoyés pour obtenir les relevés et restés sans réponse. Le 8 décembre 2021, la cour d’appel de Lyon (Rhône) condamne la société D à payer la somme de 1 527,12 € brut au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la première période. Les juges retiennent pour la seconde période que M. I. ne présente aucun élément précis susceptible d’être discuté par son employeur. Ils considèrent donc que ce salarié, sur ce point, ne respecte pas la règle de charge de la preuve. M. I. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

 

Le 17 mai 2023, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats rappellent que l’article L.3171-2 du Code du travail impose à l’employeur de suivre le temps de travail des salariés lorsque l’équipe n’est pas occupée dans un service travaillant selon le même horaire collectif. Ils évoquent les règles de preuve et le fait que le juge forme sa conviction au regard des éléments soumis. La Cour de cassation retient que la société D n’avait pas répondu aux demandes de M. I. Ils considèrent alors que les preuves des demandes envoyées par le salarié sont des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre et au juge de former sa conviction. De plus, elle souligne que l’employeur n’a produit aucune pièce sur cette période malgré son obligation de suivre le temps de travail des salariés. Faire la sourde oreille à la demande de pièce du salarié n’est donc pas une technique suffisante pour échapper au paiement des heures supplémentaires.

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À retenir

Le salarié doit apporter des preuves suffisamment précises pour obtenir en justice le paiement de ses heures supplémentaires.

Les demandes de relevés de badgeuse restées sans réponses de la part de l’employeur sont des éléments suffisamment précis pour permettre au salarié d’obtenir le paiement des heures supplémentaires.

L’employeur est obligé de suivre le temps de travail des salariés quand ils ne sont pas soumis à un horaire collectif.

  • Source : Cass. Soc., 17 mai 2023, n° 22-11592.