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Réseau informel pour soins palliatifs
Parce qu’il n’y a ni réseau ni unités de soins palliatifs à Châtenay-Malabry, Béatrice Di Maria a décidé d’agir pour prendre soin de ses patients dont la maladie est incurable. Pas à pas, au cas par cas, cette sémillante titulaire oeuvre de concert, quand cela est possible, avec les autres professionnels de santé. Son credo : être compétent, disponible et à l’écoute.
Béatrice Di Maria se place dans la lignée des femmes à l’origine des soins palliatifs. Pugnace et courageuse. « Qu’est-ce que je risque à dire au médecin que la prise en charge du patient algique me semble insuffisante ? De m’en prendre plein la tête ? », lance-t-elle. C’est parce qu’elle s’est questionnée sur la prise en charge des patients en fin de vie à leur sortie de l’hôpital qu’elle décide, en 1995, de s’inscrire au DU de soins palliatifs de Paris-XI. Installée depuis 1998 à Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, elle prend soin de ces malades « pour lesquels la fin est inéluctable, mais pour lesquels la notion de temps n’existe pas ». Ni militante ni partisane, elle ouvre la voie pour une démarche palliative du pharmacien.
Détecter les signes de détresse
On ne meurt pas davantage à Châtenay-Malabry qu’ailleurs. Mais à la Pharmacie de la Demi-Lune, tout patient avec une ordonnance d’antalgiques opiacés bénéficie d’un suivi de sa douleur. « Tout en sachant que la prise est nécessaire, la morphine reste encore de la morphine, remarque Béatrice Di Maria. Alors je recadre toujours le patient pour améliorer l’observance. »
Elle ne force jamais quiconque à se confier. « Je laisse le patient venir à moi. » Ou les proches, car ce sont bien souvent eux qui viennent à l’officine. Au travers de phrases anodines, elle dépiste les premiers signes d’une dénutrition. Le « Elle mange moins » est un signal d’alerte pour proposer une visite du médecin généraliste. Si la famille n’entend pas, elle y revient sans relâche. Derrière les mots du patient, le questionnement est parfois plus métaphysique. « J’ai proposé de livrer le reste de son traitement à une femme de 72 ans qui sortait de l’hôpital avec un lymphome non hodgkinien. Elle voulait mourir mais ne pas souffrir. Alors nous avons parlé des soins palliatifs qu’elle avait vus à l’oeuvre auprès de son mari et de son fils, tous deux décédés, et dont elle ne voulait pas. J’ai fini par lui demander ce qu’elle savait exactement des soins palliatifs », raconte la pharmacienne, laquelle saisit la moindre occasion pour se rendre à domicile. Pour comprendre ce qui est en jeu derrière les mots.
Dans et hors des murs
Pour sortir de l’officine, Béatrice Di Maria jongle avec la présence de sa nouvelle adjointe qu’elle souhaiterait impliquer. Quant aux préparatrices, « elles sont jeunes ». Difficile en effet de penser à la mort quand on n’a pas trente ans… En revanche, elle distille l’« esprit palliatif » aux étudiants qu’elle accueille en tant que maître de stage. « Je les sensibilise à l’accueil du patient. Ils sont formatés, c’est normal. Mais dans l’exercice quotidien, il est nécessaire d’assouplir parfois les règles, pour délivrer même si l’ordonnance n’est pas tout à fait conforme, en s’assurant évidemment que tout est bordé et encadré avec un patient connu et que le médecin est contacté. » D’ailleurs, si Béatrice Di Maria a été inspectée le 8 mai dernier, les 123 boîtes d’Actiq mensuelles délivrées y sont pour quelque chose… La douleur et la cancérologie, elle les connaît tellement bien qu’elle enseigne aussi à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. Elle parle du rôle de l’officinal dans la prise en charge du patient cancéreux auprès des étudiants de cinquième année, et de la prise en charge esthétique du patient atteint de cancer dans le DU de dermocosmétique. Parce que quand la douleur physique se tait enfin, il faut prendre soin de tout le reste.
