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Manque d’étudiants en pharmacie : les différentes thèses
Les chiffres sont définitifs : 471 places devraient à nouveau rester vacantes en 2e année de pharmacie en cette rentrée universitaire. Après le choc des 1 100 places non pourvues l’an passé, des voix commencent à s’élever au sein de la profession pour réclamer le retour à un accès direct aux études de pharmacie.
L’annonce de 471 places à nouveau vacantes en 2e année de pharmacie n’était pas encore officialisée que les critiques fusaient déjà à l’encontre du parcours accès santé spécifique (Pass) et de la licence accès santé (LAS), les nouvelles voies d’accès aux études de santé. « Pour dresser un premier bilan, il faut se rappeler les objectifs de la réforme mise en place il y a trois ans, estime Vincent Lisowski, président de la Conférence des doyens de pharmacie. Le premier était d’améliorer la réussite des étudiants en évitant les redoublements. Sur ce point, elle semble avoir atteint son but puisqu’il n’est plus possible de redoubler le Pass. Concernant le deuxième objectif, l’amélioration de la santé mentale des étudiants, le bilan est mitigé. Il est plutôt positif en LAS. En revanche, je persiste à penser que le Pass continue de sélectionner les étudiants par la douleur. » La réforme n’a pas non plus produit les effets escomptés en matière de diversité pour Sébastien Faure, doyen de la faculté de pharmacie d’Angers (Maine-et-Loire) et membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop) en tant que professeur nommé par le ministère de la Santé. « L’introduction de la LAS avait aussi pour ambition d’ouvrir les études de santé à des disciplines autres que scientifiques, comme le droit ou la psychologie, rappelle-t-il. Cette ouverture ne fonctionne malheureusement pas encore très bien. Pour beaucoup d’étudiants, cette filière reste moins prestigieuse que le Pass et attire donc moins les candidats. Nous nous sommes ainsi retrouvés l’année dernière avec de nombreuses places vacantes en LAS. » Des effets pervers, la réforme en a eu d’autres. « Elle a introduit une forme de dichotomie, les meilleurs étudiants en Pass s’orientant vers ondotologie, maïeutique ou médecine, les plus mal classés choisissant par défaut pharmacie », dénonce Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Résultat, on se retrouve en 2e année avec des étudiants qui sont là par dépit, et qui pour certains n’exerceront même pas le métier de pharmacien à la fin de leurs études », regrette Alain Grollaud, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie. Pour Elise Palfray, présidente de la commission entreprise officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la réforme pèche aussi par sa complexité. « Lorsqu’ils arrivent sur Parcoursup, les élèves en terminale et leurs parents ont souvent du mal à comprendre les différences entre Pass et LAS, souligne-t-elle. Ils ne savent donc pas quelle filière choisir, ce qui génère beaucoup d’anxiété. » « Cette réforme a même abouti à une situation absurde, ajoute Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). L’an passé, le mot “pharmacie” n’apparaissait pas sur Parcoursup lorsque vous effectuiez des recherches sur les études de santé. Comment voulez-vous dans ces conditions motiver des lycéens à devenir pharmacien ? »
Accès direct ou non
Pour redonner de la visibilité et de l’attractivité aux études de pharmacie, les représentants de la profession affichent des positions à géométrie variable. L’USPO, Federgy et l’UDGPO réclament l’abrogation des Pass et Las, et un retour à un accès direct en 1re année de pharmacie. « Cela permettrait de mieux flécher les jeunes ayant envie d’exercer notre métier », estime Laurent Filoche. Pierre-Olivier Variot est du même avis. « L’ancien système fonctionnait très bien, et faisait de la pharmacie un vrai choix, rappelle le président de l’USPO. Lorsque j’étais étudiant, toutes les facultés enregistraient quatre ou cinq fois plus de candidatures que de places disponibles. » La Conférence des doyens de pharmacie milite, elle, pour faire évoluer une réforme qu’elle a soutenue. « Face aux difficultés de recrutement rencontrées lors de la rentrée précédente, nous avions déjà soumis une proposition visant à instaurer une voie de recrutement supplémentaire directement en 1re année de faculté de pharmacie, en parallèle aux voies d’accès existantes, confie Vincent Lisowski. Malheureusement, cette idée, soutenue par la FSPF, l’Académie nationale de pharmacie et les unions régionales des professionnels de santé (URPS), n’a pas eu l’aval du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). » Au sein des instances de la profession, l’Anepf est en effet la seule à prôner le statu quo. « Revenir à un accès direct nous semble prématuré, car cela fait seulement trois ans que les filières Pass et LAS ont été mises en place, remarque Nicolas Savic, son porte-parole. Nous sommes par ailleurs contre une sortie de la pharmacie des filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, kinésithérapie (MMOPK), cela irait à l’encontre de l’interprofessionnalité que l’on nous demande de développer. Or, en 1re année d’études de santé Pass ou LAS, nous côtoyons les futurs médecins avec qui nous serons amenés à collaborer dans le cadre d’un exercice coordonné. Nous estimons donc qu’il faudrait commencer par appliquer la réforme correctement, et lui laisser le temps de produire ses effets avant de vouloir une nouvelle fois tout changer. »
Etat d’urgence
