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“J’ai mal à la gorge”

Publié le 3 novembre 2014
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Précisez la demande

« Est-ce pour vous ? » et, selon le cas, « Quel âge a l’enfant ? », « Que ressentez-vous ? Une irritation ? Une douleur intense en avalant ? Un enrouement ? » et « Depuis quand avez-vous mal ? » renseignent la symptomatologie.

Recherchez certains critères

« Avez-vous de la fièvre, une toux, le nez bouché ou qui coule ? » et « Avez-vous déjà pris quelque chose pour vous soulager ? » limitent l’iatrogénie.

« Avez-vous des problèmes de santé et prenez-vous des médicaments particuliers ? » recherche une éventuelle cause iatrogène ; ainsi, les atropiniques favorisent une sécheresse buccale.

2 J’évalue

Seuls des maux de gorge récents relèvent d’une prise en charge à l’officine. En général bénins et concomitants à une infection (voir Contexte), les maux de gorge justifient, selon leur intensité, un traitement antalgique/antipyrétique pour diminuer douleur et/ou fièvre, et éventuellement pastilles ou collutoires en sachant que ces derniers apportent peu de bénéfices par rapport à de simples bonbons à sucer.

Consulter est impératif en cas de : maux de gorge évoluant depuis plus de trois jours sans amélioration ; fièvre > 38 °C ou maux de gorge intenses et isolés (ni toux ou rhume), notamment entre 3 et 15 ans, plus souvent sujets aux angines à streptocoque A ; de difficultés respiratoires, ou d’autres signes cutanés, digestifs.

3 Je passe en revue

Moyens non médicamenteux

Sucer quelque chose (bonbons…) stimule la production salivaire, ce qui lubrifie et apaise les muqueuses enflammées et contribue à évincer les micro-organismes. Boire suffisamment, chaud ou froid, contribue aussi à hydrater les muqueuses et à apaiser la gêne. À répéter sans modération au long de la journée.

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Traitements spécifiques

– Antalgiques. Le paracétamol est le traitement de première intention pour soulager la douleur et la fièvre, si présente.

– Antiseptiques locaux. Cétylpyridinium, chlorhexidine, amylmétacrésol, hexétidine, biclotymol, hexamidine… visent à limiter le développement des bactéries, d’où une action anti-inflammatoire, mais aucune efficacité démontrée pour soulager ou accélérer la guérison. Précautions : la chlorhexidine peut colorer transitoirement en brun langue et dents.

– Anesthésiques locaux. Tétracaïne, lidocaïne, ambroxol, chlorobutanol… peuvent apaiser la douleur durant deux à trois heures. Précautions : une sensation d’engourdissement de la langue et des muqueuses survient après la prise, à l’origine de fausses-routes. Des spécialités sont contre-indiquées avant 6, 12 ou 15 ans.

– À visée anti-inflammatoire. L’enzyme alpha amylase (Maxilase, Mégamylase…) lyse des composants de la paroi de certaines bactéries. Disponible en sirop (dès 6 mois) ou en comprimé, elle peut compléter un traitement local. Autres : l’énoxolone aux propriétés anti-inflammatoires ; le pivalate de tixocortol (Thiovalone, Rhinadvil Maux de gorge…), corticostéroïde local sans effets systémiques.

– Les AINS. Le flurbiprofène en pastilles (Strefen) expose aux mêmes effets indésirables et contre-indications que les AINS par voie générale : ulcère ou antécédent d’ulcère gastro-duodénal, insuffisance rénale ou cardiaque, grossesse dès cinq mois révolus, avant 12 ans. Il est déconseillé aussi en début de grossesse, aux patients déjà sous AINS, dont aspirine, et à ceux sous anticoagulant. La forme « pastille à sucer » banalise les effets indésirables ; mieux vaut orienter vers un traitement à meilleure balance bénéfice/risque. Déconseiller l’ibuprofène hors couverture antibiotique car, outre ses effets indésirables, il peut aggraver une infection.

