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Le dépistage et ses avantages

Publié le 3 novembre 2007
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Caroline et Eric Bentolila multiplient les contacts avec d’autres professionnels de santé par le biais de journées de prévention notamment. A la clé, un meilleur service pour leurs clients, mais aussi des activités nouvelles pour leur officine.

L’engagement de Caroline et Eric Bentolila dans le dépistage du diabète relève d’une forme de militantisme. Tout a commencé quand ils se sont installés, il y a bientôt quinze ans, à Labenne, commune de 4 200 habitants située au sud des Landes, non loin de Bayonne. Leur pharmacie, où travaillent dix personnes, est la seule de la commune. D’une surface de 110 m2, elle en offre 70 m2 à sa clientèle.

« Il y a vingt ans, quand nous étions étudiants, les autorités déconseillaient la vente de vaccins aux toxicomanes de peur qu’ils utilisent les seringues pour se droguer. On commençait pourtant à savoir que l’usage répété d’une même seringue favorisait la propagation du sida. Tout ceci nous a amenés à nous interroger sur les effets de cette politique restrictive et à nous impliquer dans la délivrance de produits de substitution aux toxicomanes pour favoriser leur resocialisation, tout en restant vigilants sur les risques de trafic », explique Eric Bentolila.

Plus souvent rivé à son comptoir avec les clients que calé dans son bureau en train de s’occuper des formalités administratives, ce pharmacien est convaincu du rôle social majeur que doit jouer une pharmacie. Toujours à l’affût d’une nouvelle idée, d’un service à proposer, Eric Bentolila n’a pas peur de se risquer hors des sentiers battus. Installés dans une région où gibiers et vins rouges font bon ménage à table jusqu’à un âge avancé, Caroline et Eric ont très vite proposé des mesures de la tension artérielle à leur clientèle. La qualité du contact leur a ainsi permis d’orienter plusieurs habitués de l’officine vers une consultation médicale spécifique. Ce premier pas dans le dépistage a précédé une démarche qui a pris ensuite de l’ampleur.

« En adhérant au groupement Giropharm, au début des années 2000, nous avons bénéficié de nouveaux moyens, avec des actions de dépistage mieux organisées et plus rythmées. De la prise de la tension, nous sommes rapidement passés à la mesure de la glycémie puis à celle de l’index de masse corporelle. Ces mesures de dépistage du diabète ne coûtent rien, puisque les laboratoires fournissent par exemple gratuitement le matériel d’analyse de la glycémie. Elles sont appréciées et utiles. Beaucoup de gens ont trop de sucre dans le sang et n’en savent rien », souligne Eric Bentolila.

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« Pour moi il s’agit d’une mission d’intérêt public »

A tel point que la durée de la campagne de dépistage du diabète, étalée sur un mois, ne lui paraît pas assez longue. « Le dépistage est une bonne entrée en matière pour les gens qui ont peur d’aller chez le médecin, et nous vous prions de croire qu’il y en a. Il s’agit d’une mission d’intérêt public, nous ne sommes pas qu’un tiroir-caisse. Notre but est d’abord de nous occuper des gens, d’être à leur service. Si l’on n’aime pas le contact, mieux vaut laisser tomber le métier », tranchent les officinaux. Il reste que, dans cette région de bonne chère, le thème de la diététique du diabétique a fait mouche et Eric Bentolila s’est attaché à démontrer à ses clients que l’on pouvait justement être atteint du diabète et manger « comme il faut ». Même investissement l’année suivante avec l’intérêt du sport chez le diabétique. Cette année, toujours au mois de novembre, l’hérédité de la pathologie sera évoquée.

La podologue de la commune met un pied à l’officine

On le sait, les pieds sont aussi source de nombreuses complications graves liées au diabète. On dénombre ainsi 11 000 amputations par an pour cette raison. D’où le rapprochement entre Caroline et Eric Bentolila et l’unique podologue de la commune. Les deux officinaux n’ont pas hésité une seconde avant d’accepter de la recevoir dans leur pharmacie pour qu’elle y pratique gratuitement des auscultations lors de la Journée de dépistage et de prévention pour la santé du pied. « Elle passe la journée dans l’officine où nous lui avons aménagé un petit espace de 10 heures à midi puis de 15 heures à 18 heures, et cette opération n’a pas de lien avec notre groupement. Nombre de nos clients ont découvert la podologie de cette façon. Et la podologue a découvert à cette occasion l’aromathérapie, au point qu’elle s’est formée elle aussi. Aujourd’hui, je réalise pour elle les formulations nécessaires, qu’il s’agisse de crèmes contre les mycoses ou d’autres préparations », résume Eric Bentolila, dont le savoir-faire en aromathérapie a aussi conquis trois médecins de la région.

« J’avais suivi plusieurs formations et constitué un stock important d’huiles essentielles. Pendant trois ans, cette activité a tourné au ralenti et mon épouse commençait à s’interroger sur le sens de ma démarche. Ni Caroline ni moi-même ne pouvions imaginer la place que prendrait l’aromathérapie par la suite lors de notre rencontre avec la podologue », observe Eric Bentolila.

Cet officinal expansif est également en contact avec les deux infirmières de Labenne, avec lesquelles il a mis en place une coopération concernant les personnes gravement malades ou en fin de vie traités à domicile, chez lesquels il installe et désinstalle le matériel en fonction des besoins. « D’un jour à l’autre, c’est plus pareil, tout peut changer, il faut aller très vite. Quand l’infirmière est contente du résultat c’est très bien. »

Un projet de « passeport cardiovasculaire »

Ces bonnes relations et cette reconnaissance n’empêchent cependant pas les officinaux de Labenne d’avoir du mal à nouer des relations avec les médecins de la commune. Un comble ! « C’est mon pain noir », regrette Eric Bentolila. Les idées ne manquent pourtant pas. « En ce moment, je recherche un partenaire pour créer un « passeport cardiovasculaire » où l’on inscrirait les prises de tension, l’index de masse corporelle, la glycémie et le taux de cholestérol, glisse Eric Bentolila. Le problème, c’est que les mesures du taux de cholestérol sont coûteuses. Le public est demandeur, même si, par pudeur, les gens n’osent pas demander ouvertement. Il suffit d’engager le dialogue pour surmonter ce petit obstacle.

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Une augmentation de la notoriété.

– La fidélisation et l’élargissement de la clientèle.

– La création d’activités nouvelles et porteuses.

– Le renforcement de l’image de professionnel de santé.

Les difficultés

– L’organisation de l’espace de travail et de réception de la clientèle.

– Coordonner précisément l’action commune menée avec un autre professionnel de santé.

– Se rendre disponible même en cas d’affluence de la clientèle.

– Se montrer pédagogue, être patient.

– Immobiliser des stocks sans visibilité précise.

– Le retour sur investissement est parfois long.

Les conseils d’Eric Bentolila

« Même quand le démarrage d’une nouvelle activité paraît long, difficile à gérer, il faut s’y tenir, quitte à attendre plusieurs années. »

« Il important de rencontrer des professionnels de santé autres que des pharmaciens, c’est une source d’enrichissement intellectuel qui ouvre des perspectives nouvelles. »

« Cet investissement en temps ne doit pas se faire au détriment des taches de gestion de l’officine. »

– « Adhérer à un groupement permet de disposer d’outils de communication très utiles, comme des petits panneaux, et de mieux organiser la participation aux campagnes de sensibilisation. »