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“La médecine ne se résume pas à ordonner”
Pr Gérard Reach, responsable du service d’endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques de l’hôpital Avicenne, Bobigny, auteur de Pourquoi se soigne-t-on ? Enquête sur la rationalité morale de l’observance (Le Bord de l’eau, 2e édition) et de Une théorie du soin, souci et amour face à la maladie (Les Belles lettres, 2010)
L’inobservance est-elle naturelle ?
Oui, irrationnelle mais naturelle. Ce qui n’est pas naturel, c’est de prendre des médicaments et de faire des efforts pour manger cinq fruits et légumes ou marcher trente minutes chaque jour. Les médecins pensent que c’est naturel car ils sont convaincus des bienfaits sur le plan sanitaire et ils n’ont pas tort. Mais la réalité humaine fait qu’il y a 50 000 raisons de ne pas faire les choses qu’on devrait faire !
Pourquoi, si on sait que ces choses sont bonnes pour nous ?
C’est comme mettre ou non sa ceinture de sécurité en voiture. Il y a toute une psychopathologie de la vie quotidienne qui explique que l’on ne fait pas de petites choses que l’on sait bonnes car elles nécessitent des efforts et que l’humain est naturellement paresseux. Il faut se forcer pour aller marcher, refuser une part de gâteau ou prendre ses comprimés.
Pour le gâteau, on comprend bien, mais quel plaisir à ne pas prendre ses comprimés ?
Peut-être simplement à cause d’un problème de déni. Quand je prends le comprimé, je me rappelle que je suis malade, et pour ne pas avoir cette idée désagréable, inconsciemment, je ne le prends pas. Une autre explication est celle des effets indésirables. Avec la metformine, par exemple, qui entraîne souvent des troubles digestifs, pourquoi transformer une maladie asymptomatique en une maladie où on a la diarrhée ?
C’est ce que vous appelez la myopie clinique dans votre livre Pourquoi se soigne-ton ?
La myopie clinique est une expression qui renvoie au problème entre récompense rapide et récompense lointaine. Les gens donnent plus de poids à une récompense proche et?concrète, même si elle est petite, comme manger un gâteau ou ne pas prendre de comprimés, qu’à une récompense lointaine et abstraite, qui est de conserver sa santé sans complications.
Néanmoins certains patients sont observants…
Oui, car c’est un problème de caractère. À mon sens, deux traits de caractère peuvent expliquer la non-observance : l’impatience, c’est-à-dire donner la préférence au court terme, et la désobéissance. J’ai pu le vérifier dans une étude. Les patients qui mettent leur ceinture de sécurité sont aussi les plus observants, c’est un problème d’obéissance globale. Aborder les traits de caractère a tout de suite une conséquence très difficile : quand on dit qu’il faut améliorer l’observance, de quoi se mêle-t-on ?
L’OMS dit pourtant qu’améliorer l’observance serait le plus grand progrès médical…
Sur le plan sanitaire, l’OMS a raison. Mais comment peut-on justifier du point de vue éthique le désir d’améliorer l’observance ? A-t-on le droit de lutter contre le caractère des gens ? En tant que professionnel de santé, ces interrogations mènent à se poser la question terrifiante : est-ce que je manipule mes patients ? On risque de tomber dans des comportements médicaux du type « Faites ci », « Ne faites pas ça » et on revient à un modèle paternaliste qui est autant scandaleux qu’inefficace.
Quel comportement alors adopter face à un patient inobservant ?
Il faut rendre au patient la maîtrise. C’est la toute la différence entre manipulation et éducation thérapeutique. La non-observance résulte d’un combat pour le patient entre les forces du passé, ou « l’avant-maladie », et celles du futur, angoissantes, car il ne sait pas ce qui va se passer. Le rôle du soignant est de l’aider à devenir l’arbitre de ce combat, de l’amener à donner la priorité au futur, c’est-à-dire, finalement, à décider qu’il a intérêt à prendre son traitement.
Concrètement, comment faire ?
Il faut commencer par essayer de comprendre le patient. Tant que nous, professionnels de santé, ferons l’erreur de voir un malade ou, pire, une maladie et non une personne, nous ne comprendrons pas son comportement. Le fond du problème est la discordance de vision : celle du médecin qui se dit « Comment ça se fait qu’il ne fait pas ce que je lui dis alors que c’est tellement génial » et celle du patient, qui dit « Je m’excuse, je ne suis pas un patient, je suis Monsieur Dupont et le problème médical, c’est une toute petite partie de ma vie ».
Comment lui rendre la maîtrise de son traitement ?
On devrait déjà bannir le mot ordonnance, la médecine ne se résume pas à ordonner. Avec une prescription, on lui donne la possibilité d’arbitrer son conflit. Je suis diabétologue, j’aimerais qu’un patient diabétique de type 1 mesure sa glycémie six fois par jour. Si j’écris « Six par jour », il ne le fera pas. Si je lui dis « Je mets sur mon ordonnance six bandelettes par jour comme ça vous aurez la possibilité de faire ce que vous voulez », j’espère qu’il va se dire « Il m’en a mis six par jour parce qu’il pense que c’est bon pour moi ». C’est maintenant à lui d’arbitrer son conflit intérieur et l’expérience montre que ça marche.
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