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Dans la peau d’un pharmacien Doc Morris
Renate Kistenpfennig, officinale allemande installée à Mayence, a rejoint l’enseigne Doc Morris. Si sa marge a diminué, les clients affluent, attirés par des prix ultracompétitifs. Témoignage.
Des linéaires blancs, une décoration sobre vert clair, une croix dans le même ton. Renate Kistenpfennig annonce la couleur. Celle de Doc Morris. En mai dernier, cette pharmacienne titulaire a en effet rebaptisé son officine de Mayence « Doc Morris Apotheke ». Premier changement : le « A » rouge d’Apotheke, sigle officiel des officines allemandes, a disparu.
A 65 ans, cette mère de famille de cinq enfants est devenue la trente-neuvième « pharmacienne Doc Morris ». En intégrant l’enseigne du VPCiste néerlandais, reprise en avril dernier par Celesio, Renate Kistenpfennig a redonné un second souffle à son officine. Rachetée il y a un an et demi après le décès de son titulaire, cette officine, installée au pied de l’usine du fabricant de verres Schott, entre deux enseignes discount (un supermarché Aldi et une droguerie Schlecker), n’avait réussi à conquérir qu’une clientèle de quartier à petit budget.
« J’ai triplé ma clientèle et doublé les paiements comptants ! »
En passant sous la bannière Doc Morris, la titulaire est parvenue à élargir sa clientèle. Si elle vend peu de dermocosmétiques, à part quelques produits de marques françaises, l’officine propose un bel assortiment de médicaments OTC. Sur ses 4 000 références, 700 sont vendues au prix Doc Morris, soit une ristourne pouvant atteindre 40 % !
Avec des réductions de 20 % sur le Voltarène, de 23 % sur l’aspirine, le paracétamol et le Maalox, et jusqu’à 25 % sur les veinotoniques, la pharmacie Doc Morris recrute ses clients bien au-delà de sa zone de chalandise. « 70 % de ma clientèle vient de l’extérieur et certains n’hésitent pas à faire 50 kilomètres pour s’approvisionner chez moi car je suis la seule pharmacie de la région à être sous enseigne Doc Morris », affirme Renate Kistenpfennig, qui bénéficie de la proximité de la métropole francfortoise.
Ce nouvel attrait, la pharmacienne le doit en particulier à la puissance de feu de Celesio. « Le rachat de Doc Morris par Celesio a été déterminant dans ma décision de rejoindre l’enseigne », confie-t-elle. Elle voit dans cette alliance des avantages bien supérieurs à ceux qui sont proposés par les groupements (Avie, Linda…). « Certes, ils proposent à leurs adhérents des réductions sur les produits non remboursés mais ils ne bénéficient pas de la même notoriété que Doc Morris qui, fortement médiatisé, fait l’objet d’un taux de pénétration très élevé dans l’opinion publique. » Alors, forcément, Renate Kistenpfennig profite des retombées médiatiques : son officine a fait l’objet d’un reportage télévisé et d’un article d’une page dans Bild Zeitung, un quotidien à grand tirage. Une belle publicité. « Avant, je distribuais des tracts avec mes offres promotionnelles sans grand succès. Aujourd’hui, les clients viennent d’eux-mêmes », constate-t-elle.
Si la marge de l’officine a diminué depuis qu’elle exerce sous l’enseigne à la croix verte, la pharmacienne ne regrette rien. « J’ai triplé ma clientèle et doublé les paiements comptants! », constate-t-elle. Les patients, friands de médicaments à bas prix, se précipitent. Car, dans la Doc Morris Apotheke, le téléphone ne cesse de sonner : des clients, informés sur les offres promotionnelles de Doc Morris, renouvelées tous les trimestres et augmentées à chaque fois de dix nouveautés, veulent savoir si l’officine dispose des stocks de ces produits.
Une demande pas toujours satisfaite. « Je dois les convaincre que je ne peux pas délivrer tous les médicaments remboursés aux prix indiqués sur le site Internet de Doc Morris », précise Renate Kistenpfennig.
