Entretien « femme enceinte » : à pousser

 « Le fait de devoir aller au-devant des femmes, alors qu’on ne sait pas si elles sont enceintes ou pas, se révèle finalement le moment le plus délicat, constate Lucie Bourdy-Dubois. Certains signaux peuvent alerter. Lorsqu’une femme demande un test d’ovulation ou de grossesse, ou arrive avec une prescription d’acide folique, il ne faut pas hésiter à lui expliquer que le jour où elle sera enceinte, elle pourra bénéficier d’un entretien afin de faire le point sur les risques liés, pour elle et son bébé, à la prise de médicaments et à la consommation de substances telles que l’alcool, les compléments alimentaires, la phytothérapie ou l’aromathérapie. Le plus important étant de le réaliser au tout début de la grossesse car c’est pendant la phase des premiers développements de l’enfant que les médicaments peuvent se révéler les plus dangereux, avec notamment des risques de malformations du fœtus », rappelle la présidente de la commission métier pharmacien de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Le déroulé de l’entretien est lui aussi relativement simple. « Il faut commencer par demander à la femme enceinte si elle prend un traitement chronique, et si oui, lequel ? S’il s’avère incompatible avec la grossesse, il faut lui dire de ne surtout pas arrêter le traitement d’elle-même, et lui conseiller d’aller consulter son médecin, explique Catherine○Hourtiguet, présidente de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) Aquitaine. Il est également nécessaire de lui rappeler que des médicaments comme le valproate ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, kétoprofène, diclofénac, etc.) sont à bannir pendant la grossesse, et que les médicaments déjà prescrits ou achetés en libre accès restés dans l’armoire à pharmacie doivent être utilisés avec prudence. En les incitant à s’adresser à leur pharmacien en cas de doute. L’entretien doit s’achever par un rappel rapide sur l’importance de ne pas boire d’alcool ou fumer pendant la grossesse, et de se faire vacciner contre la grippe et le Covid-19, sans oublier le rappel de la coqueluche au cours du deuxième trimestre de grossesse. »

Négocier un second entretien

La FSPF et l’USPO espèrent pouvoir négocier un second entretien en fin de grossesse afin de préparer le suivi après la naissance. Pour Bruno Maleine, président de la section A (titulaires) du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop), cela aurait effectivement du sens. « Entre la sortie de la maternité et le premier rendez-vous chez le pédiatre, il y a une phase transitoire où le pharmacien pourrait effectivement avoir un rôle à jouer, notamment en matière d’alimentation du nourrisson ». Selon lui, le modèle des entretiens « femme enceinte » devrait d’ailleurs servir d’inspiration pour les nouvelles missions à venir. « S’ils démarrent, a priori, mieux que les autres entretiens pharmaceutiques, c’est probablement parce que ce format de cinq minutes au comptoir est beaucoup plus facile à réaliser. J’invite d’ailleurs mes confrères à se les approprier car c’est en proposant de plus en plus d’entretiens de ce type que nous arriverons à ancrer dans l’esprit des patients que notre cœur de métier n’est pas seulement de délivrer des médicaments, mais que nous les accompagnons à toutes les étapes du parcours de soins », conclut Bruno Maleine.