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Dis-moi qui est la plus belle

Publié le 8 juillet 2006
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Nous avons montré six vitrines d’officine différentes à des professionnels de la communication. Voici leurs avis. Merci à Eric Phélippeau et Alexandre Bruère, de l’agence Duetto (réseau Byagency), et à Dominique Verschelde (Negocia, école de la chambre de commerce et d’industrie de Paris).

1. La vitrine thématique

BYAGENCY

« Coup de coeur pour la démarche éthique du pharmacien. En plus d’être personnalisée, c’est une vitrine ancrée dans la culture de la pharmacie. Rappeler que l’herboristerie est à l’origine de la « Pharmacopée » est un clin d’oeil historique intéressant. Mais l’impact visuel est faible et les textes peu lisibles. La réalisation manque de scénographie et de théâtralisation pour retenir suffisamment l’attention du passant. Même si c’est une vision de la pharmacie du passé, elle mériterait d’être replacée dans une perspective contemporaine, moins « poussiéreuse ». »

NEGOCIA

« La thématique exposée donne une image très professionnelle, mais le résultat esthétique est triste. C’est une vision passéiste de la pharmacie, mais il faut quand même donner de la vie à la vitrine. Les produits sont éparpillés. Au contraire, il faudrait les condenser et les serrer. Les textes sont peu lisibles. Mieux vaut en dire moins mais mieux. Quelques accroches avec des mots forts et une ligne graphique dynamique suffiraient à capter l’attention. »

2. La vitrine multimédia

BYAGENCY

« Cette vitrine se tourne résolument vers l’avenir en utilisant des technologies innovantes. L’attraction est bonne car on est dans une communication en mouvement. Mais la mise en scène est un peu pauvre. De plus, la signalétique « homéopathie » n’est pas cohérente avec le message de l’écran. Le résultat est assez confus. Pour éviter cet écueil, il faut organiser l’environnement. Ce pan de vitrine est un lieu d’information, alors autant l’afficher avec une accroche forte, comme par exemple « Votre pharmacien vous donne un rendez-vous santé ». C’est aussi un bon moyen de sacraliser l’espace où est placé l’écran. »

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NEGOCIA

L’écran multimédia en vitrine est un concept intéressant, à condition de le gérer avec une régularité sans faille. Sinon, la communication devient vite obsolète. Comme pour Internet, cet outil exige une mise à jour permanente. Pour renforcer l’idée du message véhiculé par l’écran, on pourrait conseiller à ce pharmacien de faire une vitrine buccodentaire. Reste que si l’écran diffuse de multiples messages sans fil conducteur, il est alors difficile d’organiser la vitrine autour de lui. Les écrans trouvent sans doute mieux leur place à l’intérieur du point de vente plutôt qu’en vitrine. »

3. La vitrine produits

BYAGENCY

« L’objectif est affiché sans détours : vendre. La vitrine parle de prix et de produits. Et pourquoi pas ? Les clients sont aussi dans une quête du meilleur prix. La présentation par lots suggère une vente promotionnelle. Le message est clair, mais la vitrine manque d’organisation. Pour acheter, il faut que le consommateur se repère vite. C’est une problématique de merchandising qui se retrouve également dans la vitrine produits. Elle doit être bien balisée. Faciliter l’accès de la vitrine permet d’avoir plus d’impact. Une suggestion serait de créer des supports dans lesquels les marques viendraient se figer. C’est ce que pratique avec succès l’enseigne Euro Santé Beauté. »

NEGOCIA

« C’est la foire aux bonnes affaires ! On trouve dans cette vitrine plus de 10 familles de produits et pas moins de 64 marques. Ce pharmacien souhaite se démarquer par les prix plus que par le conseil. Cette démarche fonctionne uniquement avec des clients déjà consommateurs de la marque. Esthétiquement, les étiquettes de prix sont claires et il y a une unité. En revanche, le repérage des produits est difficile. La présentation linéaire n’est pas adaptée. Mieux vaut opter pour une présentation verticale, avec une descente de haut en bas. »

