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Un rapport pour préparer les esprits

Publié le 6 janvier 2007
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Les médias se sont fait l’écho, au lendemain de Noël, de fuites concernant le rapport sur l’automédication (1) qui doit être remis en février au ministre de la Santé Xavier Bertrand. En se focalisant le plus souvent sur l’idée de déremboursement. A la lecture de ce rapport, il faut bien dire qu’aucune idée réellement nouvelle ne se fait jour. Mais le monopole est réaffirmé.

Evidemment, les réactions au rapport d’Alain Coulomb (2) et Alain Baumelou se sont focalisées sur l’idée d’en finir avec « la coexistence de médicaments similaires [à la fois sous un statut de remboursable et de non-remboursable], dans des indications identiques et des dosages identiques ou proches ». Cette problématique, on le sait, est que « l’immense majorité des produits de prescription médicale facultative est remboursable (75 % en valeur) alors que de nombreux pays assimilent totalement ou largement produits de prescription médicale facultative et médicaments non remboursables ».

1. Remboursement : tout ou rien.

A partir de ce constat, le rapport évoque un déremboursement par classes pour les médicaments ne nécessitant pas forcément un avis médical et concernant des pathologies bénignes. Le Pr Baumelou notait ainsi le 28 décembre, dans Libération, que l’on pouvait « l’envisager [le déremboursement des classes thérapeutiques, NdlR] pour les produits contre le rhume ou la constipation par exemple ». Pas pour les antalgiques, dans un premier temps, « car ce serait mal perçu ». Et l’opération devrait être progressive. De façon aussi à surveiller d’éventuels transferts de prescription. La réelle nouveauté serait de dérembourser sans justifier cette décision par un SMR insuffisant, le rapport mettant en avant la notion de médicament « non prioritaire » plutôt que de « service médical rendu insuffisant », afin de moins hypothéquer l’avenir des produits déremboursés.

2. Délistages par classe.

« La cohérence politique de mise sur liste et de délistage devra être affirmée en adoptant notamment une réflexion par classe pharmacologique ou thérapeutique », peut-on également lire. Le rapport préconise par ailleurs que l’on facilite le délistage de molécules innovantes, « un élément central du développement et de la crédibilité de l’automédication » qui « permettrait le développement du conseil par le pharmacien ». Il est vrai que l’on a souvent entendu les pharmaciens se plaindre de l’efficacité relative de l’arsenal thérapeutique à leur disposition dans ce domaine.

3. Pas touche au monopole !

On se doute que les représentants professionnels avaient à coeur de défendre cette garantie au sein du groupe de travail, face à ce qui est en train de se passer en Italie, au Portugal… Bonne nouvelle : il semble qu’il y ait eu unanimité (y compris chez les représentants de consommateurs) sur la nécessité de maintenir la vente de l’automédication en pharmacie. Le rapport le mentionne noir sur blanc.

4. L’OTC avance à pas de loup.

« L’accès à ces médicaments devra être facilité par le pharmacien d’officine en aménageant, le cas échéant, un espace de conseil », notent les auteurs, qui vont cependant plus loin en préconisant « des expérimentations encadrées d’accès direct dans les pharmacies ». Autrement dit, la naissance de l’OTC (« over the counter ») dans notre pays.

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5. Information à tous les étages.

Médecins et pharmaciens doivent disposer d’une base de données informatique de tous les produit d’automédication pour jouer leur rôle et prévenir l’iatrogénie, précise-t-on. De son côté, le dossier pharmaceutique, porté par l’Ordre, devrait comprendre tous les médicaments consommés sans exception, si on lit bien. « Médecins et pharmaciens devront s’enquérir systématiquement de tous les traitements du patient, prescrits ou non. »

Côté consommateur, « des fiches d’information et des référentiels de prise en charge de certains troubles ou pathologies à destination des patients devront être élaborés ». Mais toujours en partant de la symptomatologie et non des produits !

Des notices adaptées et plus lisibles sont préconisées. Le rapport prône l’usage de la DC comme garant de la sécurité (à noter que les industriels ont défendu la marque pour les mêmes raisons…).

Gros débat en revanche sur les marques ombrelles, dénoncées par les professionnels de santé et instances de sécurité sanitaires, sans pour autant que des problèmes en aient jusque-là découlé.

6. Prix : la prudence.

Aucune préconisation formelle n’est donnée sur les prix. Mais les auteurs font le traditionnel constat de leur explosion lors d’un passage en automédication (+ 400 % dans l’exemple sélectionné) et d’écarts de prix spectaculaires d’une officine à l’autre. Il cite des remises d’un montant « de 15 à 40 %, voire davantage ». Rappelons que Xavier Bertrand a annoncé vouloir utiliser les mois précédant les élections pour trouver des accords de modération de prix avec les industriels. Hors de question cependant de mettre en place un « corridor de prix » qui serait « contraire au droit communautaire ».

Le pharmacien doit-il craindre de telles mesures (on repense à la guerre des prix sur la para) ? Peut-être a-t-il au contraire ici une carte à jouer. Mais le développement de l’automédication ne se fera pas sans une amélioration du conseil du pharmacien, insistent les rapporteurs à l’intention du ministre. Par « l’optimisation au cours des études de l’enseignement de la pharmacie clinique », « des actions de formation continue dans les domaines thérapeutiques reconnus comme relevant de l’automédication » et « la mise en place éventuelle d’actions ciblées dans des grands domaines de santé publique » (comme la formation sur le sevrage tabagique). Rien d’insurmontable.

(1) Le rapport ne traite que des produits à prescription facultative et non de l’« armoire à pharmacie ». Les représentants de l’officine ont participé au groupe de travail. Les associations de malades en ont très vite claqué la porte.

(2) Respectivement ex-directeur de la Haute Autorité de santé et président du groupe de travail sur l’automédication de l’Afssaps.

A retenir

Les produits contre le rhume et la constipation sont des candidats potentiels à un déremboursement par classe.

Un accès libre aux médicaments conseil est préconisé dans le cas d’expérimentations encadrées dans les pharmacies.

Le monopole sur la vente de produits d’automédication en pharmacie n’est pas remis en question par le rapport.

Xavier Bertrand ministre voltigeur

A la publication d’informations dans la presse sur le rapport Coulomb, Xavier Bertrand est rapidement monté au feu pour affirmer sur France Info, le 28 décembre, que sa volonté de développer l’automédication n’était pas liée à des soucis d’économies (dans le même temps, l’AFIPA communiquait dans la presse sur le fait que le passage de 5 % des médicaments prescrits en automédication rapporterait 2,5 milliards d’économies…). Reste qu’« optimiser les ressources collectives » figurait bien parmi les objectifs lors de la mise en place du groupe de travail sur l’automédication en juillet.

Bref. Le ministre a expliqué sur les ondes vouloir « éviter les interactions médicamenteuses », « en finir » avec les « 128 000 hospitalisations » annuelles qui y sont liées. Et « plus d’information et de conseil pour le patient », cela implique de « forcément passer par le pharmacien ». Et de préciser cependant qu’il ne voulait plus « que les prix explosent » lors du passage en automédication, d’où la nécessité d’une « clarification en la matière ».

A entendre ces propos et à la lecture du rapport, on se demande bien ce qu’apportera ce dernier au ministre. Du moins aura-t-on ainsi préparé l’opinion et impliqué tous les acteurs dans les décisions qui seront prises.