Soigner la culture client
La culture client de l’entreprise devient l’élément clé de la fidélisation. voilA pourquoi notre reportage officine met desormais en place un audit auprès des équipes pour l’évaluer.
Entrez dans une pharmacie et demandez un produit courant potentiellement dopant. Et là, que se passe-t-il ? Soit on vous sert gentiment sans mot dire. Soit on commence à vous interroger pour savoir si vous vous apprêtez à suivre une compétition, etc. Dans le premier cas, on ne respecte pas la promesse d’expertise revendiquée par la croix verte. Dans le second, le vendeur s’est mis en position d’écoute. Il accorde de la considération à l’acheteur en voulant l’informer des conséquences du produit. On dit de cette démarche qu’elle est « orientée client ». Cette orientation peut être propre au vendeur ou entretenue par une « culture client » de l’entreprise.
D’où vient cette culture ? Elle naît d’abord de la conviction d’un patron de la nécessité de tout faire pour rendre service à ses clients. Cette certitude induit un comportement spécifique qui génère de la satisfaction client, donc de la fidélité et donc du chiffre d’affaires. Cette préoccupation sincère centrée sur la satisfaction client est en train de se développer dans de nombreux secteurs d’activité, y compris en santé. « L’orientation client c’est un ensemble de croyances qui donne priorité aux intérêts du client et une volonté de développement d’une entreprise sur le long terme », explique sur son site Christian Barbaray, gérant d’Init, un cabinet « d’études marketing et capital clients ». Or, dans un commerce, la priorité reste parfois totalement déconnectée du client quand l’objectif du jour se résume au montant du panier moyen…
UN AXE de différenciation
Cette culture client fait déjà la réputation de certaines entreprises. Comme Amazon qui facilite la vie en permettant un achat en trois clics, livre à l’heure voire en avance… L’entreprise américaine a pour particularité d’être pilotée par un boss convaincu que ses clients ont mieux à faire que de passer du temps à faire leurs achats. Dès lors, tout est mis en œuvre pour simplifier la vie des internautes. Mais, dans la réalité, la culture client est moins souvent génétiquement portée par le dirigeant qu’utilisée comme levier au moment où les marchés se tendent. A ces périodes difficiles, les entreprises d’un secteur cherchent plus que jamais à se différencier. Certaines le font par le prix mais le créneau est déjà très utilisé. D’autres choisissent l’innovation comme Apple et Nespresso, mais toutes n’y parviennent pas.
N’est-ce pas ce qui se passe en ce moment dans les officines ? « Il faut passer par bien des écueils avant de s’orienter client », constate Daniel Ray, professeur de marketing à Grenoble Ecole de Management, cofondateur du Customer Orientation Score (COS) avec Guillaume Antonietti, président de la société Côté Clients. Ce score mesure le niveau de culture client, c’est-à-dire « l’ensemble des attitudes et comportements qui reflètent une réelle préoccupation de vouloir satisfaire le client de façon durable ».
TROIS PILIERS indissociables
La culture client se développe sur trois piliers. Le premier est l’impulsion stratégique. Le patron orienté client est exemplaire. Il est par exemple capable d’offrir gratuitement un produit à un client fidèle et devant toute l’équipe. Quand il parle de performance ou de rémunération, il ne fait pas uniquement référence au chiffre d’affaires et à la marge. La satisfaction du client fait partie de ses critères. « Ce n’est pas la même chose de visiter un magasin en commençant par demander des nouvelles du chiffre d’affaires et de la rentabilité ou par s’enquérir de l’avis des clients sur ce point de vente », observe Benoît Latron, directeur marketing France de Kiabi. Cette chaîne de prêt-à-porter a fait appel au score COS pour faire le point sur sa culture client qui semble s’émousser (lire encadré ci-dessus).
Le deuxième pilier tient à la connaissance du client. « Il ne s’agit pas seulement de reconnaître madame Unetelle mais de s’assurer que toute l’équipe a un bon niveau de connaissance des clients et de leurs attentes », détaille Guillaume Antonietti.
Enfin, le troisième pilier repose sur l’autonomie des collaborateurs. Le salarié doit avoir toute latitude pour suivre les process de l’entreprise ou ponctuellement s’en écarter. « S’il commet une erreur, il sera toujours temps de faire un débriefing et cela ne se reproduira plus. Pour une erreur, on aura neuf bonnes actions réalisées à l’initiative des collaborateurs », assure Guillaume Antonietti. Et de citer un exemple chez Leroy Merlin, où un vendeur a pris la décision de remplacer un produit défectueux quelques jours après l’échéance de la garantie. « Au lieu de dire qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire, il a privilégié la poursuite de la relation. C’est signe d’un esprit profondément orienté client. »
LE PARTAGE comme moteur
Pour arriver à ce résultat, il faut déjà le vouloir. Puis mettre en place une organisation qui permettra de connaître les attentes de la clientèle. Dans une pharmacie, cela peut se traduire par l’appel des patients réguliers qui ne seraient pas venus renouveler leur ordonnance, et pour lesquels cela représente un danger. Et puis, il ne faut pas oublier de mesurer régulièrement la satisfaction client dans l’objectif de résoudre chaque insatisfaction de façon durable. Mais la démarche n’est efficace que s’il y a partage des informations clients à travers des moments d’échange (déjeuners) ou des réunions d’équipe.
CONSEILS
→ Identifier les besoins et attentes des clients.
→ Organiser l’entreprise pour partager l’information sur les clients et proposer les produits et services adaptés à leurs attentes.
→ Mesurer la satisfaction des clients et traiter les sources d’insatisfaction.
« LA RENTABILITÉ des investissements en orientation client est deux fois supérieure pour les premières entreprises d’un marché à adopter cette culture », selon Daniel Ray, professeur de marketing à Grenoble Ecole de Management.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Un client satisfait et donc fidèle est moins regardant aux prix. Cela s’appelle la confiance.
Cas d’écoleDes mesures concrètes chez Kiabi
Pendant un moment très (trop ?) centré sur sa gestion, Kiabi a quelque peu négligé sa culture client. Mais ça, c’était avant. La chaîne de prêt à porter fait désormais appel à Côté Clients pour mesurer sa culture client. Depuis le verdict, plusieurs décisions ont été prises. Désormais, le siège ferme trois fois par an pour permettre à chaque collaborateur de se rendre dans les points de vente. L’enseigne a aussi simplifié ses process. Pour que son achat soit repris, le client Kiabi doit toujours fournir le ticket de caisse, ne pas avoir lavé le vêtement, etc. Sauf que désormais chaque vendeur a la latitude pour faire preuve de bon sens et éventuellement légèrement tordre le cou à la règle. C’est permis. Aussi, chez Kiabi, on propose aux clients, après un achat, d’expliquer par mail ce qui s’est bien passé ou encore les optimisations souhaitées afin de mettre en place des réponses durables et adaptées.
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