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Ex-industriel brillant, néotitulaire vaillant

Publié le 1 septembre 2007
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Pour réussir sa reconversion, Jacky Leyendecker ne s’est pas contenté de ses quinze années d’expérience dans l’industrie. Outre le stage obligatoire de six mois requis, il a suivi plusieurs formations spécifiques qui lui ont permis de devenir un titulaire plein de ressort.

A 47 ans, Jacky Leyendecker est officiellement titulaire d’une officine à Wisches depuis janvier dernier. Rien ne semblait pourtant indiquer une telle orientation dans son parcours. Parti pour faire de la biologie, il passe d’abord près de deux ans dans le centre de cancérologie Paul-Strauss à Strasbourg puis un an et demi à l’institut Pasteur de Guadeloupe dans l’unité en charge de la biochimie.

Du commercial à l’assurance qualité

A son retour en métropole, il effectue de l’assistanat en officine mais songe vite à suivre un DESS de pharmacie industrielle option qualité. « Les conditions de rémunération de l’industrie me semblaient supérieures ainsi que les évolutions de carrière. Et je n’avais pas la possibilité de m’installer », précise le néotitulaire. Recruté par la société Kodak qui dispose alors d’une unité dans le domaine de la santé, Jacky Leyendecker devient expert scientifique dans le secteur du diagnostic médical et travaille de façon étroite avec les commerciaux pour promouvoir les produits réactifs auprès des laboratoires d’analyses de biologie médicale. Il rejoint ensuite le centre de support scientifique et technique monté par la société et gère les activités de formation de clients et un centre d’appels européen.

Nouveau virage après la cession de Kodak à Johnson #amp; Johnson : Jacky Leyendecker obtient un poste de responsable scientifique en charge de la matériovigilance. Il ne s’arrête plus. Saisissant les occasions, il part aux Etats-Unis deux ans durant pour remplacer un directeur de qualité international, toujours au sein du même groupe. Il revient en France pour un nouveau défi : créer un département qualité dans l’unité européenne. « L’idée était d’appliquer les procédures mondiales à toutes les filiales de cette unité afin d’homogénéiser les méthodes de travail. »

Une remise à niveau nécessaire

La période de difficultés économiques que connaît la société sert de détonateur. « J’avais déjà songé à l’idée de devenir mon propre patron », explique le pharmacien. Jacky Leyendecker se renseigne alors sur le parcours à suivre : « Comment devenir titulaire quand on a travaillé loin de cet univers durant une quinzaine d’années ? Le prérequis était d’avoir validé six mois d’exercice officinal au minimum. Ce n’était pas mon cas, j’ai donc exercé six mois durant comme adjoint. » Il intègre ensuite le module de formation « Reconversion pour l’officine » dispensé par le Pr Geneviève Chamba* afin de parfaire ses connaissances. « Il me manquait les bases thérapeutiques, l’information sur les nouvelles molécules, l’évolution des pratiques professionnelles et les recommandations actuelles. » Il y ajoute un module sur l’informatisation à l’officine réalisé au sein de la faculté de pharmacie lyonnaise.

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Se servir de l’expérience acquise comme modèle

Jacky Leyendecker visitera sept officines avant de trouver la bonne. « Celle de Wisches possédait un certain potentiel de développement grâce à sa situation géographique. Le potentiel de chalandise était de 3 500 habitants. » Pas de temps à perdre : dès le compromis de vente signé, il met à profit les six mois qui lui restent avant son installation définitive pour se préparer à son nouveau rôle de chef d’entreprise. Il assiste aux cours de l’Association de formation professionnelle de Strasbourg destinés aux créateurs et repreneurs d’entreprise. « Je me suis ainsi familiarisé avec la gestion, la comptabilité, le droit social afin d’établir un business plan sur trois ans. » Il passe ses derniers temps libres dans une formation de deux jours pour pouvoir reprendre l’activité de location de véhicules pour handicapés de l’ancien titulaire, puis dans un DU d’orthopédie, l’une des spécialités de l’officine.