Cet argument de vouloir laisser du temps au temps, Sébastien Faure l’entend. « C’est vrai que trois ans, c’est court pour dresser un bilan définitif, reconnaît-il. Dans ma faculté à Angers, où nous appliquons la réforme depuis presque six ans en tant qu’établissement pilote, nous étions l’an passé la seule faculté de France à avoir fait le plein. Cette année, nous sommes plusieurs dans ce cas. On peut donc penser que les choses pourraient progressivement rentrer dans l’ordre. » Pour les syndicats de pharmaciens ou de groupements, les arguments de l’Anepf ne sont pas recevables. « Après ces deux années consécutives de déficit en matière de recrutement, nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre, résume Alain Grollaud. Il faut très vite revenir à un accès direct en 1re année de pharmacie si l’on veut revaloriser les études et le métier, et éviter d’aggraver une pénurie de pharmaciens diplômés déjà préoccupante. » L’argument de l’interprofessionnalité avancé par l’Anepf ne tient pas plus pour Elise Palfray. « En 1re année, les étudiants ne savent pas encore s’ils feront médecine, odontologie ou pharmacie. Ce n’est donc pas à ce stade qu’ils découvrent l’interprofessionnalité, estime-t-elle. Ils le font en 4e ou 5e année lorsque les étudiants des différentes filières partagent des séminaires communs sur l’exercice coordonné, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). »
Améliorer la visibilité de la filière
Malgré la fin de non-recevoir du ministère de tutelle et de l’Anepf, la profession continue de se mobiliser. Depuis un an, la Conférence des doyens de pharmacie, l’Anepf et le Cnop ont travaillé de concert pour améliorer la visibilité des études de pharmacie sur Parcoursup. « Nous avons posté des capsules vidéos expliquant aux lycéens la richesse et la diversité de nos métiers et œuvré pour que, lorsqu’un lycéen tape le mot-clé “pharmacie”, celui-ci apparaisse dans les résultats, ce qui n’était pas le cas auparavant, souligne Vincent Lisowski. Dans les régions, nous sommes aussi de plus en plus présents sur les salons étudiants, et nous multiplions les rencontres dans les collèges et les lycées. » Le Cnop, qui se refuse pour l’heure à prendre position sur le sujet, a aussi créé il y a un an un groupe de travail universitaire réunissant toutes les parties prenantes. Objectif : formuler des propositions consensuelles pour redonner de l’attractivité et de la visibilité aux études de pharmacie. Lucides, les représentants de la profession savent que le chemin qui pourrait conduire au retour à un accès direct en 1re année de pharmacie reste hypothétique. « Nous espérons tous que les conclusions de l’audit que la Cour des comptes vient de démarrer pour évaluer l’impact de la réforme Pass et LAS sur l’accès aux études de santé permettront de faire bouger les lignes, dans l’intérêt de toutes les filières de santé. En espérant qu’elles n’arriveront pas trop tard car, si l’on ne réagit pas très vite, le déficit démographique de pharmaciens risque de se creuser encore davantage », conclut Vincent Lisowski.
Passerelles et adaptations
Après le choc de l’annonce des 1 200 places vacantes l’an passé, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop) a créé il y a un an un groupe de travail universitaire réunissant toutes les parties prenantes et piloté par Sébastien Faure, doyen de la faculté de pharmacie d’Angers (Maine-et-Loire) et membre du Cnop. L’objectif ? Formuler des propositions consensuelles pour redonner de l’attractivité et de la visibilité aux études de pharmacie. Plusieurs pistes sont explorées. « Nous étudions, par exemple, la possibilité d’étendre les passerelles et dérogations qui existent déjà pour accéder en 2e, 3e ou 4e année de pharmacie aux étudiants des bachelors universitaires de technologie (BUT), des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou des écoles d’ingénieurs et de commerce, détaille Sébastien Faure. Cette extension pourrait nous aider à remplir les bancs de nos facultés, tout en diversifiant les profils de nos étudiants. Nous réfléchissons également sur les possibilités d’adapter le cursus des LAS afin de le rendre plus attractif, et plus proche des enseignements que les étudiants suivront en 2e année de pharmacie. Ce qui pourrait passer par un recentrage du dispositif sur certaines disciplines, la réforme étant probablement allée un peu trop loin en matière de diversité. Les étudiants en LAS n’ont en effet pas tous les prérequis pour suivre le cursus. Ce qui nous oblige à mettre en place pour eux des modules de remédiation. »
À retenir
– 471 places sont encore vacantes en 2e année de pharmacie pour la rentrée 2023-2024.
– Une partie de la profession estime que la désaffection de la filière est due à la réforme du parcours accès santé spécifique (Pass) et de la licence accès santé (LAS).
Publicité– Certains veulent supprimer les Pass et les LAS et d’autres, comme la Conférence des doyens de pharmacie, souhaitent instaurer un accès direct en 1re année de pharmacie.
– L’Ordre des pharmaciens travaille à la création de passerelles et à l’adaptation du cursus des LAS.
Une filière toujours aussi sélective et scientifique
Les données de la sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche permettent de mieux cerner le profil des étudiants ayant réussi à accéder en 2e année d’études de santé en 2021-2022, soit un an après la mise en place de la réforme.
– 57 % des admis en études du parcours accès santé spécifique (Pass) ou de la licence accès santé (LAS) ont obtenu une mention « très bien » au bac et 30 % une mention « assez bien ».
– 25 % seulement des étudiants ont été admis après leur 1re année en Pass ou en LAS.
– 82 % des admis étaient inscrits en Pass, mais ces derniers représentaient aussi 74 % des candidats.
– 58 % des néobacheliers en LAS avaient choisi une majeure « scientifique ». Parmi eux, 37 % ont opté pour les sciences de la vie, de la santé, de la Terre et de l’univers.
– Les néobacheliers ayant préféré la majeure en sciences de la vie, de la santé, de la Terre et de l’univers affichaient un taux de passage en 2e année de santé de 27 %, quasi identique à celui des étudiants en Pass (28 %).
– Le nombre de néobacheliers admis en 2e année de santé a progressé en un an de + 33 %, passant de 6 500 à 8 400.
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