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L’alopécie androgénique

Publié le 27 septembre 2023
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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La chute de cheveux liée aux androgènes est aussi l’une des principales causes d’alopécie diffuse chez la femme. Les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase imposent une surveillance particulière.

Qu’est-ce que l’alopécie ?

• L’alopécie, du grec « alopex », « renard », en référence à la chute saisonnière de son pelage, désigne une chute anormale de cheveux par rapport au renouvellement naturel, avec une diminution perceptible de leur densité, jusqu’à leur disparition sur tout ou partie du cuir chevelu. La calvitie est l’absence plus ou moins complète de cheveux à la suite d’une alopécie.

• Les alopécies se classent en deux catégories selon leur mécanisme d’apparition.

→ Les alopécies « cicatricielles » apparaissent lorsque les follicules pileux sont détruits de façon irréversible, en lien avec un lupus érythémateux, une tumeur, une radiothérapie…

→ Les « non cicatricielles » sont liées à une inhibition ou à un ralentissement de la croissance des cheveux, aigu ou chronique (qui dure depuis plus de 6 mois) avec une repousse possible sauf l’évolution secondaire vers une alopécie cicatricielle. Les causes peuvent être multiples : chimiothérapies, carence en fer, dysthyroïdie, stress, infection (teigne, syphilis…), atteinte auto-immune tels une pelade, l’arrachage par trouble compulsif (trichotillomanie), anticoagulants, anticonvulsivants… L’alopécie androgénique, du moins à ses débuts, entre dans cette dernière catégorie.

Quelle est la vie des cheveux ?

• Le cheveu est constitué d’une racine, ou follicule pileux, qui lui donne naissance, d’une tige pilaire et d’annexes (glande sébacée et muscle arrecteur du poil). Il est surtout composé de kératine, une protéine de 18 acides aminés dont la cystéine, d’eau, de pigments telle la mélanine, d’acides gras, de fer, zinc, vitamines…

• Les follicules pileux, dont le nombre diminue avec l’âge, sont des annexes de l’épithélium du cuir chevelu. Ils se développent en 3 phases :

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→ la phase anagène : le follicule génère un cheveu qui croît de 0,3 mm en moyenne par jour pendant plusieurs années sous l’influence de facteurs de croissance, d’apports en protéines, oligoéléments et d’hormones qui favorisent ou freinent la croissance : estrogènes, hormones thyroïdiennes, androgènes… ;

→ la phase catagène, d’une durée de trois semaines, durant laquelle l’activité germinative cesse jusqu’à expulsion et chute du cheveu ;

→ la phase télogène correspond à la « dormance » du follicule durant quelques semaines, avant d’entamer un nouveau cycle.

• Les phases n’étant pas synchronisées entre les différents follicules, la chevelure garde sa densité grâce au renouvellement permanent.

• Une chevelure adulte comporte en moyenne 100 000 à 150 000 cheveux ; une chute quotidienne de 30 à 50 cheveux est normale.

Quelles causes ?

• L’alopécie androgénique est liée aux hormones masculines qui, paradoxalement, stimulent la pousse des poils. Les bulbes capillaires du cuir chevelu comportent des récepteurs aux androgènes sur lesquels se fixe la dihydrotestostérone (DHT) qui provient de la conversion de la testostérone via l’enzyme 5 alpha-réductase.

• Sous l’influence de l’âge et de facteurs génétiques, cette liaison de forte affinité provoque régression et miniaturisation du follicule pileux. La phase anagène se réduit, les cheveux sont de plus en plus courts et fins puis réduits à l’état de duvet peu couvrant. Dans les formes avancées, le follicule pileux peut mourir et disparaître, laissant place à des zones de calvitie.

Quelle manifestation ?

Le cuir chevelu reste sain, et l’alopécie évolue différemment selon les sexes (voir encadré ci-dessus).

• Chez l’homme. Typiquement, elle débute au niveau des tempes, avec recul de la lisière frontale, puis progresse au niveau du vertex (sommet du crâne) laissant une seule couronne temporale au-dessus des oreilles et de l’occiput (arrière de la tête).

• Chez la femme, cette alopécie, moins caractéristique et plus diffuse, se manifeste par une chevelure clairsemée au niveau de la raie centrale qui s’étend en « sapin » au niveau du vertex, sans créer de zones de calvitie.

Comment la diagnostiquer ?

• Chez l’homme, le diagnostic est clinique du fait de la topographie caractéristique, de la forte prévalence et du caractère héréditaire.

