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© Getty Images
IA : Pourquoi le métier de pharmacien n’est pas menacé
Avec la montée en puissance d’outils nourris à l’Intelligence artificielle (IA) comme ChatGPT, les pharmaciens doivent-ils s’inquiéter pour leur diplôme et leur avenir ? La réponse est non, mais ils doivent apprendre à mieux utiliser ces nouvelles technologies qui impactent en profondeur leur façon d’exercer.
ChatGPT était à deux doigts de réussir l’examen en médecine aux États-Unis ! L’information avait fait le buzz en février dernier lorsqu’une étude publiée dans la revue PLOS Digital Health dévoilait que le chatbot d’OpenAI avait obtenu entre 52 % et 75 % de bonnes réponses à l’United States Medical Licensing Examination (USMLE), l’examen que tout étudiant en médecine américain doit réussir pour devenir médecin, en obtenant un score de 60 %. Du coup, ChatGPT pourrait-il aussi décrocher le diplôme de pharmacien ? « La réponse est non, assure Pierrick Bedouch, professeur de pharmacie clinique et chef du pôle pharmacie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble Alpes. On peut imaginer que des algorithmes d’intelligence artificielle générative auraient la capacité de satisfaire aux évaluations théoriques et pourraient même, grâce à leurs capacités de jugement et de raisonnement, réussir à résoudre certains cas cliniques posés aux étudiants afin d’évaluer leurs compétences. Mais pour être pharmacien, il est nécessaire d’acquérir des compétences pratiques que les étudiants apprennent lors des travaux dirigés, comme injecter un vaccin à un patient ou effectuer une préparation… » Expert en pharmacie chez Synapse Medicine, Maxime Dupouy est sur la même longueur d’ondes. « ChatGPT pourrait effectivement répondre de manière satisfaisante à des tests sous forme de questionnaires à choix multiples (QCM). En revanche, sur des questions ouvertes, en fonction des données à sa disposition, il pourrait aussi bien donner la bonne réponse que se tromper. Sur certains cas cliniques, il pourrait passer à côté de certaines choses qu’un pharmacien, lui, verrait », estime ce pharmacien datascientist. « La vraie question qui est posée avec l’IA [intelligence artificielle, NdlR], est de savoir si nous accepterions d’être soignés par un algorithme qui répond très bien dans 50 % des cas, et très mal dans 50 % des autres. La réponse est bien évidemment non », résume Emmanuel Bilbault, cofondateur et CEO de Posos.
Quand l’IA dépasse l’intelligence de l’homme
Si l’intelligence artificielle ne semble pas en mesure de passer avec succès le diplôme de pharmacien, il y a d’ores et déjà certaines choses qu’elle peut faire à sa place. « ChatGPT est, par exemple, capable de donner des informations à un patient sur les effets indésirables d’un médicament, note Pierrick Bedouch. Demain, ses futures versions seront probablement en capacité de fournir un diagnostic à partir d’une liste de symptômes sur des cas cliniques simples. » « Le recours à l’IA peut aussi être intéressant sur des problématiques de rupture d’approvisionnement de médicaments, ajoute Maxime Dupouy. Un algorithme peut proposer une alternative thérapeutique en tenant compte du profil du patient. Le problème, c’est que l’on ne sait pas sur quelles bases et quelles sources est construite sa recommandation. Il faut donc toujours contrôler sa réponse et ne jamais prendre pour argent comptant ce que dit une IA. Chez Synapse Medicine, nous sommes d’ailleurs en train de développer un copilote, un outil qui utilise l’IA afin de faciliter, sécuriser et faire gagner du temps aux prescripteurs et aux dispensateurs, en formulant par exemple une alternative thérapeutique, en expliquant les raisons de son choix et en se basant sur des sources scientifiques validées. » Keenturtle, l’éditeur de PharmaClass, un logiciel spécialisé dans la sécurisation de la médication, utilise l’IA pour récupérer et croiser les données issues de toute une série de flux : médicaments, prescriptions, biologie, constantes et diagnostics, ainsi que les éléments d’identité et de mouvements des patients. « Une intelligence artificielle peut, en un temps record, récupérer dans de multiples bases de données des informations qu’elle va ensuite croiser pour identifier par exemple un risque d’interaction médicamenteuse, résume François Versini, son fondateur et président. Pour collecter toutes les informations que nos algorithmes récupèrent, il faudrait chaque jour une année de travail à un pharmacien. Sur ce point, l’IA est donc incroyablement plus performante que le cerveau humain. » « Les algorithmes peuvent aussi être utilisés pour automatiser certaines tâches à faible valeur ajoutée : la rédaction d’un courrier à envoyer au patient ou la gestion des stocks », ajoute Maxime Dupouy.
À quoi faut-il s’attendre ?
