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Inflation de MNU chez les personnes âgées dépendantes

Publié le 7 avril 2007
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Pour la première fois, une étude française* s’est intéressée à la traçabilité et au coût des médicaments non utilisés (MNU) en maison de retraite. Verdict ? Les MNU observés dès la préparation des traitements en pilulier, donc facturés, atteignent une proportion stupéfiante. De quoi se poser des questions dans la perspective du papy-boom.

Réalisée par trois chercheurs de Paris-V, l’étude « TCMNU1-IDEPC » a mesuré pendant quatre mois l’écart entre les quantités prescrites et délivrées à près de 2 300 malades résidant dans 48 maisons de retraite approvisionnées par 34 officines. Cet écart correspond donc aux médicaments non nécessaires au traitement. Un danger potentiel et un gaspillage évitable, car tous les MNU sont détruits, même ceux restés sous contrôle pharmaceutique. Quant aux unités galéniques correspondant au traitement, elles ont été reconditionnées dans des piluliers nominatifs délivrés au patient. Résultat ? 85 549 boîtes de médicaments ont été délivrées pendant la période de l’étude, dont 62 008 (représentant 1 414 spécialités) ont donné lieu à une préparation des doses à administrer (PDA).

Cette tâche n’a pas été assurée par le personnel infirmier de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) mais par le personnel pharmaceutique. Les piluliers, nominatifs et à usage unique, étaient préparés manuellement à l’officine et délivrés scellés (sécurisés grâce à un code-barre identifiant le patient, l’ordonnance, le prescripteur, la date de prescription, la date de dispensation, la désignation et la posologie du médicament, les numéros de lot et de traçabilité, la date de péremption, la durée du traitement et l’heure de prise).

Gaspillage

Au final, les MNU représentent en moyenne 10,27 % au minimum du coût des boîtes soumises à PDA, 11,45 % de la valeur des traitements prescrits et 15,10 % des volumes, mais avec de fortes disparités selon les molécules. Le montant total est de 73 810 Euro(s) sur 4 mois pour ces 2 300 personnes, soit au minimum 0,27 Euro(s) par jour et résident (mais on pourrait être plus proche des 0,35 Euro(s)). A ces MNU « de préparation » (facturés mais non nécessaires), il faut ajouter le coût des MNU « d’administration » (médicaments nécessaires mais non consommés), non mesurés dans cette étude. Par extrapolation, le coût global des MNU (préparation + administration) représenterait 15,45 % à 21,45 % de la valeur moyenne des traitements prescrits pour les patients résidant dans les EHPAD dépourvus de PUI. En entrant dans le détail, on note des pics de MNU de 25,82 % pour le chlorure de potassium, 26,70 % pour la dompéridone et… 51,73 % pour la rispéridone.

Débat vicié

Visiblement, certains conditionnements pourraient donc être adaptés. Reste qu’avec la PDA ces MNU restés sous contrôle pharmaceutique, non reconditionnés et totalement tracés seraient valorisables par réemploi (alors que depuis février 2007 tous les MNU sont légalement assimilés à des déchets). Mais avec le « papy-boom » et l’explosion des maladies chroniques, il se profile surtout une irrésistible mutation d’une économie de produits à une économie de services. Parce que les personnes âgées sont souvent polymédiquées, le risque iatrogène est élevé et le suivi nécessaire, sachant que l’observance du traitement est souvent altérée. Le reconditionnement en pilulier présente un double intérêt, thérapeutique (il favorise l’observance) et économique (il évite un gaspillage de la ressource collective).

Problème : ce débat est actuellement vicié par la polémique entourant les pressions des maisons de retraite pour transférer le coût infirmier vers les officines en leur demandant de prendre à leur charge la PDA. Seulement voilà, toutes les personnes âgées ne souhaitent pas (et ne pourront pas) intégrer une maison de retraite. Et cette étude pose dès lors la question du suivi de ces personnes en ville. Dans ce contexte, le pharmacien a une opportunité unique de se positionner en tant que professionnel de santé de proximité. Qui d’autre que lui peut garantir ce service avec les exigences requises de sécurité et de traçabilité ? Mais, comme tout service, la PDA et le suivi ne peuvent être gratuits et l’étude suggère d’examiner le reversement au pharmacien d’une fraction des coûts évités.

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* De F. Megerlin, D. Bégué et F. Lhoste, parue en mars 2007, « Journal d’économie médicale » 2006, vol. 24, 387-402. D’autres études, cette fois-ci en ville, suivront en collaboration avec des chercheurs des universités de Paris-V, Berkeley et Harvard. Elles toucheront plusieurs milliers de personnes.