Douleurs arthrosiques : ce qui marche ou pas pour les soulager

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Douleurs arthrosiques : ce qui marche ou pas pour les soulager

Publié le 16 octobre 2023
Par Violaine Badie
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Compléments par voie orale, produits topiques… Pour améliorer la qualité de vie, freiner la progression de la maladie, les solutions proposées sans ordonnance aux patients arthrosiques sont légion. Tour d’horizon à l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur.

Dans ses recommandations de prise en charge de 2020, la Société française de rhumatologie (SFR) rappelle l’importance d’une approche personnalisée et « la nécessité de combiner traitements pharmacologiques et non pharmacologiques » pour atteindre des objectifs à la fois symptomatiques et fonctionnels. Aux côtés d’indispensables mesures hygiénodiététiques (activité physique, bonne alimentation), certains produits pharmaceutiques s’avèrent pertinents en accompagnement des traitements habituels.

Les antiarthrosiques d’action lente

On y retrouve les traitements per os à base de glucosamine, de chondroïtine sulfate et d’insaponifiables d’huile d’avocat et de soja. « Ces molécules ont fait l’objet d’études sérieuses, puisqu’elles avaient le statut de médicament jusqu’en 2015 et étaient remboursées », détaille Jérémie Sellam, rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Bien que la Haute Autorité de santé ait depuis jugé leur service médical rendu insuffisant, la SFR continue de les inclure dans les recommandations de prise en charge de l’arthrose, à la fois dans une optique de réduction des douleurs et d’amélioration de la mobilité.

« Selon les méta-analyses, il semble qu’il y ait un petit effet, qui reste certes modeste au regard des autres traitements et même par rapport au placebo. Mais ces antiarthrosiques d’action lente font tout de même partie de l’arsenal thérapeutique », indique le responsable de la section arthrose de la SFR. Quand les conseiller ? « Face à un patient qui souhaite explorer de nouvelles solutions, il est tout à fait possible de lui proposer d’essayer ces molécules, pendant au moins trois mois, et de voir ce que ça lui apporte. » Présentant un bon profil de tolérance, ces traitements complémentaires sont aussi intéressants pour les patients présentant des comorbidités, à qui il n’est pas possible de donner des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

La question du dosage optimal se pose toutefois. Question sur laquelle les études n’ont pas vraiment statué. Le spécialiste recommande « de se tourner de préférence vers les références qui font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché », comme Piasclédine, Chondrosulf, Structum, Flexea, Osaflexan ou Structoflex. Des précautions s’avèrent toutefois nécessaires en cas de diabète, d’asthme ou d’hypercholestérolémie pour les traitements à base de glucosamine, de maladie du foie et des voies biliaires pour les insaponifiables d’huile d’avocat et de soja.

Qu’en est-il des compléments alimentaires proposant ces principes actifs ? La grande disparité des formulations, des processus d’extraction et de fabrication empêche d’émettre des conseils d’ordre général. A noter que, depuis 2012, les autorités sanitaires européennes interdisent aux compléments à base de glucosamine et de chondroïtine de mentionner des propriétés articulaires.

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Oméga 3, acide hyaluronique, collagène…

Parmi les autres molécules disponibles sur le marché, seuls les oméga 3 présentent un profil potentiellement intéressant, estime Jérémie Sellam. « Une large étude australienne publiée en 20221 a démontré que les oméga 3 pouvaient améliorer les symptômes de l’arthrose du genou. » Il note deux limites : la très forte posologie retenue dans cet essai clinique (4 g par jour) et le soulagement « relativement modeste pour une telle dose ». Rappelons que de grandes quantités d’oméga 3 augmentent le risque hémorragique. La SFR considère que la balance bénéfice-risque n’est pas suffisante pour proposer des compléments fortement dosés en oméga 3 aux patients souffrant d’arthrose.

De nombreux autres compléments sont parfois associés à l’arthrose. C’est le cas de ceux contenant de l’acide hyaluronique, du collagène et du méthylsulfonylméthane (MSM). Une revue de la littérature scientifique ne permet pas de conclure à une efficacité de ces substances dans cette indication. Ces compléments sont, eux aussi, soumis à une interdiction stricte de prétendre améliorer la santé articulaire.

La place de la phytothérapie

Les produits naturels étant de plus en plus plébiscités, les compléments à base de plantes peuvent aussi trouver leur place dans l’accompagnement des patients. Difficile d’arbitrer sur leur efficacité clinique toutefois, du fait de la disparité des méthodologies employées dans les essais, quand il y en a. Selon le rhumatologue, « le curcuma semble donner un signal intéressant dans le soulagement des symptômes, même s’il n’est pas possible d’en recommander une formulation plutôt qu’une autre. » Une méta-analyse publiée en 20222 conclut à une légère amélioration de tous les symptômes de l’arthrose, hormis la qualité de vie, pour des doses moyennes pondérées de 1 000 mg de curcumine par jour, pendant 4 à 16 semaines.

L’harpagophytum a lui aussi fait l’objet de plusieurs essais, avec des méthodologies très variables qui font qu’il n’entre pas (comme le reste des compléments de phytothérapie) dans les recommandations de la SFR. « Quelques études cliniques ont quand même démontré une certaine amélioration de la qualité de vie et du périmètre de marche », développe Olivier Grovel, professeur de pharmacognosie à l’université de Nantes (Loire-Atlantique). Cette plante est déconseillée aux personnes qui souffrent de maladies cardiovasculaires, de reflux gastro-œsophagien, d’ulcère de l’estomac ou du duodénum, ainsi qu’à celles présentant des calculs biliaires.

Dans la même famille des plantes à activité anti-inflammatoire, le spécialiste des produits pharmacologiques naturels cite les feuilles de cassis, l’écorce de saule ou encore la partie aérienne de la reine-des-prés. Les études ici se limitent à des observations in vitro. « Les feuilles de cassis semblent agir sur les chondrocytes et aideraient à diminuer la dégradation du cartilage, quand le saule et la reine-des-prés possèdent des propriétés antalgiques. » Vertus liées à la présence de salicine, transformée dans l’organisme en acide salicylique. C’est pourquoi ces deux dernières plantes présentent les mêmes contre-indications que l’aspirine. Le cassis, quant à lui, exige des précautions d’emploi chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou rénale.

Contre les douleurs aiguës, les applications locales

Crèmes et emplâtres anti-inflammatoires occupent une place de choix dans le soulagement des patients arthrosiques, avec un rapport bénéfice-risque en leur faveur en comparaison avec les mêmes médicaments par voie orale. La seule condition pour profiter pleinement de leur efficacité, comme le conseille Jérémie Sellam : une application matin et soir pendant plusieurs jours sur la zone douloureuse.

Enfin, « la simple action de masser une articulation aide à réduire temporairement les douleurs liées à l’inflammation, au même titre que l’application de froid », conclut le rhumatologue. Associer ce massage à des crèmes et produits conçus pour traiter les douleurs articulaires constitue une bonne option pour les patients.

1 Welma Stonehouse, Bianca Benassi-Evans, Jana Bednarz et coll. Krill oil improved osteoarthritic knee pain in adults with mild to moderate knee osteoarthritis : a 6-month multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial, The American Journal of Clinical Nutrition, 2022;116(3):672-685.

2 Mathieu S., Soubrier M., Peirs C. et coll. A meta-analysis of the impact of nutritional supplementation on osteoarthritis symptoms, Nutrients, 2022;14(8):1607.