Un partenariat de marque, pas une franchise
La pharmacienne a beau exercer sous enseigne, elle garde sa liberté d’exercice. Son officine n’est pas un dépôt de la chaîne, ni une franchise, mais un « partenariat de marque » (lire encadré). Car, selon le droit allemand, les chaînes sont interdites et chaque officine doit être détenue par un pharmacien. Le titulaire reste donc maître à bord et, surtout, est libre de vendre ou pas les médicaments OTC et les produits de parapharmacie au tarif Doc Morris. En quoi consiste alors ce « partenariat de marque » ? La pharmacienne bénéficie, en exclusivité, du catalogue trimestriel mis gratuitement à disposition des clients, de visuels pour ses vitrines – axés sur le côté discount -, du droit d’exercer sous la bannière de la croix verte et de la garantie d’une certaine zone de chalandise, négociée dans le contrat. En contrepartie, la titulaire doit s’acquitter d’une participation mensuelle fixe, acheter les catalogues Doc Morris tous les trimestres (0,14 Û pièce pour 62 pages) et respecter le design vert et blanc de l’enseigne. Mais point d’aménagement spécifique, de formation ou de pourcentage sur les ventes. Quant à l’approvisionnement quotidien, il continue d’être assuré par le grossiste Celesio (Gehe), tout comme auparavant.
Le choix de Renate Kistenpfennig a toutefois courroucé ses confrères. « La pharmacie doit s’adapter aux nécessités du marché car les clients veulent avant tout des produits bon marché. Cela ne me procure pas de plaisir particulier de vendre à prix bas, mais il faut vivre avec son temps ! », justifie-t-elle.
Les pharmaciens allemands accusés de boycott illicite
Doc Morris ne laisse pas indifférent. Les organisations syndicales ont appelé leurs membres à boycotter le grossiste Gehe (Celesio) à qui ils reprochent d’avoir racheté Doc Morris, considéré comme la « brebis galeuse » de la profession. Les pharmaciens allemands avaient alors été nombreux à changer de répartiteur, faisant ainsi chuter le chiffre d’affaires de Gehe. C’est pourquoi, l’été dernier, l’office fédéral des cartels a fait la tournée des officines allemandes afin de vérifier s’il y avait eu réellement boycott de la part des pharmaciens vis-à-vis de Doc Morris. Du côté de Celesio, on minimise pourtant l’impact de cet éventuel boycott, prévoyant un retour à la normale en l’espace d’une année.
5 000 euros de droit d’entrée et 1 500 euros par mois de droit de licence
En s’associant, Celesio et Doc Morris ont parié sur la levée de l’interdiction des chaînes par la Cour européenne de justice d’ici trois ans. En attendant, Doc Morris compte conquérir 500 officines supplémentaires par le biais de contrats de partenariat. Au moment où les obstacles réglementaires seront supprimés, le répartiteur disposera alors d’une chaîne clés en main et, surtout, d’une longueur d’avance sur les autres répartiteurs allemands, comme Phoenix, Sanacorp, Anzag et Noweda.
Mais, aujourd’hui, le statut des quarante pharmaciens Doc Morris n’a rien d’une franchise. Moyennant un droit d’entrée de 5 000 euros et d’un droit de licence mensuel de 1 500 euros, le titulaire dispose du droit d’exercer sous la marque Doc Morris, garante de notoriété et de prix bas auprès d’une clientèle allemande très sensible à l’argument discount. La zone de chalandise et de non-concurrence peut également être négociée dans le contrat.
Selon ce partenariat, les investissements de rénovation (mise aux couleurs Doc Morris), évalués entre 10 et 20 000 euros, sont entièrement à la charge du pharmacien. « En moyenne, chaque pharmacie augmente son chiffre d’affaires de 30 % grâce à son contrat avec Doc Morris. C’est une bonne solution pour les officines situées à proximité de grandes pharmacies reconnues », expose Thomas Schiffer, membre du directoire de Doc Morris, en charge du marketing.
Un an après l’ouverture de la première pharmacie Doc Morris à Sarrebruck, le VPCiste est satisfait : 20 000 clients sont servis chaque jour par les pharmacies Doc Morris qui généreraient fin 2007 un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros.
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