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Formation continue : déjà un an de perdu
Un an après la publication du décret sur la formation continue obligatoire*, rien n’a bougé. Pire, le dossier est miné par les dissensions internes à la profession et le ministère n’a ni arbitré ni réuni les protagonistes pour le débloquer. Dommageable à l’heure où l’on demande à la profession de démontrer son rôle et sa compétence.
La formation continue obligatoire est sans aucun doute un dossier à très gros enjeu pour défendre le monopole dans les mois et les années qui viennent. Un monopole « de compétences », rappelons-le. Or ce dossier est bloqué, et même « pourri » par les querelles de chapelle.
Petit rappel. En juin 2006 sort le décret relatif à la formation pharmaceutique continue (FPC).
Le Conseil national de la formation pharmaceutique continue (CNFPC) doit siéger pour la première fois en juillet 2006 afin de définir pour 5 ans les orientations de la FPC, les modalités d’agrément et de validation à partir desquelles les organismes de formation pourront déposer leur candidature. Suivra la mise en place des conseils régionaux (CRFPC) où les officinaux déposeront leur dossier de formation.
L’Ordre veut une réécriture du décret
Problème : pour ce décret, le ministère a fait un copier-coller du système imaginé pour les médecins sans tenir compte des particularités de la pharmacie. Furieux, l’Ordre monte le premier au créneau. « Les textes qui nous ont été présentés sont mal architecturés !, tempête Jean Parrot, président du Conseil national de l’Ordre. Ils excluent de la participation aux conseils régionaux de la formation les pharmaciens qui participent aux chambres disciplinaires. Autrement dit, tous les membres de l’Ordre ! » De plus, il n’était spécifié nulle part que les crédits nécessaires aux frais de fonctionnement viendraient du budget ministériel. L’Ordre demande donc une modification de ces règles. « Les autorités de tutelle ont écrit des bêtises dans leur texte. Qu’elles les réparent ! Nous ne ferons pas d’obstruction », complète Jean Parrot. Le problème, c’est qu’un an après le ministère n’a pas montré le moindre signe de vouloir réécrire le décret, ni d’ailleurs de sortir l’arrêté installant le CNFPC avec le décret actuel.Guerre intersyndicale
« Je conçois la demande de l’Ordre mais nous aurions très bien pu malgré tout démarrer, quitte à prévoir un ou deux sièges supplémentaires pour l’Ordre, commente Claude Japhet, président de l’UNPF et artisan de la FPC depuis plus de 15 ans. Cela étant, plusieurs autres demandes nous semblaient irrecevables. Le dossier est tellement miné que tout le monde a fait de la surenchère. » Claude Japhet évoque ici la réclamation de la FSPF qui a suivi celle de l’Ordre. « L’Ordre fait les demandes qu’il veut, mais il faut au final un équilibre entre représentants de l’Ordre et des syndicats, précise Pierre Leportier, président de la FSPF. Et s’il doit y avoir pour cela un représentant syndical supplémentaire, nous le revendiquons car tous les syndicats ne pèsent pas le même poids. Avec deux représentants syndicaux sur quatre, nous aurions 50 % des voix contre 25 % pour chacune des deux autres structures représentatives, ce qui ne nous semble pas aberrant vu que nous représentons en fait 75 % des titulaires syndiqués. C’est la demande que nous avons formulée au ministère. » Le ministère ne fait donc pas face à une seule demande de modification (ordinale), mais à deux réclamations, et bientôt trois, l’USPO et l’UNPF tirant à boulets rouges sur la demande de la FSPF, réclamant le paritarisme en la matière. Conséquence : l’administration décide finalement… de ne rien décider.
