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La santé déprogrammée
Difficile pour la santé de se trouver une place dans le débat présidentiel ! Le sujet est soit trop technique, soit trop sensible. Il est impossible de ne fâcher personne. Surtout dans un contexte de maîtrise des dépenses qui tient de la quadrature du cercle.
La santé et l’assurance maladie constituent un domaine où, paradoxalement, il y aurait plus matière à promettre de la sueur (à défaut de larmes) que monts et merveilles. Bref, on est loin du sujet de campagne idéal. « Les programmes des candidats des principaux partis ne contiennent aucune grande idée sur la santé », a ainsi noté Christian Saout, président de la Conférence nationale de santé, laquelle devait établir lors de sa première réunion plénière, le 22 mars, un avis destiné à interpeller les candidats. Il faut dire que les Français, dans un sondage BVA réalisé en décembre, ont ici rendu un sérieux service aux candidats en plaçant l’assurance maladie seulement au huitième rang de leurs priorités. Alors, les équipes de campagne n’ont été guère offensives sur ce terrain qui peut devenir si glissant et les programmes de santé restent assez flous et incomplets.
Sarkozy ou le ticket modérateur devenu franchise
En la matière, la proposition de Nicolas Sarkozy de franchise annuelle non remboursable sur les consultations médicales et examens biologiques (au montant variable selon l’état des comptes) est l’une des plus commentées de la campagne. « Une rupture dans le dispositif de remboursement des soins en France », affirme-t-il. Même si cette idée n’est pas neuve, puisqu’elle avait été évoquée lors de la réforme de l’assurance maladie en 2004. Mais le projet paraît de moins en moins « ambitieux » : de 50-100 euros par an et par personne (ou par famille !), lors de l’annonce, Nicolas Sarkozy est repassé à 15-25 euros pour ne parler maintenant que d’une franchise de « quelques euros » (5 à 10)… Ce qui revient peu ou prou à un système de ticket modérateur, comme aujourd’hui. Pour le candidat UMP, « cette formule [me] semble infiniment plus utile que l’augmentation de la CSG, qui n’a aucune vertu pédagogique et pèse sur les prélèvements obligatoires ».
Sur le fond, les observateurs relèvent aussi qu’elle irait à l’encontre de l’idée de développer la prévention via le système de santé en dissuadant les gens de consulter en première intention. A l’autre bout de la chaîne de financement, Nicolas Sarkozy préconise de renforcer les aides à l’acquisition d’une mutuelle. A noter que le candidat UMP a évoqué en 2006 l’idée de financer intégralement l’assurance maladie par l’impôt, même si cela n’est pas apparu dans sa campagne.
Aux médecins, Nicolas Sarkozy promet un espace de liberté tarifaire ainsi que l’alignement de la consultation des généralistes sur celle des spécialistes. Il préconise de leur rémunérer des missions de prévention, d’éducation à la santé et de dépistage précoce (en triplant le budget prévention). Il souhaite encourager des cabinet regroupant médecins et paramédicaux.
Côté hôpital, le candidat UMP veut élargir la mission des hôpitaux de proximité afin d’éviter leur fermeture
Que pense le « pourfendeur des dépenses publiques » du déficit de la Sécurité sociale ? Il fustige « l’accumulation des déficits » ainsi que les « abus et gaspillage » qui « compromettent la pérennité financière du système de santé »… mais « ne pense pas qu’il y ait matière à beaucoup d’économies dans la santé ». Du moins Nicolas Sarkozy pourra-t-il bénéficier de l’expérience de son porte-parole Xavier Bertrand…
Enfin, le candidat UMP souhaite remplacer la carte Vitale par « une véritable carte de crédit santé assortie de tous les dispositifs de sécurité nécessaires ».
Royal veut des états généraux de la santé
Seuls deux débats participatifs du PS ont formellement abordé la santé (à noter la présence de Didier Tabuteau, ex-directeur adjoint de cabinet de Martine Aubry, bien connu des pharmaciens pour avoir été leur interlocuteur – plutôt apprécié – en 1998). Ségolène Royal prévoit des états généraux de la santé afin de « voir comment on peut compléter l’hôpital et la médecine de ville ». Une manière habile de mettre le sujet au premier plan… tout en le remettant à plus tard.
Pour l’instant, elle estime que l’égalité d’accès aux soins « recule en milieu rural et dans les quartiers populaires en ville où il n’y a plus de médecins ». D’où la première de ses annonces tangibles : créer une nouvelle génération de dispensaires dans les zones sous-médicalisées (le PS annonçait 500 de ces « maisons médicales »). Parmi les autres éléments figurant également dans le projet du PS, la gratuité du système de santé pour les jeunes de moins de 16 ans et la création d’une carte santé jeune pour les 16-25 ans donnant « droit à la gratuité d’une consultation par un médecin généraliste référent, avec accès à des actes de prévention et des soins adaptés », la gratuité des prescriptions faites à l’occasion, des vaccinations et une série de consultations de spécialistes (ophtalmo, dentiste, ORL, dermatologue), une consultation diététique, un sevrage tabagique ou des addictions, la gratuité de la contraception.