4. La vitrine maison

BYAGENCY

« Une bonne note sur la volonté, mais la réalisation manque de panache. Cette vitrine donne une image scolaire. Elle manque de relief, d’organisation et donc d’impact. Pour partager un message de santé publique avec des non-spécialistes, il faut être clair dans ce que l’on a à dire. La lisibilité et la hiérarchie des informations sont deux impératifs. Ensuite, chaque détail doit être travaillé, car il faut capter l’attention. L’idée est bonne car ce pharmacien se sert de sa vitrine pour promouvoir une campagne de communication. Il a mis du coeur dans sa vitrine. Mais, étalagiste, c’est un métier… »

NEGOCIA

« La démarche est très positive. Le pharmacien a pris le temps de s’occuper d’un problème de ses clients. Le résultat est artisanal, mais c’est propre, net, sans erreur flagrante. Il manque juste un peu de technique d’étalage. Il faut d’abord casser la monotonie en alternant les hauteurs de présentation des informations. Une simple réorganisation des panneaux suffirait. L’affiche « Le parcours du coeur » n’a pas sa place dans la vitrine. Elle casse l’équilibre chromatique (rouge et bleu). Pour donner du relief, on peut aussi jouer avec les couleurs, par exemple avec un fond vertical blanc et une base rouge, et, pour une finition impeccable, le bleu des panneaux doit être raccord avec celui de l’affiche centrale. »

5. Le covering

BYAGENCY

« Pour les marques, c’est un système d’affichage extraordinaire. En plus de l’impact fort (affiche 4 m x 3 m), la marque est associée à la caution du pharmacien. Mais attention à ne pas saturer le consommateur. Prendre mieux la parole, oui ! Prendre toute la parole, non ! Pour rester crédible, le covering doit être dosé. En plus d’être assommant, un covering total pourrait faire croire que la pharmacie est fermée pour travaux. L’autre danger pour le pharmacien est de devenir un support publicitaire. Cette technique d’affichage gomme toute aspérité conseil. Or, le pharmacien doit rester dans la préconisation de produits. Le consommateur qui entre dans une pharmacie veut être un patient et ne recherche pas forcément l’image d’une jolie fille alanguie sur une plage ! »

NEGOCIA

« Difficile de ne pas remarquer cette affiche et donc la vitrine ! Le covering donne une image propre et professionnelle. L’impact aurait pu être encore plus fort si la vitrine de côté avait repris l’offre produits : une descente de soins solaires et, à hauteur des yeux, une composition avec des boîtes d’Innéov. Ce ressort de présentation permet de communiquer sur une affiche et sur une proposition de produits. Pour ne pas parasiter l’image de la pharmacie, le covering doit être court dans le temps (une semaine, c’est suffisant) et le pharmacien mettra en place une offre promotionnelle pendant cette période. »

6. La vitrine design

BYAGENCY

« Elle est très esthétisante. Chaque scène est parfaitement gérée, chaque objet est à sa place. Tout est travaillé : l’éclairage, les matériaux, les accessoires, la mise en scène. La vitrine évoque la beauté et la santé en jouant sur des codes pharmaceutiques avec les pots à pharmacie. La couleur noire de la devanture crée un appel visuel. Il y a un contraste d’éléments chauds et froids. L’architecture est sobre, dépouillée, froide. Et l’éclairage jaune vient réchauffer l’atmosphère de la façade. La séduction opère. On a envie de se rapprocher de cette vitrine. »

NEGOCIA

« C’est une vitrine qui fonctionne. Elle est claire, les messages sont compartimentés dans des univers esthétiques distincts. Les matériaux naturels et les reliefs montrent une volonté de mise en scène. Cela paraît simple, mais c’est étudié et efficace. L’espace dédié aux pots à pharmacie pourrait être amélioré en utilisant d’autres accessoires qui rappellent encore d’avantage l’univers officinal. Quant à la balance, elle gagnerait à être légèrement surélevée afin d’être placée au niveau de la ligne d’efficacité. »

Trois questions à Michel Duneau, professeur de droit et économie pharmaceutique à la faculté de pharmacie de Paris-V

Comment le pharmacien peut-il utiliser sa vitrine pour solliciter la clientèle sans contrevenir aux dispositions du code de déontologie ?

