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PLUS DE CLARTÉ S’IL VOUS PLAÎT !
Depuis des années, les pharmaciens se plaignent de l’opacité de la facturation et des conditions commerciales pratiquées par les grossistes-répartiteurs. L’IGAS, dans un rapport rendu public le 16 avril dernier, met ce point en exergue et préconise plus de transparence.
La coupe est pleine ! Cela dépasse l’entendement ! », s’exclame Pierre-Jean Descaux, titulaire à Crépy-en-Valois (Oise). Il en a plus qu’assez de se battre depuis des années contre son grossiste-répartiteur pour obtenir les remises promises par les commerciaux. « Le principal problème est qu’il n’y a pas de contrat. Le commercial passe et annonce des remises que l’on ne retrouve pas dans sa facturation. On appelle, on obtient un rendez-vous et la demande est finalement ignorée. On bloque un paiement et, là, ça commence à s’agiter… au bout de 6 mois. C’est ce que j’ai fait encore récemment, en vain. »
Excédé, Pierre-Jean Descaux a décidé de s’adresser à ses confrères sur le plan national* pour les sonder. Il a ainsi recensé une centaine de plaintes et de témoignages qui dénoncent pêle mêle le manque de « transparence et de lisibilité » des factures, le non-respect des accords passés, le temps consacré à réclamer et obtenir les régularisations des factures pour les remises non réglées, « la discordance entre la présentation des remises grossistes et celles calculées par le comptable ». Ces problèmes génèrent des litiges qui peuvent durer des mois, voire des années. « Chaque pharmacien a toujours un retard de remises non versées qui l’oblige à ne pas quitter son grossiste car il espère un jour récupérer son dû, ce qui n’arrive jamais », constate Pierre-Jean Descaux. Le titulaire vient finalement d’écrire à l’Ordre pour lui demander d’aider les pharmaciens démunis face aux grossistes. « C’est un problème déontologique », insiste-t-il.
Opacité aussi pour l’Inspection générale des affaires sociales
Une lettre envoyée au moment même où le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la distribution en gros du médicament en ville est rendu public, pratiquement un an après sa finalisation. Ce rapport, qui comprend 19 recommandations, met justement en exergue « l’opacité de la facturation et des conditions commerciales » des grossistes-répartiteurs. « Les flux financiers entre officines et grossistes-répartiteurs sont difficilement lisibles : les prix, les montants et critères d’attribution des remises, la rémunération de la participation au capital des grossistes et la facturation de frais de livraison rendent difficile pour un pharmacien de savoir combien il paie les médicaments », écrit l’IGAS. La mission recommande donc « que les instances représentant les grossistes-répartiteurs et les officines définissent ensemble les principales informations devant figurer sur les bons de livraison et les factures » (proposition n° 12).
Une proposition qui sied aux syndicats de pharmaciens, lesquels constatent aussi des problèmes entre officines et grossistes-répartiteurs. « Nous ne pouvons que partager cette recommandation. Il est important que les relations commerciales entre grossiste et pharmacien soient clairement définies et que le pharmacien soit en capacité de vérifier les conditions commerciales qui lui ont été proposées. Quand c’est écrit, c’est mieux, déclare Philippe Gaertner, président de la FSPF. Il y a eu quelques efforts récents pour clarifier les conditions commerciales. Il y a des litiges et, si le litige est réel, le pharmacien changera d’acteur. C’est pour cela qu’il faut une multiplicité d’acteurs. » Pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, « il faut une telle rencontre, car tous les pharmaciens se plaignent. Il n’y a aucune transparence sur les prix pratiqués par les grossistes ni d’outil pour vérifier le respect d’écoulement des stocks. Les prix limites de vente ne sont non plus pas toujours respectés. Il serait bien d’avoir une clarification des bons de livraison et des factures, et de la traçabilité. » A l’UNPF, « on est ouvert à tout pour améliorer la traçabilité et la contractualisation, il est urgent de se réunir », explique Jean-Luc Fournival, président du syndicat, soulignant que les pharmaciens ne travaillent jamais dans un contrat défini.