L’expérience qu’il a acquise lors de ses différentes fonctions dans l’industrie pharmaceutique lui sert de modèle. « Il faut être proactif. La baisse de marge qui a touché l’officine n’a pas été un frein. Il existe des activités à développer comme l’orthopédie, l’audioprothèse… Une partie essentielle du succès de toute entreprise repose aussi sur les relations clients, comme j’ai pu le constater au département « support à la clientèle » de sociétés américaines. Cela signifie anticiper les attentes, en demandant par exemple au client son téléphone quand il commande des médicaments et en l’appelant pour le prévenir qu’ils sont disponibles. Mes fonctions dans l’assurance qualité m’ont servi dans la mise en place de procédures écrites : nous en avons déjà rédigé plusieurs concernant le contrôle de la chaîne du froid, les télétransmissions et la gestion des commandes. »

La politique de management, cet ancien responsable de services en connaît également tout l’intérêt pour booster les résultats de sa « petite entreprise ». Il emploie une pharmacienne adjointe et trois préparatrices. « J’organise des réunions mensuelles d’informations pour harmoniser les pratiques, voir les actions correctrices nécessaires, traditionnelles dans l’industrie. Nous discutons également des objectifs et des résultats globaux de la pharmacie car les salariés ont besoin de savoir comment fonctionne l’entreprise. » Jacky Leyendecker compte aussi mettre en place un plan de formations.

Promouvoir le rôle du pharmacien

Dans l’officine comme à l’extérieur, le néotitulaire profite de toutes les occasions pour rappeler le rôle du pharmacien auprès des patients. « Je suis à leur écoute. Un client est ainsi venu me parler récemment d’une brûlure lors d’une injection dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. J’ai adressé l’information au centre régional de pharmacovigilance. J’ai pu préciser au patient que cet effet indésirable était peut-être dû au non-respect du protocole de remise à température du médicament ou bien à un changement de présentation. »

Sortir de l’officine est aussi, selon Jacky Leyendecker, un impératif. « Le pharmacien est un acteur de santé proche du patient. Il est nécessaire de le mettre en valeur en participant à des réseaux de soins, comme je le fais avec le réseau Diab67 pour la prise en charge des patients diabétiques et en développant les contacts avec les autres professionnels de santé. » Il foisonne de projets. En collaboration avec un médecin, il envisage déjà une réunion d’un autre type : une séance d’information pour le troisième âge sur la dénutrition.

* « Reconversion pour l’officine (dispensation des médicaments, prise en charge des patients) », organisme de formation Pharmakeion. Tél. : 04 37 46 08 87, e-mail : genevievechamba@wanadoo.fr.

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Les avantages de la reconversion

Le contact client à l’officine et la diversité des thématiques santé abordées, alors que dans l’industrie on se spécialise souvent dans un domaine précis, l’infectiologie ou la cardiologie.

L’indépendance.

Les difficultés

Le décalage entre l’industrie et l’officine. « La reconversion n’est pas évidente quand on a passé une dizaine d’années loin de l’officine. Avoir validé six mois d’expérience en officine (le minimum requis) ne suffit pas pour se sentir à l’aise au comptoir, explique Jacky Leyendecker. Mieux vaut suivre en plus une formation de mise à niveau axée notamment sur l’information scientifique et sur les nouvelles molécules. »

La rémunération est moins importante quand on passe d’un poste de manager dans l’industrie pharmaceutique à titulaire d’officine. Mais il ne faut pas oublier que l’on fait un investissement sur l’avenir. Les premières années sont aussi consacrées au remboursement de l’emprunt contracté.

Les conseils de Jacky Leyendecker

« Compléter ses compétences par une formation généraliste de gestion ou de reprise d’entreprise permet de connaître les principes de base de la gestion d’une entreprise et de lire un bilan. Mais aussi de ne pas dépendre de son comptable. »

« S’investir dans la formation, cela demande du temps car les formations ont lieu le soir après la journée de travail, mais elle est indispensable pour rester à niveau. »