En tant que commerçant, le pharmacien est confronté à la concurrence. Elle se joue souvent sur le terrain des prix et des promotions. Mais le pharmacien est par ailleurs soumis également aux dispositions plus restreintes du code de déontologie. La Cour de justice des Communautés européennes a d’ailleurs reconnu que des dispositions déontologiques peuvent brider les règles de la concurrence.

Quelles sont les sanctions en cas d’infraction à l’article R. 4235-59 du code de déontologie ?

Elles sont variables et dépendent de l’approche que peut avoir sur la publicité et la concurrence tel ou tel conseil régional, et selon que les poursuites sont exercées par le président de ce conseil – qui est le garant de l’intérêt général de la profession – ou par un pharmacien victime d’une concurrence qu’il trouve personnellement abusive. Les sanctions prononcées sont d’ordre disciplinaire. Elles comportent rarement une interdiction d’exercer et se limitent donc la plupart du temps à l’avertissement ou au blâme.

Quels sont les produits et accessoires que le pharmacien peut exposer en vitrine ?

La liste des produits que le pharmacien peut mettre en vitrine est différente selon qu’il les présente à la vente (avec les conséquences que cela comporte quant à l’information sur les prix) ou selon qu’il s’agit de composer une vitrine. Dans le premier cas, sont concernées les marchandises visées par l’arrêté du 15 février 2002 (qui a été modifié par l’arrêté du 30 avril 2002) qui fixe une liste limitative*. Dans le second cas, la marge de manoeuvre du pharmacien est beaucoup plus grande.

* Par exemple, on ne peut pas présenter certains produits comme des médicaments vignetés, des appareils de massage, des rasoirs, des produits alimentaires divers…

En conformité avec la dignité de la profession

Imagination, créativité et originalité sont de mise pour attirer l’attention. Toutes les fantaisies ne sont pas pour autant permises, ni les accroches tapageuses !

La présentation des vitrines est réglementée par l’article R. 4235-59 du code de déontologie, en vertu duquel :

« Les vitrines des officines et les emplacements aménagés pour être visibles de l’extérieur ne peuvent servir à présenter que les activités dont l’exercice en pharmacie est licite. » ;

« Les vitrines ne sauraient être utilisées aux fins de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession. »

Reste à savoir ce qu’il faut comprendre par là. Pour éviter des dérives, le conseil régional de l’ordre des pharmaciens du Languedoc-Roussillon propose un code de bonne conduite et rappelle qu’il y a lieu d’observer tact et mesure dans les vitrines. Ce code de bonne conduite n’a cependant pas de valeur impérative puisqu’un conseil régional de l’Ordre n’est pas compétent pour prendre des mesures réglementaires. « Ce sont des recommandations et un avertissement que nous adressons aux pharmaciens de notre région. Nous préférons prévenir avant de sanctionner », précise Alain Salvat, président du conseil régional de l’Ordre du Languedoc-Roussillon.

Tout abus est interprété comme contraire à la dignité de la profession :

– sur la forme : toute utilisation de plus de 5 % environ de la surface d’une vitrine à des fins purement mercantiles ; toute utilisation de lettres gigantesques ou de panneaux lumineux ou tout autre moyen publicitaire insistant sur des prix, des promotions ou des rabais dans des proportions indignes de la profession ;

– sur le contenu : l’agressivité de certains messages qui sollicitent la clientèle comme « prix bas permanents » ou « prix cassés ».