« C’est par la prévention que nous ferons le plus d’économies », affirme Ségolène Royal. D’ores et déjà annoncée, « une politique de lutte contre l’obésité fondée sur une détection précoce et des actions sur la qualité de l’alimentation ». Côté professionnels de santé, la candidate a évoqué un complément de rémunération de type forfaitaire pour la participation à des actions de prévention ou de santé publique. La délégation de compétences de la part du médecin est aussi une idée évoquée en débat participatif.
Pour la candidate socialiste, le financement de l’hôpital public est une priorité, « une part importante des dépenses de santé » prévues dans son pacte présidentiel étant destinée à l’hôpital.
A noter que, lors d’un colloque organisé par la Collectif interassociatif pour la santé (associations de patients), Didier Tabuteau vient de proposer l’élaboration d’une loi sur les droits sociaux des malades : informer sur la qualité du système de santé (publication des résultats d’évaluation des soins), démocratiser l’accès aux soins et à la prévention, établir le principe minimal de la permanence des soins, notamment, par la loi et non plus par la négociation conventionnelle ; « le principe de la plus stricte économie pourrait être explicitement étendu aux assurés ».
Bayrou a déjà sondé la profession
François a Bayrou a fait du « mal-être » des professionnels de santé l’un de ses sujets de préoccupation, car « il faut regarder la politique de santé non pas comme une charge, une contrainte trop lourde, mais comme une chance, un secteur de pointe », dans lequel il s’agit d’investir et qu’il faut soutenir. C’est certainement celui des trois principaux candidats qui s’est le plus intéressé à la profession jusqu’ici, ayant été à l’initiative cet automne d’une vaste étude d’opinion auprès des officinaux (voir Le Moniteur n° 2647). Globalement, il souhaite institutionnaliser la participation des professionnels de santé dans la réflexion et la décision nécessaire pour toute évolution du système. Mais, parallèlement, le « troisième homme » se veut l’ennemi numéro un des déficits publics (voir encadré p. 54) et met en avant « le principe de responsabilité des générations » en matière de dépenses sociales. Et d’annoncer « une loi-cadre qui bannira tout report des dépenses de santé et obligera chaque génération à assumer la charge de sa santé ». En matière de santé, « la capacité de financement […] est évidemment le problème le plus sensible, celui qui fait peser des contraintes importantes sur tous les autres ». Mais, comme les autres candidats, François Bayrou ne croit pas que les dépenses de santé diminueront dans les prochaines années (plus de 11 % du PIB aujourd’hui).
C’est également l’un des plus fervents partisans de la régionalisation de la santé avec de véritables agences régionales de santé au pouvoir renforcé. Pour combler les zones de désertification médicale (et certaines spécialités délaissées), le président de l’UDF cite l’exemple des étudiants se destinant à devenir professeurs du secondaire, auxquels on garantissait un revenu pendant une partie de leurs études en échange d’un engagement ferme de plusieurs années dans la fonction publique…
Comme les autres candidats, il y va également de son credo pour le développement de la prévention : « S’il y a un domaine qui peut, presque magiquement, obtenir à la fois un augmentation rapide du niveau de santé, du niveau de confiance et de très importantes économies de dépenses, c’est la prévention », plaide-t-il.
Tous les candidats unanimes pour faire de la prévention
Du côté de la « gauche antilibérale », Marie-George Buffet parle d’annuler la réforme de l’assurance maladie, d’aller vers une prise en charge à 100 % et de développer les réseaux. Olivier Besancenot, lui, plaide pour la nationalisation de l’industrie pharmaceutique et de la recherche, la fin du paiement à l’acte des médecins et la remise en cause de la réforme de l’hôpital (T2A notamment). A noter que la volonté de remettre en cause la réforme Douste-Blazy de 2004 est une constante de tous les partis de gauche.
A l’opposé de l’échiquier politique, le FN veut la fin de la prise en charge du petit risque par la Sécurité sociale et la préférence nationale (aide sociale en priorité aux Français de souche ou naturalisés). Côté professionnels, Jean-Marie Le Pen prône la suppression des numerus clausus (médecins et pharmaciens) et un arrêt du soutien systématique aux génériques.
Côté Verts, enfin, on plaide pour la modération en matière de consommation de médicaments et un remboursement sur la base des génériques. Dominique Voynet est le seul candidat à se mouiller pour des contraintes à l’installation des médecins en vue d’endiguer la désertification médicale. Elle a en commun avec les candidats de gauche de vouloir mettre fin aux forfaits non remboursables mis en place par la réforme Douste-Blazy/Bertrand.
S’il est un point concernant la santé mis en avant par la quasi-totalité des candidats, c’est bien ce plaidoyer unanime pour la prévention. Si celui qui est élu met ses promesses à exécution, c’est là un virage que la profession ne devra pas rater. Avec des implications à la clé sur les modes de rémunération qu’il faudra bien anticiper, car on sait qu’en matière d’iatrogénie notamment la prévention passe par une diminution de la consommation de médicaments.
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