Un prosélytisme à bon escient
Difficile cependant parfois de prendre soin de ceux qui ne se confient pas, malgré une fin prochaine : « Ils n’ont pas envie que j’entre dans leur univers. » Grâce au DU, Béatrice Di Maria a acquis une approche « clinique » et le respect du souhait des patients et des proches. Ne jamais juger, mais être professionnelle. Elle a, par ses coups de fil, constitué un réseau informel de professionnels qui savent qu’elle est une « pro » de la douleur et de la prise en charge globale. Cette collaboration étroite l’a même poussée à proposer aux libéraux installés près de son officine une formation sur la douleur. « J’ai contacté mon commercial du laboratoire Upsa en lui disant que je me chargeais de réunir les participants si, de son côté, il trouvait le formateur. » C’est ainsi qu’une trentaine de personnes, médecins, pharmaciens, infirmières et kinésithérapeutes se sont retrouvés ensemble pour discuter antalgie.
Cette année, Béatrice Di Maria a contacté Bouchara pour organiser une soirée sur la place de la méthadone dans les soins palliatifs. « Pour être écoutée par les autres professionnels de santé, il faut être compétent », revendique celle qui n’hésite pas à mettre à jour ses connaissances. Par exemple en appelant Michèle Salamagne, une figure des soins palliatifs, responsable du DU à Paris-XI, « pour savoir ce qu’il y a de nouveau en antalgie », ou en passant une journée dans une unité de soins palliatifs. Elle a aussi un projet pour sa patiente atteinte d’un lymphome : « Je vais demander au médecin généraliste d’assister à la première visite pour faire un bilan ensemble et pouvoir mieux accompagner la patiente. Nous discuterons pour savoir ce qu’elle attend de nous et comment on peut le gérer, explique Béatrice Di Maria. A un moment donné, il faut le faire et je mettrai en place ce que je peux. » n
Envie d’essayer ?
Les avantages
Entrer dans une démarche de soins palliatifs, c’est prendre en charge le patient globalement, en se repositionnant comme professionnel de santé à part entière.
Cela permet de créer des liens avec les autres professionnels de santé.
Les difficultés
Cette démarche pompe de l’énergie. Il faut savoir mettre les problèmes personnels de côté.
De temps en temps, la famille du patient décédé change d’officine car il est trop dur pour eux d’y revenir.
Cette démarche n’est pas rentable financièrement à court terme. L’investissement se compte en temps passé, en prise en charge, qui ne se concluent pas forcément par une vente.
Les conseils de béatrice di Maria
Faire le DU de soins palliatifs ! Pour s’imposer, il faut avoir des compétences.
Se former, c’est aussi sortir de l’officine et aller voir ce qui se passe ailleurs, notamment dans les USP (unités de soins palliatifs) ou des services dédiés aux soins palliatifs.
Si la prise en charge par les autres professionnels de santé semble insuffisante ou peu cohérente, ne pas hésiter à les contacter et leur demander des explications. Mais pas devant le patient et sans les déjuger. L’objectif étant que tout se passe bien pour le patient et sa famille.
Conseils à l’adjoint qui a envie de s’impliquer dans les soins palliatifs : parler avec son titulaire en lui demandant quel est son état d’esprit sur ce sujet. Si cela pose un problème, respecter le souhait du titulaire. On ne doit pas se cacher pour parler, mais être à l’aise.
Pour impliquer un membre de l’équipe dans les soins palliatifs : ne rien imposer mais voir si telle ou telle personne a des affinités avec le sujet, comme dans toute délégation de tâches. Puis, commencer par lui confier la gestion des stupéfiants et, par là même, celle du patient. Et, évidemment, lui faire suivre la formation en soins palliatifs. Les adresses des DU sont disponibles sur le site de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs : http://www.sfap.org, rubrique « Formation » (voir aussi la totalité des sites dédiés aux soins palliatifs sur http://www.portail-soins-palliatifs.fr).
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