Chez Posos, l’IA n’est pas mise à contribution pour croiser les données et effectuer l’analyse pharmaceutique. « Ce sont des algorithmes informatiques classiques qui s’en chargent, en analysant en quelques millisecondes plus de 220 sources d’information, précise Emmanuel Bilbault. L’IA nous sert en revanche à structurer les données que l’on trouve dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments et dans de nombreuses bases de données. Grâce à la technologie du Naturel Language Processing, nous arrivons à croiser plus de 20 millions de documents issus de plus de 220 sources médicales avec les données du patient. » Selon François Versini, l’IA pourra demain aller encore beaucoup plus loin. « Grâce au machine learning, les algorithmes seraient capables d’analyser d’énormes volumes de données, et d’en tirer des corrélations ou des éléments qui leur permettront de générer de nouvelles idées, prédit le président de Keenturtle. C’est déjà ce qui se passe en radiologie où les algorithmes, après avoir analysé des centaines de milliers d’images, sont à même de prédire un risque de cancer que l’homme n’aurait pas vu. En pharmacie, les algorithmes pourront donc probablement améliorer un jour la médication d’un patient. »
Les limites de l’IA
Cependant, il y a des choses que les algorithmes ne pourront jamais faire à la place du pharmacien. « Sur l’analyse pharmaceutique d’une ordonnance simple, une IA bien entraînée pourra s’en sortir, explique Maxime Dupouy. En revanche, elle risque de se tromper sur des cas plus complexes. Or, une IA n’avouera jamais ne pas savoir. Elle invente une réponse sortie de nulle part. » Synapse Medicine a testé la capacité d’un algorithme à identifier des effets indésirables à partir du RCP d’un médicament. « Résultat, il se trompait souvent ou en oubliait une partie », déplore Maxime Dupouy. « L’IA peut éclairer ou améliorer une prise de décision, mais elle ne doit surtout pas la prendre, résume Emmanuel Bilbault. C’est d’ailleurs ce que nous faisons chez Posos. Quand nos algorithmes détectent un risque, au lieu de suggérer le médicament le plus approprié pour le remplacer, nous fournissons toujours un ensemble de traitements, en laissant le pharmacien choisir celui qui lui semble le plus adapté. » Pour François Versini, l’IA a un autre talon d’Achille. « Il lui manque les quatre cinquièmes de ce qui constitue la valeur du métier de pharmacien : le côté humain, rappelle le président de Keenturtle. Un algorithme ne saura pas parler à un patient au moment de lui délivrer sa prescription, ni lui donner des conseils, ou faire en sorte qu’il soit observant. Il ne saura pas non plus adapter un traitement en temps réel parce que l’état d’un patient a évolué. »
Des opportunités plus qu’une menace
Tous les experts s’accordent à dire que l’IA ne remplacera jamais les pharmaciens. « Ceux qui pensent que le recours de plus en plus fréquent aux outils digitaux va automatiquement se traduire par une réduction du nombre de pharmaciens se trompent. C’est même tout le contraire qui va se passer ! Avec les outils digitaux à forte valeur ajoutée qui sont en train de voir le jour, les pharmaciens ont une chance historique de s’imposer comme la tour de contrôle de la médication des patients. Et grâce à une vision à 360°des patients, il faudra plus de pharmaciens pour tirer parti de ce nouveau potentiel d’amélioration, au bénéfice à la fois du patient et des finances du système de santé. », affirme François Versini. Pierrick Bedouch prédit, lui aussi, que « l’IA renforcera la relation entre soignants et soignés. Plus on utilisera de technologies, plus le patient aura besoin d’une relation personnalisée avec un pharmacien qui le connaît, qui le suit et qui est capable d’empathie. » Pour François Versini, la montée en puissance des outils IA obligera toutefois les pharmaciens à s’adapter. « Dans ce nouvel écosystème qui est en train de naître, où le pharmacien s’appuiera de plus en plus sur la machine, et où les données de santé seront partagées de manière fluide par tous les professionnels de santé, le pharmacien continuera d’être l’expert du médicament. Mais il créera de la valeur à travers les synergies qui vont émerger de l’écosystème de santé grâce à la digitalisation et aux nouvelles pratiques rendues possibles pour tous les acteurs. Le pharmacien devra interagir de plus en plus avec l’hôpital, la médecine de ville, et les autres disciplines à l’intérieur des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Malgré les doutes et les craintes que l’on peut entendre, au vu des manques d’effectifs, c’est un monde génial qui est en train de s’ouvrir à eux ». Patrick Bedouch exhorte lui aussi les pharmaciens à ne pas avoir peur de l’IA : « Au final, c’est une aide formidable pour une meilleure prise en charge thérapeutique et médicamenteuse des patients. »
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