Du côté des grossistes, Hubert Oliver, président du directoire de l’OCP, reconnaît que « l’opacité est clairement un ressenti des pharmaciens » et que « l’OCP a pris des dispositions ». Et de détailler : « Depuis deux-trois ans nous proposons de contractualiser nos relations commerciales annuelles et 70 % de nos clients ont décidé d’y adhérer. Cela permet d’avoir des prix nets sur facture pour les médicaments, les génériques, l’OTC et la parapharmacie. Nous avons aussi mis en place des outils de suivi des contrats et engagements réciproques, et du versement des remises que les pharmaciens peuvent vérifier en ligne ».
« Au vu de l’énorme volume transactionnel que nous gérons, nos factures comportent un niveau d’information et de détails important, nécessaire à la bonne compréhension du client. Si l’un d’eux a le moindre doute, nos équipes commerciales et opérationnelles sont disponibles en tout temps pour leur répondre, explique pour sa part Joaquim Fausto Ferreira, président d’Alliance Healthcare France. La proposition n° 12 de l’IGAS est intéressante. Elle n’en constitue néanmoins pas sa conclusion majeure : le constat de la fragilité du modèle économique de la répartition et la nécessité de revoir en conséquence son modèle de rémunération. Car, avant toute chose, ce dont le pharmacien a besoin, c’est que son principal fournisseur soit solide. »
Le pharmacien trop accaparé par la fonction achat
Pour le président du directoire de l’OCP, « la clarté et la confiance sont fondamentales pour que cela fonctionne ». L’efficience de la distribution en gros, c’est ce qui sous-tend le rapport de l’IGAS. Ce dernier aborde tous les aspects de la répartition, y compris sa mission de service public, mais également la fonction achat de la pharmacie d’officine. « Libérer le pharmacien de la fonction achat des médicaments en encourageant le développement d’intermédiaires spécialisés améliorerait le fonctionnement de l’ensemble de la chaîne », estime l’IGAS, qui se demande « si les officines sont de bons acheteurs ». Un point que Christian Grenier, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements, n’a pas manqué de relever : « Bercy et la DGCCRF demandent que le pharmacien n’achète plus car il y passe trop de temps. Ils voudraient qu’il se consacre à son métier et aux services qu’on va lui demander. C’est ce que dit le rapport. Le pharmacien pourrait confier ses achats aux groupements ou aux structures de regroupement à l’achat ou aux centrales d’achats pharmaceutiques, si on arrive à reconnaître ces structures. »
Une solution que n’envisagent pas forcément les pharmaciens – tel Pierre-Jean Descaux – qui veulent conserver leur indépendance. Pour Philippe Gaertner, « la délégation des achats à un autre acteur envisagée par l’IGAS est assez étonnante car la fonction achat est un déterminant de l’équilibre économique de l’officine ». Le débat ne fait que s’ouvrir…
* Si vous aussi vous souhaitez faire part de vos éventuelles difficultés, exprimez-vous sur remisegrossiste@laposte.net
Les autres points du rapport de l’IGAS
Le rapport de l’IGAS émet aussi des recommandations sur les ruptures d’approvisionnement, la rémunération des grossistes-répartiteurs (introduction progressive d’une part forfaitaire dans la rémunération de la distribution en gros) ou la modernisation de la répartition (comme déterminer les modalités d’un soutien public à la restructuration du réseau).
La Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, pour qui le rapport conforte son analyse économique, appelle le gouvernement à engager au plus vite une réforme du système de rémunération. Hubert Olivier, président du directoire de l’OCP, estime que ce rapport a le mérite d’ouvrir le débat et est satisfait de la proposition de rémunérer le service public rendu par la répartition. Le débat va être aussi ouvert pour les pharmaciens, car l’IGAS propose des pistes comme la mise en place d’une seule livraison par jour ou la création de chaînes de pharmacies.
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