« Si on considère que la formation est un enjeu stratégique et pas une source de financement, on ne devrait pas avoir ce type de débat, rajoute Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. On a vu ce que cela a donné avec les dentistes et les médecins. » Certes, ces professions ont peut-être connu des remous peu glorieux autour de leur formation continue, mais, aujourd’hui, elles sont prêtes à démarrer. Et dans 5 ans, c’est bien la pharmacie qui passera pour le mauvais élève de la classe, craint Philippe Gaertner, président de l’UTIP et membre du bureau de la FSPF. « Moi, je ne bouge plus, je ne sais plus ce qu’il faut faire ! Et je ne veux pas polémiquer sur ce dossier, se désole-t-il. Le problème, c’est que dans quelques années on ne fera que constater notre retard. Ce sera très mauvais en termes d’image. »
Au petit jeu des chaises musicales, l’USPO et l’UNPF en veulent aussi à l’UTIP : « Il y avait une place pour les organismes de formation, explique Claude Japhet. Fallait-il la donner à l’UNOF, qui regroupe tous les organismes de formation du territoire, y compris l’UTIP via Utipharm, ou bien directement à l’UTIP ? Le choix devenait cornélien vu les liens entre l’UTIP et la FSPF. » « Je n’ai rien demandé du tout en tant qu’UTIP, se défend Philippe Gaertner. L’administration centrale a laissé entendre qu’elle pensait donner à l’UTIP le siège représentant les organismes de formation. Que la plus grosse structure de formation ait une place, ça peut ne pas plaire. Reste que quand on est à l’UTIP, on n’a pas de logique syndicale. » Sauf que l’UNPF et l’USPO reprochent à Philippe Gaertner sa double appartenance à l’UTIP et à la FSPF. Ce qui, estiment-ils, assurerait une représentation écrasante de la Fédération.
Seule solution : que le ministère se réveille
In fine, chacun rend l’autre responsable du blocage actuel. Mais quel qu’en soit le responsable, au final, la situation semble à tel point inextricable que seul le ministère peut faire redémarrer la machine… en tranchant. Alors le dossier va-t-il enfin avancer ? A cette question, le ministère nous a fait savoir que… la réponse était du côté de l’Ordre. Ubuesque.
Les représentants de la profession se veulent néanmoins rassurants. En dépit du blocage, « aujourd’hui, un quart de la profession suit déjà des programmes de formation », tient à préciser Jean Parrot. « La formation continue fonctionne déjà et continuera, assure Claude Japhet. Si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord, d’autres opérateurs viendront sur ce terrain. Mais tant que la profession garde la maîtrise des contenus pédagogiques, y compris des formations de l’industrie pharmaceutique… » « Les salles ne désemplissent pas, assure aussi Gilles Bonnefond. Ce qui est effectivement embêtant, c’est le déficit d’image découlant de ce dossier. Nous risquons de le payer. »
Et, pour ne rien arranger, perlent d’éventuelles histoires de gros sous : « On voit bien que la formation est un enjeu de financement, insiste le secrétaire général de l’USPO. On le constate au niveau des grandes centrales syndicales de salariés où la formation est devenue une manne de financement. »
Plus qu’à un arbitrage ministériel qui semble, seul, être capable de faire enfin avancer ce dossier, la FSPF appelle maintenant les pouvoirs publics à réunir toutes les parties autour de la table : « Nous n’avons jamais eu l’occasion d’entendre précisément et directement les demandes de l’Ordre. Ce serait l’occasion », lance Pierre Leportier. « Si le ministère jugeait le dossier aussi prioritaire que cela, les choses auraient certainement bougé plus vite », commente de son côté Jean Parrot. Reste que l’histoire est navrante. Voilà comment un laisser-aller sur la rédaction d’un texte conduit à exacerber les rivalités au sein de la profession. Et à laisser en rade un dossier qui est important pour pérenniser la qualité des soins de ville et pour la santé des patients.
* Le décret n° 2006-651 du 2 juin 2006 (« Journal officiel » du 3 juin) est venu en application de la loi de santé publique 2004. La mention d’une formation continue obligatoire date de la loi sur les droits des malades de mars 2002.
Quand démarrera votre obligation de formation ?
Le décompte de 5 ans au cours desquels chaque pharmacien devra s’acquitter de ses obligations de formation continue ne démarrera qu’à la mise en place des conseils régionaux de la formation pharmaceutique continue, qui seront eux-mêmes créés après le démarrage du Conseil national de la formation. Le retard pris n’obligera donc pas le pharmacien à devoir se former à vitesse accélérée quand ces structures se mettront en place, pour être en mesure de respecter la loi (sous peine de sanctions disciplinaires) ! C’est déjà ça… Le décret de juin 2006 prévoit même que les pharmaciens pourront déposer auprès de leur conseil régional de la formation continue des
justificatifs de formations qu’ils auront effectuées préalablement. Avec quelle rétroactivité ? C’est le futur arrêté ministériel qui le définira. A ce jour, il faut simplement prendre la précaution de conserver chaque justificatif. Au cas où !… Et en espérant que la FPC obligatoire démarre avant les calendes grecques.
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