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« La surconsommation n’est pas toujours négative »

Publié le 15 septembre 2007
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Trois questions à Catherine Sermet, directrice adjointe de l’IRDES (Institut de recherche et de documentation sur l’économie de la santé).

Quel intérêt représente la mise en commun des expériences européennes pour l’élaboration d’une politique de santé, alors que ce domaine reste de la souveraineté de chaque pays membre ?

Il y a toujours eu un enrichissement mutuel et permanent dans la confrontation de nos différents systèmes de santé. On peut citer la mise en place des TFR en France, dont la réflexion préalable s’est largement inspirée des expériences néerlandaise et allemande. La mise en commun des groupes de travail nous apporte une connaissance non seulement sur les systèmes qui nous sont proches géographiquement, mais aussi ceux des pays entrants qui sont en pleine réflexion sur l’élaboration ou la mutation de leur propre système. J’attends désormais une diffusion et une mise à jour régulières de ces informations, lesquelles doivent être rendues accessibles à tous car les réformes sont permanentes dans les pays et l’information doit être continue.

Les résultats qui viennent d’être communiqués par le PPRI révèlent que la France se place une nouvelle fois en pôle position pour la consommation de médicaments…

D’abord, elle ne détient ce rang que dans certaines classes thérapeutiques. Par ailleurs, s’il est indéniable qu’elle a des efforts à fournir concernant certains comportements excessifs, et s’il ne faut pas excuser pour autant la surconsommation, il faut la relativiser. Car la surconsommation – par rapport à d’autres pays – n’est pas toujours négative. Elle peut être simplement un indicateur – absent des études – d’une meilleure prise en charge de certaines pathologies. Je citerai pour exemple des pays comme l’Allemagne où la faible consommation d’antidépresseurs révèle une absence quasi totale de prise en charge de la dépression de la personne âgée. La Grande-Bretagne qui, dans les années 90, reconnaissait mal cette pathologie, a rattrapé son retard à grand renfort de campagnes d’information, ce qui a entraîné de facto une augmentation de la consommation de ces médicaments. Donc, pour valider ces comparaisons et affirmer la surconsommation française, il faudrait pouvoir disposer de nouveaux critères, prenant en compte en particulier les besoins de la population et la qualité de la prise en charge.

Quel enseignement la France devrait-elle tirer de la pratique de ses voisins européens ?

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A l’étude des politiques pratiquées par les différents pays européens, la France est assurément l’un des pays garantissant le mieux l’accès aux soins pour tous et une réelle qualité de prise en charge. Cependant, il y a un élément qui n’est jamais retenu en France dans la mise sur le marché d’un médicament, c’est le critère pharmacoéconomique. La notion de service médical rendu ne le prend pas en compte, alors que dans d’autres pays, comme les pays Baltes ou le Royaume-Uni, le facteur économique intervient dans la décision de mise sur le marché ou non d’un produit. L’Australie a ainsi refusé de prendre en charge certaines molécules car elle en estimait le prix trop élevé par rapport au service rendu. C’est un exemple d’expérience que la France pourrait tirer, notamment pour faire face aux défis futurs que sont la prise en charge des produits extrêmement onéreux, issus de la biotechnologie ou de la nanotechnologie.