– Autres. Le propolis est traditionnellement utilisé pour ses vertus antimicrobiennes et anti-inflammatoires dans les infections ORL, mais les études cliniques sont peu nombreuses ; déconseillé aux allergiques aux piqûres d’abeille ou aux produits de la ruche (miel, gelée royale…). L’érysimum est une plante traditionnellement utilisée en cas d’enrouement. Les huiles essentielles de pin, eucalyptus radié, giroflier, thym… ont des propriétés anti-infectieuses mises à profit dans les infections ORL ; pas d’emploi en cas d’antécédents d’asthme ou de convulsions. Enfin, les sels de bismuth en suppositoires (Biquinol, Pholcones Bismuth…) sont indiqués dès 6 ans dans les états congestifs de l’oropharynx.

4 Je choisis

Selon les symptômes

→ Douleurs importantes : orienter vers une référence avec un anesthésique local.

→ Contexte de rhume ou état grippal (nez qui coule, toux…) : traitement local avec huiles essentielles chez ceux qui ne sont pas rebutés par le goût puissant.

→ En cas d’enrouement : les références avec érysimum sont adaptées.

Selon la galénique

→ Les pastilles, sucées lentement, libèrent progressivement les actifs et soulagent plus longtemps que les collutoires. Les « sans sucre » limitent le risque carieux ; à préférer en cas de diabète.

→ Les collutoires favorisent une bonne imprégnation de la muqueuse pharyngée. Éventuellement, les associer aux pastilles mais choisir des actifs complémentaires (pas deux anesthésiants).

Selon l’âge

→ Les pastilles sont toutes contre-indiquées chez les enfants de moins de 6 ans. Certains collutoires s’emploient dès 30 mois mais sont contre-indiqués avant en raison du risque de laryngospasme.

→ Les spécialités avec anesthésique sont contre-indiquées avant 6 ans et s’utilisent avec précaution entre 6 et 12 ans. Certaines sont contre-indiquées avant 15 ans.

5 J’explique

Les maux de gorge évoluent le plus souvent vers la guérison en trois à quatre jours, même sans traitement. Des moyens non médicamenteux limitent la gêne mais n’accélèrent pas la guérison. Si les signes s’aggravent ou persistent après trois jours, consulter un médecin.

6 Je conseille

Modalités de prise

Prendre un traitement local à distance des repas pour un effet optimal, à intervalles réguliers tout au long de la journée ; en présence d’un anesthésique local, ne pas manger ni boire dans les deux heures qui suivent la prise pour éviter tout risque de fausse-route.

Limiter la contagion

L’angine se transmet essentiellement par les contacts oraux et les projections de salive. Rappeler les règles classiques d’hygiène : tousser ou éternuer dans le pli du coude, utiliser des mouchoirs en papier et les jeter après, se laver fréquemment les mains ou recourir à des solutions hydroalcooliques.

Se protéger de l’extérieur

→ Se méfier des écarts de température (chaud/froid) et de la climatisation. Protéger son cou du froid ou des courants d’air avec des vêtements faciles à mettre et à enlever (écharpes, foulards).

→ Éviter les atmosphères enfumées. Opter pour un humidificateur dans la chambre si l’air y est trop sec.

Le contexte

Les maux de gorge sont dus à une irritation ou une inflammation du pharynx ou des amygdales, d’origine infectieuse ou non : air sec ou enfumé, sollicitation excessive des cordes vocales, allergies, substances irritantes…

Parmi les causes infectieuses, la rhinopharyngite, souvent virale, associe congestion nasale ou rhinorrhée, toux, mal de tête et maux de gorge ou enrouement avec disparition des maux de gorge en trois à quatre jours. L’angine, d’apparition brutale avec déglutition difficile et douloureuse et souvent fièvre et asthénie ; la grande majorité évolue favorablement en trois à quatre jours, sans traitement. Les complications graves (phlegmon…) concernent surtout les angines bactériennes à streptocoque A. Autres causes d’angines : mononucléose infectieuse, angine herpétique, angine de Vincent (bactérienne, favorisée par une mauvaise hygiène dentaire chez l’adulte, elle associe dysphagie fébrile et mauvaise haleine).

Contexte d’un streptocoque A : saisonnalité (hiver, printemps), enfants (3-15 ans), fièvre > 38 °C, maux de gorge intenses, pas de toux, gros ganglion douloureux.