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Dr Pierre Fender, directeur de la répression des fraudes à la CNAM
« Le Moniteur » : En début d’année, vous annonciez un renforcement de la lutte contre la fraude. L’avez-vous évalué au niveau des pharmacies ?
Pierre Fender : Nous l’avions évalué au départ à 5 millions d’euros par an, mais ce montant prévisionnel va très probablement enfler après nos investigations.
On a l’impression d’une récente recrudescence des fraudes. Est-ce le cas ?
Il y a surtout désormais une détection systématique de cas suspects de fraudes – d’où cette impression. Ceux qui sont tentés ont vraiment intérêt à modérer leurs ardeurs.
Au printemps dernier, vous aviez systématisé les requêtes informatiques a posteriori concernant Subutex, mais vous envisagiez de le faire pour d’autres produits : antirétroviraux, hormone de croissance, EPO, interférons, anticancéreux… Est-ce fait, et d’autres produits sont-ils encore concernés ?
Oui, les produits que vous citez font partie des plus importants. Quant aux autres, vous comprendrez bien que nous n’allons pas livrer leurs noms… Concrètement, nous repérons les quantités anormales mais aussi les aberrations en termes qualitatifs, comme la délivrance d’un traitement contre la ménopause à une patiente de moins de 35 ans, ou contre la maladie de Parkinson à un moins de 25 ans, ou bien encore la délivrance du même traitement à plusieurs membres d’une même famille… Une fois ce repérage effectué, nous observons ce que vendent ces pharmacies, classe par classe. Ensuite, nous avons trois possibilités. Premièrement : ce qui avait été détecté s’explique pour x raison, par exemple la proximité d’un hôpital dans le cas de délivrances d’antirétroviraux, et on classe alors l’affaire. Deuxièmement : le pharmacien inspecteur et/ou le pharmacien-conseil vont investiguer dans l’officine pour vérifier. Troisièmement : nous pouvons porter directement plainte au pénal lorsque la fraude est tellement évidente qu’une enquête préalable par l’Assurance maladie n’est même pas utile.
La loi permet depuis un an au pharmacien-conseil d’éplucher les stocks et les factures d’achat du pharmacien pour les comparer aux produits facturés à l’assurance maladie…
Oui, cela peut être utile lors d’une investigation sur le terrain, vérifier que les ventes égalent les achats. Mais pour la détection de fraudes elle-même, nous sommes désormais sûrs de notre fait rien qu’avec les requêtes. Nous avons enrichi notre connaissance en la matière et avons bien rodé le système.
De telles requêtes existent-elles à l’échelle nationale ?
Une requête est effectivement en train d’être lancée nationalement, en ce moment même, sur toutes nos banques de données.
Vous parliez de plaintes, que risquent les pharmaciens ?
Les plaintes sont faites soit au disciplinaire, avec un risque d’interdiction d’exercice à la clé, soit au plan conventionnel, avec risque de déconventionnement, soit au pénal, où cela peut aller jusqu’à de la prison. Les peines sont lourdes.
Une concertation a eu lieu à Marseille entre la CPAM, l’Ordre, les syndicats, l’Inspection, suite à plusieurs cas de fraudes graves. Est-ce un laboratoire d’idées pour vous ?
Le dernier pharmacien « pris » à Marseille avait été repéré à notre niveau. Quant au dialogue avec les instances de la pharmacie pour renforcer notre lutte contre la fraude, il s’est intensifié au plan national. La police y participe. Nous ferons tout pour qu’il y ait des sanctions exemplaires. Et je peux vous affirmer que la majorité, voire la totalité des pharmaciens qui fraudent seront repérés et poursuivis avec ténacité. La pharmacie est un beau métier lorsqu’elle est bien exercée. Là, ces gens coûtent à l’assurance maladie, donc à la collectivité, mais également à l’image de leur profession.
Repères chiffrés
– 6 fois plus de fraudes détectées en 2006 qu’en 2005.
– 90 millions d’euros : c’est la réduction du préjudice lié aux fraudes et abus par les actions de la CPAM en 2006.
– 120 millions d’euros : c’est l’objectif 2007.
– + 21,2 % (2006 versus 2005) de personnes condamnées à de la prison pour fraude à la Sécu.
– Nombre de jours de prison ferme : + 28,6 %.
– Nombre de jours de prison avec sursis : + 16,2 %.
– Montant des condamnations financières : + 19,3 %.
– Classements sans suite ou non-lieux : + 16,8 %.
– Relaxes : – 36,4 %.
Au disciplinaire (tous ordres confondus) :
– Avertissements pour fraudes : – 33,3 %.
– Blâmes sans publication : + 14,3 %.
– Blâmes avec publication : + 25 %.
– Interdictions de moins d’un mois : 0 %.
– De 1 à 6 mois : + 34,8 %.
– De 6 mois à 1 ans : + 13,8 %.
– De plus d’un an : + 20,8 %.
Source : CNAM.
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