Nouvelles missions : combien rapportent-elles ? 

© Getty Images

Stratégie et Gestion Réservé aux abonnés

Nouvelles missions : combien rapportent-elles ? 

Publié le 10 août 2023 | modifié le 18 décembre 2024
Par Magali Clausener
Mettre en favori

Les pharmaciens sont incités à mettre en œuvre les nouvelles missions. Mais combien rapportent-elles ? Pour l’instant, peu sauf si le pharmacien enchaîne entretiens et vaccinations. Pour autant, elles se déploient. Surtout, elles marquent un changement structurant pour la profession.

La pandémie de Covid-19 étant terminée, les pharmaciens s’emparent peu à peu des nouvelles missions conventionnelles depuis 2022. Cela dit, le déploiement au sein du réseau officinal est très lent. Et cette lenteur implique une rémunération globale faible. A moins que ce ne soit l’inverse. Ainsi, en mars 2022, selon l’Observatoire économique de la pharmacie, sur le premier trimestre, les entretiens pour les patients sous anticoagulants oraux directs avaient rapporté au réseau, depuis le début de l’année, 60 000 € (0 €○pour les entretiens pour patients sous antivitamines K !), les entretiens asthme 30 000 €, les entretiens « chimiothérapie orale » 20 000 € et les bilans partagés de médication (BPM) 120 000 €. Des chiffres qui sont loin d’être comparables avec d’autres nouvelles missions. Sur la même période, les tests antigéniques ont en effet correspondu à 814 M€, la vaccination contre le Covid-19 à 47 M€ et celle contre la grippe à 7,03 M€ entre octobre et janvier. Selon certains observateurs, les nouvelles missions représenteraient à peine 1 % du chiffre d’affaires des pharmacies. « Sur le plan microéconomique, l’impact des nouvelles missions est très accessoire et ne nous a pas marqués dans les chiffres des pharmacies que nous suivons », commente Olivier Delétoille, expert-comptable et commissaire aux comptes, cocréateur du cabinet AdequA.

Une mise en place inégale des nouvelles missions

Cette part va-t-elle augmenter en 2023 ? Ce n’est pas certain même si de nouvelles missions se sont ajoutées avec la convention signée le 9 mars 2022 telles que le dépistage du cancer colorectal, l’entretien de la femme enceinte et la vaccination de rappel pour les adultes. De janvier à avril 2023, selon les données du GIE Gers, 77 % des officines ont remis un kit de dépistage du cancer colorectal (24 en moyenne par officine), 77 % aussi ont administré un vaccin (antigrippal, contre le Covid-19, autres), soit 19 injections en moyenne par pharmacie, 40 % ont effectué un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) angine (nombre moyen : 9), 17 % ont mené une téléconsultation (nombre moyen : 63), 11 % ont réalisé un entretien pour la femme enceinte (nombre moyen : 4) et 6 % ont conduit un entretien pharmaceutique et/ou un BPM (nombre moyen : 10). Il n’en demeure pas moins que le nombre d’officines réalisant certains services reste très peu élevé. « Les officines mettent d’abord en œuvre les missions qui nécessitent le moins de préparation possible comme la vaccination, les Trod et le kit de dépistage du cancer colorectal, observe David Syr, directeur général adjoint de Gers Data. Ensuite, certaines missions comme le BPM induisent un paiement différé. Il y a alors une hronisation entre le moment où le pharmacien fait et investit et celui où il est rémunéré. » En outre, certaines missions sont sous-payées de l’aveu même des syndicats, comme le Trod angine. Selon certains pharmaciens, la mise en œuvre des nouvelles missions a aussi souffert d’un manque d’accompagnement, notamment dans les pratiques officinales. « Je reconnais que nous, les syndicats, avons commis une erreur, a d’ailleurs déclaré Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), lors d’un débat sur les nouvelles missions et leur retour sur investissement, organisé par Le Moniteur des pharmacies le 11 mai 2023 à Paris. Nous avons fait des BPM quelque chose de très pharmacologique, presque de l’étude d’ordonnance comme le font les étudiants de 6e année. Le BPM, c’est le patient qui nous raconte sa vie avec son traitement. Cela change complètement le paradigme. C’est ce qui est efficace en matière d’observance. » De même, les entretiens pharmaceutiques mériteraient aussi d’être simplifiés. Quant aux rémunérations liées aux nouvelles missions, les syndicats espèrent bien les revoir à la hausse lors de la prochaine négociation de l’avenant économique à la rentrée. D’autant que, finalement, compte tenu du nombre peu élevé d’entretiens pharmaceutiques et de BPM, l’enveloppe financière prévue par la convention est loin d’avoir été complètement distribuée.

Faut-il alors se jeter à corps perdu dans les nouvelles missions ? Malgré les freins et réticences de certains, la réponse est unanime : il le faut. « La vaccination contre le Covid-19 est le point de départ du changement de paradigme. Le pharmacien est devenu l’animateur territorial et social de santé. C’est une révolution radicale qui arrive dans un contexte où tous les voyants sont au vert », estime David Syr. Et si, pour l’heure, les nouvelles missions rapportent peu financièrement, elles peuvent rapporter beaucoup en matière d’évolution des pratiques, d’attractivité du métier et de légitimité auprès des patients. Ce qui, au fond, n’a pas de prix.

Publicité