Trod angine : faire avec la réticence des médecins

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Trod angine : faire avec la réticence des médecins

Publié le 28 juillet 2023
Par Magali Clausener
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Entre des médecins réticents à rédiger des ordonnances conditionnelles et une rémunération faible, la réalisation de Trod angine reste encore marginale en officine.

En 2022, seulement 3 000 pharmacies ont réalisé des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) angine, selon l’Observatoire du suivi de la rémunération officinale. Et au premier quadrimestre 2023, 40 % des officines en auraient fait, soit neuf en moyenne par officine, d’après le Gers Data. Si les chiffres progressent, on est encore loin, très loin du succès.

Peu d’ordonnances conditionnelles

Plusieurs raisons expliquent la faible progression de cette nouvelle mission. « La mise en œuvre des Trod angine a pris du temps, explique Renaud-Nadjahi, président de l’union régionale des professionnels de santé pharmaciens (URPS) Ile-de-France. La pandémie de Covid-19 a retardé son lancement, puisque les pharmaciens n’avaient plus le droit de réaliser ces tests. Ensuite, les officinaux formés avant le Covid-19 ne se sentent peut-être plus très sûrs aujourd’hui pour en réaliser. On constate aussi une espèce de réticence à aller “trifouiller” dans la gorge des patients. Cela ne fait pas partie des habitudes des pharmaciens. » Pour sa part, Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats pharmaceutiques de France (USPO), estime que l’un des freins concerne l’ordonnance conditionnelle : « Nous n’en avons pas ou très peu ». « L’ordonnance conditionnelle, c’est nouveau à la fois pour les pharmaciens et les médecins », tempère Renaud Nadjahi. Côté médecins, l’opinion est plus tranchée : « Cela fait dix ans que les médecins généralistes ont des Trod dans leurs cabinets, nous avons donc l’habitude d’en faire, observe Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France. Il n’y a aucun intérêt pour le médecin de rédiger une ordonnance conditionnelle puisqu’il peut effectuer un Trod angine lors de la consultation sans être rémunéré en plus alors que l’acte est payé pour le pharmacien. Je ne suis donc pas étonné qu’il y ait très peu d’ordonnances conditionnelles. » Si les médecins ont, en 2021, commandé 1,2 million de Trod angine, selon l’Assurance maladie, cette dernière ne dispose d’aucun chiffre sur leur utilisation.

Un acte sous-payé

En revanche, Jean-Christophe Nogrette estime qu’un accès direct en officine est plus légitime. « Je trouve plus logique que ce soit le patient qui demande directement un Trod au pharmacien ou que le pharmacien le lui propose lorsqu’il a la gorge qui gratte et qu’il veut vérifier si c’est une infection bactérienne ou non. Si le résultat est positif, le pharmacien peut alors orienter le patient vers son médecin », précise le praticien. Faut-il encore que l’ensemble des officines en dispose et en propose. Or, cela risque de ne pas être le cas durant un certain temps. Car « la rémunération de l’acte [6 €, matériel inclus, NdlR] n’est pas adéquate », relève Pierre-Olivier-Variot. « Les Trod ne sont pas très bien payés. Une fois que l’on a retiré le coût du test, il ne reste pas grand-chose. Les réaliser, c’est aussi du temps, de la formation, du matériel, de la désinfection », abonde Renaud Nadjahi. Un point que souhaitent d’ailleurs revoir les syndicats avec l’Assurance maladie. Malgré ces freins, le président de l’URPS se veut optimiste : « Un temps d’adaptation est nécessaire. Il faut que les esprits soient préparés. »

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