• Chez la femme, une consultation médicale est recommandée. Un bilan recherche une cause d’hyperandrogénie, a fortiori en présence d’acné, de troubles des règles, d’hirsutisme… : dosage des hormones (testostérone, surrénaliennes, ovariennes), échographie pelvienne… Dysthyroïdie et carence en fer sont à écarter.

• Le diagnostic peut être confirmé par un examen dermoscopique, ou « trichoscopie ». Un dermoscope muni d’une source de lumière et de lentilles grossissantes observe la miniaturisation des follicules pileux et des disparités de calibre des cheveux.

Quel traitement ?

L’alopécie androgénique entraîne un préjudice esthétique et psychologique. Le traitement médicamenteux vise à suspendre l’involution naturelle des follicules, et ainsi ralentir leur chute, voire stimuler leur repousse. Une microgreffe de cheveux peut être proposée.

• Médicaments. Leur efficacité, variable, est visible après trois à six mois et cesse un à trois mois après l’arrêt, d’où la prise au long cours.

→ Le finastéride 1 mg. Cet anti-androgène inhibiteur de la 5 alpha-réductase n’est indiqué que chez l’homme entre 18 et 41 ans, sur prescription, à raison de 1 mg par jour par voie orale. Les effets indésirables, peu fréquents, doivent être pris en compte (voir encadré page ci-contre).

→ Le minoxidil, vasodilatateur, est indiqué dans l’alopécie androgénique en topique à 2 ou 5 % à raison de 1 ml, 2 fois par jour, sur la zone à traiter. Effets indésirables : érythème, sécheresse, prurit, sensation de brûlure et hypertrichose à distance de la zone ; passage systémique possible avec hypotension, tachycardie, rétention hyposodée. La texture et la couleur des cheveux peuvent être modifiées.

• Chez l’homme, sont utilisés le finastéride et le minoxidil, hormis la lotion à 5 % après 65 ans.

• Chez la femme, le traitement de référence est le minoxidil à 2 % (et pas à 5 % en raison d’un risque important d’hypertrichose – augmentation des poils sur le corps) mais ni durant la grossesse ni l’allaitement.

→ Le choix de la pilule contraceptive peut évoluer vers des progestatifs de 3e et 4e générations avec effet anti-androgène, en pesant la balance bénéfices-risques (risque thromboembolique : drospirénone, chlormadinone, nomégestrol…).

→ La spironolactone, aux propriétés anti-androgéniques, est parfois prescrite hors AMM.

Quels conseils donner ?

• Protéger la zone de cuir chevelu concernée du soleil par un chapeau ou une protection élevée ;

• Éviter les habitudes capillaires agressives pour le cuir chevelu : chaleur, coiffures tirées (chignon, tresses…), colorations, défrisages… ;

• Se laver les cheveux, même souvent, n’aggrave pas l’alopécie : utiliser un shampooing doux pour ne pas irriter le cuir chevelu.

Troubles sexuels et psychiatriques avec le finastéride

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a alerté sur les risques d’effets indésirables du finastéride pendant ou après le traitement, notamment :

→ psychiatriques, avec anxiété, dépression, pensées suicidaires ;

→ sexuels, avec troubles de l’érection, de l’éjaculation, du spermogramme, douleurs testiculaires, diminution de la libido, infertilité masculine. Informer les patients et leur dire d’arrêter le traitement en cas d’apparition de ces signes et de consulter leur médecin.

Depuis avril 2023, les boîtes de médicaments contenant du finastéride comportent un encadré rouge rappelant ces risques.

Un Q/R code renvoie à une fiche informative à remettre et à une vidéo expliquant comment déclarer les effets indésirables.

Lien : ansm.sante.fr > Dossier thématique « Finastéride 1 mg et chute de cheveux ».

Info +

→ L’alopécie androgénique touche particulièrement les hommes, notamment caucasiens : 15 % à l’âge de 20 ans, 30 % à 30 ans, 50 % à 50 ans et jusqu’à 80 % après 70 ans (1). Elle est tellement fréquente qu’elle est considérée comme une évolution physiologique normale. Elle est moins fréquente chez la femme mais représente néanmoins la cause la plus fréquente d’alopécie chronique diffuse féminine. On estime sa prévalence à environ 20 % après 40 ans, le plus souvent après la ménopause.

(1) Severi G, Sinclair R, Hopper JL, English DR, McCredie MR, Boyle P, Giles GG. Androgenetic alopecia in men aged 40-69 years : prevalence and risk factors. Br J Dermatol. 2003.