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L’Académie dit non au libre accès
Le ministre de la Santé était sur le point de rendre ses conclusions concernant le rapport Coulomb sur l’automédication. L’Académie de pharmacie lui a brûlé la politesse. Pour elle, pas de doute, le pharmacien est seul compétent pour la dispensation de ces médicaments. Arguments.
Toute modification des conditions de dispensation, en particulier l’hypothèse d’un libre accès des consommateurs au médicament, constituerait une imprudence préjudiciable à la santé publique, compte tenu des habitudes instaurées de longue date dans notre pays. »
On peut difficilement faire plus clair. L’Académie de pharmacie n’a pu taire plus longtemps son point de vue sur l’automédication. Saluant par là même la sagesse du dispositif législatif et réglementaire en vigueur, garantie de sécurité. Car, pour l’Académie, il n’y a pas plus de petit médicament que de prise de médicament sans risque. Le rôle du pharmacien est donc indispensable pour la maîtrise desdits risques et pour la validation – ou non – de la demande du consommateur.
Qu’on reconnaisse enfin le rôle de prescripteur au pharmacien qui choisit une thérapeutique, prône l’Académie dans la foulée. Ce choix étant effectué sous sa seule et unique responsabilité, en avisant au besoin le malade de la nécessité d’une consultation médicale. Car il faut lui consacrer du temps, « dans la discrétion que requiert le secret professionnel », pour éviter par exemple les risques iatrogéniques. Dès lors, il est primordial que les délivrances de médicaments sans prescription médicale, pudiquement appelés « de prescription médicale facultative », figurent dans le dossier médical personnel – que l’Académie salue -, puisqu’il n’est pas rare que des demandes successives soient faites par une même personne dans des pharmacies différentes.
On ne se sert pas tout seul
L’Académie s’oppose donc catégoriquement à toute modification de l’article R. 4235-55 du Code de la santé publique qui permettrait l’accès à des produits avec AMM en libre-service, même sur le comptoir. Point final. Cet avis est pourtant loin d’être partagé par l’ensemble de la profession ! Pour preuve, la décision de PHR (voir ci-contre) et celle de Pharmodel qui teste actuellement et jusqu’en mai le concept d’« OTC en libre accès » dans 20 pharmacies, avant de l’étendre aux 400 adhérentes au réseau (voir p. 58). Enfin, « l’officine n’est pas un lieu dans lequel une publicité peut être diffusée sur des écrans pour permettre au patient d’effectuer des choix entre diverses classes », juge l’Académie. Déjà que la confusion guette avec les compléments alimentaires… « Les consommateurs perdent leurs repères. […] Cette arrivée en force des compléments alimentaires crée un certain désordre (la badiane reste interdite d’usage en pharmacie, mais se retrouve en libre usage alimentaire), sans qu’aucun contrôle pharmaceutique ne soit exercé sur ces produits », peut-on lire dans le rapport.
Les devoirs du pharmacien d’officine en matière de pharmacovigilance sont les mêmes pour tous les médicaments, qu’ils soient ou non sur prescription obligatoire, rappelle encore l’Académie. Conclusion : « une formation spécifique à la pharmacovigilance doit être exigée pendant la formation initiale et maintenue en formation continue, ainsi qu’une formation plus spécifique pour les médicaments destinés à l’automédication ». A charge pour l’industrie d’y participer. Mais pas à n’importe quel prix : en fournissant des informations scientifiques concernant leurs spécialités.
L’Académie est en revanche étonnamment frileuse sur l’offre en médicaments conseil. « Il ne peut pas y avoir de molécules innovantes en automédication. La simple innovation en matière de recherche et de développement se limite à promouvoir de nouvelles formulations ou de nouvelles pharmacotechnies pour disposer de spécialités actualisées. » Un bien maigre dépoussiérage.
Promouvoir le « service thérapeutique rendu »
Qualifier un SMR d’« insuffisant » est, on le sait, désastreux pour le développement des médicaments de prescription facultative. L’Académie juge donc le terme de « service thérapeutique rendu » plus exact. En marge de ce débat sémantique, la revue Prescrire considère que, pour garantir une automédication au bénéfice des patients, la première mesure à prendre est de retirer du marché les produits dont la balance bénéfices-risques n’est pas favorable. Elle va même plus loin en suggérant une « démédicamentation » des patients et des professionnels. Car, pour Prescrire, les médicaments ne sont pas la réponse à tout : « Ils sont parfois nécessaires, souvent inutiles, voire néfastes. » Dont acte.
réaction Claude Japhet, président de l’UNPF
Concernant d’éventuelles attaques contre le monopole sur le non-remboursable, nous serions plus sereins si nous avions la population avec nous. Mais pour cela il faudrait une totale transparence de prix et de conseil. Or il y a actuellement une réticence face à nos choix. Quand vous avez deux produits « jour et nuit », le consommateur-patient attend désormais que nous lui donnions le choix, qu’il puisse comparer les prix. D’où la notion novatrice de « conseil accompagné » : « le patient ne remet pas en cause mon conseil mais je l’accompagne devant le comptoir, je lui permets de toucher les produits. Ce n’est plus le pharmacien qui apporte unilatéralement le produit de derrière son comptoir.
à noter 25 % des Français prêts à acheter hors pharmacie
Un sondage CSA, réalisé pour la Mutualité française, montre qu’un quart et même 35 % de ceux ayant régulièrement recours à l’automédication feraient sans problème leurs emplettes de médicaments ailleurs qu’en pharmacie si cela leur était possible. 62 % de la population a déjà eu recours à l’automédication.
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